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Les élections présidentielles n’annoncent aucun changement ; la droite continuera ses attaques et la gauche déclamera ses grands principes abstraits. Nous constatons que les gouvernements de droite et de gauche en passant par les coalitions font des choix identiques, tant ces nantis n’ont qu’un but : sauver leurs officines, leurs privilèges. Voyez les indemnités des parlementaires, des ministres, celles des élus des collectivités : en 2002 un maire touchait par mois de 605 à 5 165 euros, un premier adjoint de 235 à 2 582 euros, un conseiller régional ou général (département) de 2 066 à 3 615 euros… si on ajoute les "établissements intercommunaux", les "syndicats mixtes", les "offices publics", etc., sans oublier les "dons à déduire des impôts par personne" (4 500 euros pour chaque élection et 7 500 euros aux partis par année), les remboursements des "frais de campagne" (qui rapporte 1,70 euro par électeur). Les syndicats n’échappent pas à la règle ; eux aussi tirent l’essentiel de leurs moyens d’existence des subventions de l’État, en siégeant dans les instances paritaires (ce partenariat de la cogestion). C’est ainsi que des sommes colossales sont en jeu, mais sans que jamais des informations précises et complètes ne soient fournies sur ce sujet. Il se dit, par exemple, qu’une assiette à l’Assemblée nationale vaudrait l’équivalant d’un SMIC et souvenez-vous du scandale des frais de bouches de Chirac, se goinfrant à hauteur de cette somme tous les jours quand il fut maire de Paris ! En fait, les élus ne font pas œuvre d’intérêt public parce qu’ils se rattachent à la technostructure et monnaient chèrement leur présence. La République, dont l’étymologie nous renvoie à la chose publique, a été dénaturée par les politiciens, ils l’ont privatisée. Il en va de même avec l’idée de démocratie - pouvoir par le peuple et pour le peuple. Les technocrates, dans de fictifs et pédants débats, rendent les enjeux incompréhensibles pour l’électeur. Et, si besoin, ils passent outre (voir par exemple les suites du référendum sur l’Europe).
Sénat, Assemblée, collectivités (territoriale), comités (d’entreprise, économique et social), conseils en tout genre… ces structures, dans lesquelles les élus et les représentants siégent afin d’élaborer les choix politiques et d’administrer la société, résultent d’une pléthore d’élections et nous sont présentées comme l’essence de la démocratie. L’absence de cette dernière est pourtant flagrante. Ne serait-ce que parce qu’on n’y retrouve sociologiquement que les bourgeois et les chefferies issues des partis et syndicats. Tout ce beau monde ne vise qu’à protéger ses intérêts et à perpétuer ce système inégalitaire, hiérarchisé, exploiteur, etc. Le "citoyen lambda" a peu de chance d’être élu, vu son manque de moyens logistiques (financiers, appui collectif…), sa méconnaissance des règles électorales et l’obstruction des élus (les 500 parrainages par exemple). S’il obtenait d’aventure un mandat au sein d’une de ces structures et qu’il en prenait le contrôle (maire d’une commune par exemple), il ne fait aucun doute qu’une coalition se formerait et ordonnerait aussitôt son isolement par toutes les autres structures qu’il ne régirait pas : intercommunalité, département, région, État, Europe, etc. ; la justice et le fisc seraient également mobilisées, sans oublier l’utilisation de l’intimidation et de la calomnie qui s’avèreraient des armes redoutables pour détruire, sur tous les aspects, notre doux rêveur. Au pire, ce dernier finirait, comme tous ceux qu’il prétendait dénoncer la veille, par intégrer les us et coutumes de cette machinerie institutionnelle. Celle-ci ne se laisse pas faire sans réagir. Elle possède aussi la capacité de se détacher et de s’autonomiser du reste de la société, en ce pérennisant par un recrutement dans les hautes écoles, contribuant par là même au népotisme. L’histoire nous enseigne que la machinerie institutionnelle ne se change pas de l’intérieur. C’est la foule, en la contestant, qui l’abolit pour en ériger une nouvelle de l’extérieur. On appelle ce processus un changement de régime ou de république. Parfois, dans des contextes bien précis quand la population veut se défaire définitivement de toute cette oppression, éclosent des dynamiques révolutionnaires : Russie 1917, Allemagne 1918-19, Italie 1920, Espagne 1936-39, Hongrie 1956… et l’espoir est là.
