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64 % est déjà un joli record en soit mais, selon la plupart des partis d’opposition, ce taux serait assez largement sous-évalué car bidouillé par le pouvoir en fin de soirée électorale. Ainsi le taux de participation véritable se situerait selon toute vraisemblance entre 20 et 25% ! Ajoutez à cela que parmi les quelques 20% de votants, 1 sur 5 a émis un vote blanc ou nul (on signale même un suffrage pour Sarkozy dans une wilaya de l’ouest algérien : l’archétype du bulletin nul…).
Claque magistrale pour le pouvoir algérien qui, n’en doutez pas, conserve sa majorité absolue FLN/RND/MSP avec 249 sièges sur les 389 que comporte l’APN, l’assemblée nationale algérienne. Le gouvernement et ses députés ne représentant donc rien ni personne, tentent de poursuivre leur route, presque mine de rien. Mais le coup est rude et le statu quo impossible.
L’abstention massive n’est pas un phénomène nouveau en Algérie mais elle restait jusque là confinée à la seule Kabylie. Alors pourquoi a-t-elle cette fois fait tâche d’huile et quelles perspectives révolutionnaires peut-on en espérer ?
Tout d’abord les causes de ce mouvement. L’Algérie est un pays meurtri et déstabilisé par son histoire récente au cours de laquelle n’ont été ménagés ni ses populations ni ses territoires : la colonisation (dont les 132 ans d’occupation française), la sale guerre entre patriotards algériens et patriotards français marquant la fin de l’occupation française (1954-1962), la confiscation du pouvoir par le FLN canal mafia-pétrole-armée (de 1962 à maintenant), le Printemps Berbère (1980), le vote sanction en faveur du FIS et l’arrêt du processus électoral (1991), la décennie noire en découlant (au moins 150 000 morts entre 1991 et 2001), le Printemps Noir de Kabylie (2001), l’amnistie des terroristes d’Etat (l’armée) et religieux auteurs des horreurs de la décennie noire (2005). Parallèlement, la population a triplé depuis l’indépendance du pays et compte aujourd’hui 33 millions d’habitants dont près de 50% de moins de 20 ans. Cela s’accompagne d'une forte urbanisation, de besoins énormes en logements, d’un chômage touchant 75% de la population des adultes de moins de 30 ans et 30% de la population active totale.
Pourtant le pays est très riche des revenus du gaz, du pétrole, de son agriculture diversifiée, d’un savoir faire industriel important… et de sa jeunesse. Mais les revenus sont confisqués par la hiérarchie militaire qui, dès l’indépendance, a manipulé les politiciens du FLN puis de ses partis satellites. Ainsi la distribution des richesses, bien que la moins scandaleuse des trois pays du Maghreb, reste à faire, ce qui nécessitera tôt ou tard de s’attaquer frontalement à la mafia constituée par l’état major de l’armée algérienne.
La connivence-dépendance du pouvoir civil vis-à-vis de cette mafia dont il n’est que la façade légale, le clientélisme et la corruption à tous les niveaux du pouvoir politique, des partis et de l’armée, la confiscation des richesses du pays, les folies islamistes locales et importées, l’amnistie-amnésie dont ont bénéficié les assassins de la décennie noire, le chômage massif expliquent entre autres choses l’immense frustration des algériens et ce boycottage électoral massif.
Cette expression pour l’heure seulement protestataire et de défiance vis-à-vis des politiciens n’est pas encore d’essence libertaire. Mais tout espoir reste permis : il nous vient encore de Kabylie.
En effet, le mouvement kabyle des Aarouchs (1) a fortement marqué les esprits à travers tout le pays en affrontant spectaculairement et durablement le pouvoir central de 2001 à 2004 grâce à son fonctionnement en assemblés court-circuitant les élus qu’il récusait. Il a participé à montrer une voie réaliste d’émancipation politique collective éventuellement déclinable à d’autres régions du pays. Ce mouvement né des évènements sanglants du printemps noir en 2001 (2) a vu la structuration très rapide de la Kabylie en assemblées de citoyens au niveau communal, cantonal et départemental. Ces assemblées à la direction tournante et où la règle du consensus prévalait dans l’élaboration des décisions, ont mis en place des instances horizontales de coordination, sont parvenus à bouter hors de Kabylie pour plusieurs mois politiciens et gendarmes, ont refusé toute participation aux élections (principe contenu dans un « code d’honneur »), etc… Grâce à ce mode de fonctionnement, elles ont immédiatement élaboré une plateforme revendicative en 12 points connue sous le nom de « plateforme d’El-Kseur » (http://membres.lycos.fr/cicbgayet/plateforme.html). Ce texte revendicatif a été très largement ignoré par le pouvoir, sauf sur les aspects concernant la langue amazighe et ce dans le but de dénigrer le mouvement en laissant croire au reste du pays à un épiphénomène identitaire berbère. Il s’agit en réalité de bien autre chose qui n’est pas sans rappeler notre bonne vieille Commune de Paris dans ses motivations et son fonctionnement.
Les Aarouchs sont actuellement en crise car divisés en deux tendances : les « dialoguistes » partisans d’une négociation avec le pouvoir, voire d’une participation aux élections, et les « non-dialoguistes » vers qui notre sympathie pourrait a priori aller. Cela mine la dynamique mais gageons que l’expérience des Aarouchs, encore bien vivante sur le terrain, en inspirera d’autres sur tout le territoire algérien, à l’instar de l’abstentionnisme kabyle qui a su « contaminer » tout le pays !
A suivre absolument et résolument de près…
Ramzi
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(1) nom historique des assemblés villageoises traditionnelles kabyles. Pour plus d’information sur le mouvement des Aarouchs (ou des Aarchs) né du printemps noir, on peut regarder sur
www.plusloin.org/refractions/refraction8/algerie.htm ;
ww.mondeberbere.com/presse/200303_mahe_altint.htm
Pour ressentir un peu la complexité algérienne contemporaine, il peut être utile de
lire
- « le Journal d’un insurgé », roman de Khelifa Benamara, Atelier de création libertaire, 14 €
- savourer « Bled number one », film réalisé en 2006 par Rabah Ameur-Zaimeche