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Lu sur Increvables anarchistes : "Dès le début de la guerre civile, l'intervention étrangère est déterminante. L'aide aux rebelles, acquise avant le soulèvement, est immédiatement opérationnelle. Du côté républicain rien de tel. Excepté quelques armes envoyées les premiers jours par le gouvernement Blum en réponse à l'appel à l'aide lancé par Giral, puis celles venant du Mexique et d'U.R.S.S., il n'existe aucun dispositif do soutien. Les volontaires étrangers qui, spontanément, vont partir s'enrôler dans les milices, ne répondent à aucun mot d'ordre de quelque parti que ce soit ; il s'agit d'un mouvement autonome, mû par un élan de solidarité révolutionnaire internationaliste.
Ce n'est que deux mois plus tard que les communistes vont S'intéresser à ce mouvement et créer ce qui deviendra les Brigades internationales. Staline s'est laissé convaincre (1) et reconnaît que la mise sous tutelle d'un tel mouvement pourrait présenter le double avantage d'augmenter le prestige de l'U.R.S.S. et de détourner au profit du P.C., le flot de volontaires qui, jusqu'à présent, rejoint les milices du P.O.U.M. et de la C.N.T. Dès lors, tous les partis communistes reçoivent pour mission de recruter un nombre déterminé de volontaires qui sont ensuite acheminés vers Albacete en Espagne, où le premier contingent arrive le 14 octobre 1936
les photos des brigades internationales.
No pasaran (3)
Les deux premières brigades ainsi formées, Lukacz et Kleber, fortes chacune d'environ mille neuf cents et mille six cents hommes, arrivent respectivement sur le front de Madrid (Casa de Campo) les 8 et 12 novembre 1936. Il a souvent été dit que les Brigades internationales avaient sauvé Madrid. Comment quelque trois mille cinq cents personnes si déterminées fussent-elles, auraient-elles pu accomplir un tel miracle ?
Leur combativité et leur courage ont été reconnus à l'unanimité mais si elles furent autant magnifiées, ce fut essentiellement l'œuvre des communistes. Selon les prévisions, les Brigades internationales, portées à leur actif, ont permis d'accroître leur prestige d'autant qu'à la même date les premières armes soviétiques arrivaient à Madrid. Or cet armement tant attendu allait être déterminant dans les batailles qui suivirent.
La seule intervention réelle des avions soviétiques aura lieu lors de cette bataille de Madrid, et chacun s'accordera à reconnaître qu'ils ont eu, à ce moment-là, la suprématie de l'air. Le 6 novembre 1936, à la veille de cette bataille que l'on devine dure, le gouvernement quitte Madrid pour Valence, emportant toutes les archives des ministères. Avant de partir, il confie au général Miaja, commandant en chef des armées du Centre (Madrid), le soin de former une junte, comprenant tous les représentants des partis du Frente popular, pour assurer la défense de Madrid. Très opportunistes, les dirigeants communistes et les conseillers soviétiques vont alors mettre à profit cette vacance du pouvoir pour s'emparer de l'exécutif abandonné par les fonctionnaires. Bons stratèges, ils le sont sur les champs de bataille et sur le plan politique. Face à la lâcheté des membres du gouvernement, ils demeurent dans Madrid pour résister et exhorter la population à faire de même: No pasaran. Les armes, ce sont eux qui les détiennent et les distribuent suivant leurs propres critères (5). Ces armes, qui vont leur permettre d'asseoir leur pouvoir en Espagne, sont pourtant tout, sauf un cadeau du "Petit père des peuples (6)". Elles ont été payées, et chèrement, avec l'or de la Banque d'Espagne qui a été livré à Odessa, une nuit de novembre 1936. Le général Walter G. Krivitzky (7), dira plus tard "si toutes les caisses d'or qui ont été empilées à Odessa étaient disposées côte à côte sur la place Rouge, celle-ci serait entièrement recouverte (8)".
