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Lu sur : HNS « Je me souviens quand j'étais enseignante, j'arrivais à la fin de l'année scolaire plutôt fatiguée, notamment du fait de ces tâches administratives ennuyeuses venant invariablement alourdir les derniers jours de classe et gâcher l'allégresse du travail quotidien.
Après le premier mois de vacances, les enfants me manquaient déjà et, passé le 15 août, l'attente montait : le retour en salle de classe était toujours une fête.
J'y pensais l'autre jour, en regardant le calendrier, car dans une semaine, je me prépare à rentrer dans une salle. Ce ne sera pas une salle d'école, avec tous ses problèmes, ses difficultés, ses incongruités, certes, mais aussi ses espoirs construits pas à pas. Ce sera une salle de justice, et personne ne fera la fête.
Après la pause estivale, reprend, ici à Gênes, le procès contre 25 manifestants, accusés d'avoir dévasté et saccagé la ville en juillet 2001 alors que huit parmi les principaux dévastateurs du monde se trouvaient à l'intérieur d'une sorte de fort, la zone rouge, entourés par je ne me rappelle plus combien de gardes et d'armes des plus sophistiquées.
Eux, les inculpés, ne pourront pas tous être présents : ils vivent dans différentes villes, certains très loin de Gênes. Voyager demande du temps, de la fatigue et de l'argent, surtout pour qui ne dispose pas d'un hélicoptère personnel ou d'une limousine avec chauffeur.
J'ai rencontré deux d'entre eux, au début du mois d'août. Juste avant, j'étais allée à Bologne pour rappeler les victimes de la bombe cachée dans une valise à la gare, il y a vingt-quatre ans, et rappeler que de nos jours encore, personne n'a du rendre des comptes pour ces morts, comme tant d'autres. Puis, j'étais descendue à Reggio Calabria : quatorze heures de train pour dire non au projet d'un pont qui devrait relier deux routes qui n'existent pas, abattre des maisons de familles qui voudraient vivre en paix, détruire deux collines, transformer de nombreux quartiers et alimenter les circuits mafieux par des appels d'offre en or. J'avais donc fini par traverser le détroit (Ndt. de Messine) : vingt minutes à regarder les côtes et le bras de mer entre Scilla et Cariddi. Quand je suis descendue du bateau - au milieu des banderoles et des drapeaux, alors que Messine rouvrait, peu à peu les fenêtres et les grilles des devantures de magasins, oubliant les immanquables prévisions catastrophiques diffusées par la presse locale - je l'ai retrouvée, elle, souriante et toute occupée, et puis lui. De dangereux jeunes, ceux-ci, qui au lieu de s'occuper de leurs affaires et de rêver à une participation dans le « Grande Fratello » (Ndt. « Big Brother », TV-reality) continuent à se mettre en jeu pour défendre leur terre et le futur de tous.
Qui pourra venir au tribunal, aux prochaines audiences ?
Certainement pas ce jeune, retenu dangereux au point qu'il a déjà passé un an de sa jeune vie en prison : non, il n'a pas mis de bombe, il n'a tiré sur personne, il n'a pas cassé de têtes ou de bras, il n'a pas arraché de piercings avec des pinces, il n'est pas médecin. C'est seulement un jeune, comme on aurait dit à l'école, d'un peu difficile, peu travailleur et passant beaucoup de temps à supporter son équipe de foot.
Très certainement, il n'y aura pas ces deux Palermitains qui - alors que d'une part, de vrais ou faux blacks blocs incendiaient voitures et poubelles, et que d'autre part, de vrais ou faux tuteurs de l'ordre tiraient des lacrymogènes, lançaient des jets d'eau urticante et frappaient à coups de matraque un cortège autorisé - étaient montés sur une mobylette et parcouraient les rues de Gênes sans l'autorisation du propriétaire légitime. D'accord, ça ne se fait pas. Ils risquent de huit à quinze ans, pour cela. Qui a réduit en fin de vie un journaliste anglais et une jeune Allemande la nuit de l'école Diaz ne risque rien : un uniforme et un casque d'ordonnance assurent l'anonymat.
Je ne sais pas si un fils qui me tient à coeur pourra être présent : il travaille dans une coopérative depuis qu'il n'est plus soumis aux arrêts domiciliaires mais qu'il doit se présenter tous les jours pour effectuer une signature dans sa ville. Ce n'est pas facile à vingt ans de supporter d'être traité comme un délinquant surtout si on a vu tuer un de ses congénaires et que personne n'est poursuivi pour cet homicide.
Assurément, il y aura certains de ces jeunes de Indymedia qui ont travaillé tout l'été pour visionner, cataloguer, organiser centaines et centaines d'heures de films, de photos, de documents.
Peut-être retrouverai-je, dans cette salle, une des vingt-cinq inculpés, gentille, silencieuse, toujours vêtue de noir ; maigrelette comme elle est, on a du mal à l'imaginer assaillant le mur d'enceinte de la prison. Mais il suffit de regarder les images filmées de Ferrario pour voir les camionnettes et les blindés des carabiniers abandonner la place la plus proche et s'éloigner rapidement. Ils ont du avoir une grande peur. En réalité, le geste symbolique, de ceux qui refusent les prisons et les chaînes pour les plus faibles, pour les plus pauvres et marginalisés, a toujours fait peur à ceux qui veulent tenir une société sous contrôle.
Je l'embrasserai, elle, pour les embrasser tous. Y compris les quinze de Cosenza car, ne l'oublions pas, il y a un procès en cours là aussi. Là aussi, un théorème tout autant fantaisiste : imaginez, ils auraient attenté à l'ordre économique de l'Etat.
Comme s'ils étaient Président du Conseil... »
La mamma di Carlo
Ce texte nous a été amicalement transmis par la rédaction de l'hebdomadaire Carta
Traduction HNS-info
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