Nous devons rompre avec l’isolement, l’atonie, afin d’échafauder, sur nos lieux de travail et d’habitation, une multitude de comités de lutte. Exigeons dès maintenant des droits de qualité pour tous, fondés sur l’accès libre et gratuit aux transports, au logement, à la nourriture, à la santé, etc. Finissons-en avec cette idéologie oppressive qu’est le capitalisme et ses dérivés, engendrant misère, indigence et sauvagerie… Faisons fonctionner ces comités de lutte selon les principes suivants : un individu égale une voix, rotation des tâches, mandatés révocables… et plaçons-les en dehors de la machinerie institutionnelle. Agissons pour qu’ils se développent, se massifient et se fédèrent horizontalement et qu’ils deviennent des réseaux fortifiés, ne se limitant pas qu’à endiguer l’attaque du système. Les anarchosyndicalistes appellent tout cela la résistance populaire autonome basée sur la démocratie directe. La résistance populaire autonome utilise l’action directe qui se manifeste sous plusieurs aspects : occupation, boycottage, auto réduction, manifestations indépendantes, etc. ; l’action directe va de pair avec la désobéissance civile. Le but des anarchosyndicalistes est que la résistance populaire autonome parvienne à défaire ce système pour le changer par un autre plus juste, égalitaire et pacifique. Nos aïeux, des Sans-culottes de 1793 aux Communards de 1871 tentèrent cette expérience, et même, plus partiellement, nos aînés de 1936 et 1968, qui usèrent de la grève générale, si chère aux anarchosyndicalistes, que le mouvement de lutte contre la précarité (CPE/CNE) a remis d’actualité.
Afin de pousser aux urnes, les politiciens pointent du doigt l’extrême droite, le spectre réactionnaire. Si cela n’est pas à ignorer ni à sous-estimer, un certain nombre de controverses ne doivent pas être occultées. Le parlementarisme est compatible avec la dictature ; il a déjà accouché du totalitarisme (les nationaux-socialistes remportèrent les élections de 1933 en Allemagne, divers groupes fascisants dans le monde sont dans des coalitions gouvernementales, etc.). D’ailleurs, Le Pen a gagné d’emblée tactiquement et idéologiquement, car la droite et la gauche jouent désormais sur son terrain de prédilection (sécurité, immigration, fiscalité, famille, etc.). Elles ont aussi accompagné des mesures anti-sociales essentielles à la survie du capitalisme, et c’est là-dessus que poussent les fleurs vénéneuses du Front national. Celui-ci ferait la même politique*1, dans une version plus musclée mais pas fondamentalement différente. Soyons clairs ! Le vote anti-Front national servira de caution aux attaques du prochain gouvernement par ce chantage "c’est nous ou le Front national". La fixation sur ce dernier évite la critique d’un autre totalitarisme qui est celui de ce système (violences patronales, exclusions, exploitation, oppression, etc.). Cela est plus subtil et difficile à saisir, parce qu’ayant normé, discipliné, soumis et assujetti l’individu à l’acceptation du cadre actuel, le pouvoir n’a pas besoin pour le moment de recourir à une violence massive et directe de l’appareil d’Etat (justice, armée, police), à l’exception de certaines situations où il peut montrer son vrai visage (quartiers,…). Cette acceptation généralisée de l’idéologie dominante et de sa machinerie institutionnelle fait que nous pourrions même parler de l’avènement d’un post-totalitarisme. La droite décrie le Front national tout en l’ayant utilisé dans un calcul cynique qui a amené la gauche, la LCR et les altermondialistes à voter