S'il est présomptueux d'affirmer que les Brigades internationales ont sauvé Madrid, il est exact de dire qu'à Madrid comme ailleurs, surtout au début, elles remportèrent de brillantes victoires. Mais à quel prix !
Envoyés en premières lignes dans des offensives parfois mal préparées, ces soldats non aguerris subissent d'énormes pertes. Ainsi, lors de leur première intervention à la Casa de Campo, en particulier du côté de la cité universitaire où, le 21 novembre 1936, le célèbre anarchiste Durruti devait trouver la mort, les combats sont d'une violence inouïe, au point que des compagnies entières sont décimées, telle la compagnie polonaise du bataillon Dubrowsky (brigade Kléber) qui tiendra la Casa Velazquez jusqu'au dernier homme. Le 11 janvier 1937, Motel note dans son rapport que :
depuis les "événements qui se sont achevés le 6 novembre 1936 aux portes de Madrid, on aperçoit l'étonnant changement dû, dans les deux camps, à l'intervention de commandements étrangers ( ... ) La bataille actuelle avec sa violence, sa continuité, n'est plus une bataille espagnole. Un commandement allemand et un commandement russe s'affrontent disposant de troupes de choc qui ne sont pas espagnoles".
Au début de l'année les fronts tendent à se stabiliser mais chaque offensive quel qu'en soit l'assaillant reste très meurtrière.
Ces pertes de plus en plus lourdes, les luttes politiques, la rigueur sinon le sectarisme des communistes ainsi que la déception face à une réalité pas toujours conforme à l'imaginaire idéologique des premiers temps, ébranlent le moral de nombreux internationaux. Très rapidement des conflits internes éclatent.
On note des cas d'insubordination allant jusqu'à la mutinerie (9). Le 15 janvier 1937, dix-huit membres français, parvenus à se faire rapatrier sur le paquebot Imerethie, se plaignent des mauvais traitements infligés à la caserne Karl Marx et confirment que les conditions très dures imposées par les communistes provoquent de nombreuses désertions(10). L'arbitraire règne en maître.
Albacete : Cet îlot d'arbitraire secondé par le SIM.
Au malaise qui ne cesse de croître, les responsables répondent à renfort de sanctions. Face à cette répression accrue, les actes d'indiscipline et de désertion se multiplient. Le 14 avril 1937, deux cents déserteurs se réfugient au collège français de Valence (11) tandis que d'autres, qui tentent de rentrer en contact avec les représentants syndicaux du Frente Popular, sont arrêtés dans les rues de Valence sur ordre de Marty. Les déserteurs et les velléitaires sont jetés en prison ou incorporés dans des bataillons disciplinaires ou des camps de travail.
L'anticommunisme des brigadistes s'affiche de plus en plus ouvertement. Geste puéril mais ô combien significatif, certains portent ostensiblement le foulard rouge et noir qui a supplanté les insignes communistes, car se prétendre anarchiste équivaut à leurs yeux, au-delà de la provocation, à retrouver une indépendance perdue. Les récits des volontaires qui parviennent à rentrer chez eux et les nouvelles relatives à la liquidation du POUM ne font que ralentir un peu plus les recrutements.
Pour remédier à cette situation et enrayer la déperdition des volontaires internationaux, des brigades mixtes sont créées. Dès mars 1937, les volontaires espagnols dans les Brigades internationales représentent quelque 50%, pourcentage qui ne fera que croître dans les mais à venir.
En avril 1937, d'après André Marty qui a tout intérêt à gonfler les chiffres, les internationaux ne seraient plus que six mille, formés en bataillons comme unités de choc des nouvelles brigades.
Alors que ce malaise est de plus en plus profond, éclate un nouveau scandale: les dirigeants d'Albacete dont le Français Gaymann alias Vidal, l'intendant général Kapov ... jusqu'à Marty lui-même, auraient volé "les soldats de la liberté" en détournant les fonds. Marty qui, quelques années plus tard, sera surnommé le "boucher d'Albacete", ne cesse d'être mis en accusation. Son obsession des fascistes lui fait exécuter de nombreux brigadistes y compris des responsables militaires comme le commandant Lassalle, chef du bataillon Marseillaise. Avec ou sans procès, tous ceux qui font preuve de lâcheté ou d'incapacité quelconque, refus d'obéissance, contestation, désertion sont les victimes désignées du sinistre SIM.
Lorsque le 15 novembre 1938, lors de la revue d'adieu à Barcelone, Dolorès Ibarruri, la Pasionaria, les ovationne, rappelant qu'ils ont défendu " la cause de toute humanité éprise de progrès "... mais que " des milliers d'entre eux restent ici, avec, comme linceul, la terre espagnole ", fait-elle également référence à ces exécutions sommaires ou ceux morts sous la torture du SIM ou du NKVD ?
Au début de l'année 1938, les responsables espagnols, sans autorité face à Marty et aux conseillers soviétiques, avouent que les Brigades sont devenues un véritable cauchemar pour le gouvernement. Le colonel Perez-Salas, frère de l'ancien commandant de l'armée d'Estrémadure, chargé des étrangers, parle avec humeur de la source d'ennuis permanents que représente Albacete. La situation est telle que le gouvernement se dit disposé à un retrait immédiat des volontaires étrangers et décide la réforme du SIM, cet "autre îlot d'arbitraire qui prolonge hors d'Albacete l'emprise des brigades sur les étrangers, emprisonne et tue pour des raisons politiques (12) ".
Marie Claude Rafaneau Boj
Extrait du livre : Odyssée pour la liberté
Notes :
1 - Le 26 juillet 1936, le Komintern et le Profintern (chargé de coordonner les activités communistes dans les organes syndicaux) avaient déjà parlé d'un projet semblable, mais l'idée n'avait pas été retenue. Deux mois plus tard, le 22 septembre 1936, Maurice Thorez, secrétaire général du P.C.F., en voyage à Moscou, reprend cette idée, également soutenue par Rosenberg, l'ambassadeur soviétique à Madrid. Staline, convaincu par les arguments développés, donne son aval. Sous l'égide du Komintern se crée alors un réseau d'aide internationale dont la tâche principale est la constitution de ces brigades.
2. Une " troïka " dirige ce centre: André Marty, dirigeant suprême chargé de l'organisation " morale et politique ", Luigi Longo (Gallo), inspecteur général et Guiseppe di Vittorio (Nicoletti), commissaire politique en chef. Le responsable militaire de la base est un autre Français, ami de Marty, Gaymarm alias Vidal.
3. " ils ne passeront pas " : mot d'ordre lancé dans Madrid, qui sera repris par la population, faisant un bruit sourd et lancinant qui s'élèvera dans tous les coins de la ville même lors des bombardements.
5. A partir de février 1937, aucune arme provenant d'U.R.S.S. ne sera débarquée à Barcelone afin de ne pas armer les milices anarchistes.
6. Surnom donné à Staline.
7. A l'époque, chef des services de renseignements militaires soviétiques pour l'Europe de l'Ouest établis à La Haye.
8. Krivitzky, cité par Hugh Thomas, op. cir, t. II, p. 30
9. Lors de la bataille de Brunete qui se soldera par plus de 25 000 morts parmi lesquels de nombreux internationaux, un membre de la l3e brigade est abattu pour refus d'obtempérer.
10. Dès novembre 1936, des déserteurs s'étaient réfugiés au consulat français à Valence en sollicitant leur rapatriement.
11. Depuis la fermeture de la frontière en février 1937, les passages sont plus difficiles sinon impossibles. En outre, un problème se pose pour les ressortissants des pays totalitaires qui ne peuvent rentrer chez eux et à qui la France n'accorde qu'un transit sur le territoire français (cf, note 2, p. 38).
12. SHAT/7N 2756. Rapport du 17 janvier 1938 du 1ieutenant colonel Morel.