Chirac pour avaliser Sarkozy au final. En cas d’un duel Sarkozy/Le Pen, voteront-ils Sarkozy, dont ils dénoncent les positions, ou ironie de l’histoire, reprenant la position de la CNT-AIT, appelleront-ils à l’abstention et à la grève générale ? La gauche espère-t-elle un duel Le Pen/Royal assurant la victoire à Madame ?. En attendant, ils prétendent tous barrer la route à Le Pen, mais cela ne les empêche pas de multiplier les candidatures (quitte à éliminer les chefs de leur camp) tant il leur faut exister et négocier ensuite leur ralliement du deuxième tour. Surtout si aux législatives, une coalition gouvernementale UDF, PS, Vert se crée, jetant l’UMP, et la "gauche de la gauche" en dehors des sphères du pouvoir. Car la bourgeoisie n’a nullement besoin du Front national pour exercer son autorité et son pouvoir. La machinerie institutionnelle y pourvoie suffisamment et à défaut, la droite (avec ou sans l’extrême droite) saura mettre un terme à la subversion (écrasement de la République des conseils en Bavière et de la Commune de Hongrie en 1919, coups d’État de Franco en 1936 et de Pinochet en 1973, appui aux "contras" du Nicaragua dans les années 80…). Quant à la gauche, elle n’est pas en reste (Qu’on se rappelle seulement Gustav Noske main dans la main avec les Corps francs pour réprimer les spartakistes en 1919, ou des antifascistes espagnols laissés à l’abandon en 1936-39, sous prétexte de neutralité, par le gouvernement Blum ainsi que des 170 députés de la SFIO votant l’investiture de Pétain en 1940, etc.) ; elle n’a pas de leçons d’antifascisme à nous donner. Savez-vous seulement, électeurs, que l’article 16 de la Constitution envisage la dissolution de l’Assemblée nationale et donne les pleins pouvoirs au Président de la république et que les Ordonnances de 1959 programment une militarisation de la société ? La bourgeoisie a donc prévu, si besoin est, d’écraser, très "légalement", la population au non de sa faribole démocratique.
Ils aiment tous dénigrer les abstentionnistes qu’ils considèrent comme des beaufs, des incultes et des décérébrés. La rhétorique de la casuistique parlementariste fait qu’élire, déléguer son engagement puis ne rien faire et rester pendant des années silencieux et amorphe, devient la quintessence de la citoyenneté ! La réalité contredit cela puisque beaucoup d’abstentionnistes s’activent dans l’associatif, le syndicalisme de lutte et les conflits sociaux. L’abstentionnisme actif exprime clairement un désaveu et un rejet de la machinerie institutionnelle. Cet acte politique recueille un écho grandissant y compris chez l’électeur désappointé et sans illusion sur le vote. Pour les anarchosyndicalistes, les innombrables méfaits du système ne seront pas enrayés par les isoloirs qui isolent de la politique, mais par le dynamisme de la résistance populaire autonome. Toutes les entorses et toutes les attaques contre cette dernière sont autant de victoires concédées au système actuel.
13/12/06 - Union Locale CNT-AIT Caen http://cnt.ait.caen.free.fr
*1 Rappelons que "Le Canard enchaîné" a établi que la moitié du programme du Front national est déjà en application en France grâce au votes de diverses lois.
A lire sur ces sujets, dans les “Cahiers de l’anarchosyndicalisme” :
n°42 Lectures subversives - n°38 Autonomie Populaire et désobéissance civile ; les autoréductions en Italie - n°33 Pour l’abstention - n°22 Techniques de luttes - n°8 Anarchosyndicalisme et autonomie populaire.
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CNT-AIT BP 2010, 14089 Caen cedex