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LE VRAI / FAUX POUVOIR DES MEDIAS
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Les médias occupent l’intégralité de l’espace social et politique, mais bien au-delà, ils occupent les consciences et même, ce qui est plus grave, les modèlent, les déterminent dans leurs comportements y compris militants.

Pourtant ce pouvoir exorbitant est en réalité très relatif. A l’exemple de la religion qui durant des siècles a modelé les consciences, leur pouvoir n’est pas « leur » pouvoir, mais celui que nous leur prêtons.

LE PRIVILEGE DES POUVOIRS 

Tous les pouvoirs, quels qu’ils soient et à toutes les époques ont utilisé de la magie, de la religion, de l’illusion, tout cela plus ou moins baptisé « information » pour asseoir leur hégémonie et tenir dans une médiocrité intellectuelle les individus qu’ils exploitaient.

D’un système d’information religieuse nous sommes passés à un système d’information marchande. Privilèges du pouvoir religieux, allié direct, et intégralement partie prenante des classes dominantes dans le système féodal, l’information et la communication sont aujourd’hui au service des principes du fonctionnement du Capital… Ils font même mieux, nous allons le voir, ils sont un secteur de la valorisation du Capital.

Nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui trouvent scandaleuse cette situation et considèrent qu’un système de communication devrait exister indépendamment des forces économiques et politiques. Il est vrai que le pouvoir religieux ne prenait pas autant de précaution en matière d’indépendance et assumait en toute clarté l’asservissement de l’information à ses propres intérêts… qui étaient évidemment ceux de Dieu. Aucune contestation n’étant alors plus possible.

Le système marchand a eu lui l’idée ingénieuse de faire croire, puisqu’il était, et est, « démocratique » ( ?), que les pouvoirs étaient, devaient être « indépendants » les uns des autres depuis le 18e siècle, y compris, depuis, ce « quatrième pouvoir » que l’on nomme INFORMATION. Ceci est évidemment faux,… mais ça marche, tout le monde, ou à peu près le croit, l’Université l’enseigne,… là est l’essentiel.

Il est en effet impensable d’imaginer qu’un pouvoir, garant d’un système d’exploitation, générateur d’inégalité et d’exclusion, puisse laisser autonome, indépendant, le traitement de l’information, surtout à une époque où les moyens de communication sont hyper développés. Si la main mise n’est pas explicite, elle en est tout au moins implicite et la structure du système marchand présente l’intérêt exceptionnel de rendre cette possession pas du tout évidente.

L’INFORMATION – MARCHANDISE

En effet, ce qui est un véritable totalitarisme dans la domination de l’appareil d’information n’apparaît pas en tant que tel. Il n’y a pas comme dans un système explicitement totalitaire une chape de plomb bureaucratique Formellement la liberté règne, mais elle règne dans le sens que l’entend la marchandise c'est-à-dire que seuls ceux qui en ont les moyens financiers peuvent prétendre, de manière indépendante, à l’expression et à l’information. Certes, des exceptions existent, comme le Canard Enchaîné et de petites maisons - associations d’édition, mais ce sont des exceptions qui ne remettent pas en question le principe de base qui est celui de l’argent. Ces exceptions sont même, pourrait-on dire, la caution « démocratique » du système dominant. Les grands moyens d’information, écrits, audio et visuels sont entre les mains de puissances financières jalouses de ce qui constitue une puissance marchande, et fonctionnent sur le marché boursier comme n’importe quelle autre entreprise capitaliste.

Les médias sont certes médiocres, mais ils sont avant tout marchands, comme étaient religieux les « mystères », saynètes religieuses jouées autrefois sur les parvis des églises et que nous trouverions, aujourd’hui, tout à fait ridicules et scandaleusement infantilisantes.

Ne parlons pas de la publicité qui structure de plus en plus l’espace médiatique et qui est l’empreinte la plus évidente de l’omniprésence de la marchandise dans celui-ci. Publicité qui constitue également le principal financeur des médias.

Publicité, jeux, séries commerciales, sport, informations triées en fonction de l’impact publicitaire, constituent l’essentiel du paysage médiatique marchand.

L’intérêt de l’information ne réside pas dans le fait d’informer le public, mais dans ce que cette information va pouvoir apporter en taux d’audience : « sang, cul, jeux/sports » constituent le tiercé gagnant du monde médiatique.

Dans cette logique le pouvoir y trouve un double intérêt :

 

- en tant que garant du règne de la marchandise il favorise le développement d’un secteur quasiment industriel aux profits mirifiques ;…

- il développe un secteur particulièrement débile sur le plan intellectuel permettant de maintenir le « bon peuple » dans l’inconscience et l’inaction politique.

Il faut honnêtement reconnaître que le système est tout à fait efficace dans cette entreprise et ce, dans tous les pays.

UNE SOUMISSION GENERALISEE

Ce système médiatique fonctionne en effet apparemment à la satisfaction générale. La frange de la population qui le dénonce est très réduite et la culture médiatique marchande a été universellement adoptée.

Le système médiatique encadre et rythme les grandes activités de la société civile. Des journaux d’information vis-à-vis desquels on est dépendant pour « savoir ce qui se passe », aux reportages sportifs sur lesquels on s’aligne pour organiser ses propres activités, la vie de la société civile est dépendante du système médiatique… et pas seulement télévisuel, mais même de la radio et des journaux dont les colonnes reflètent ou non ce que bon leur semblent.

Même les militants en sont à calquer leurs heures de manifestations et leurs déclarations pour les faire coïncider avec les horaires des informations télévisées. La présence ou non de journalistes - avec caméras de préférence - est un facteur ou non de réussite d’une mobilisation.

A la limite une manifestation non couverte médiatiquement n’existe pas.

Le spectaculaire se vendant bien, la contestation s’adapte à cette donnée marchande au point qu’il est aujourd’hui acquis qu’une manifestation violente, où, par exemple, des voitures sont brûlées, est sure de faire la une des médias. N’a-t-on pas vu des « journalistes » payer des « casseurs » pour faire des scoops ? N’a-t-on pas vu le pouvoir utiliser politiquement des faits divers largement médiatisés pour faire basculer l’opinion à la veille d’élections ?

Devant un tel déferlement de suivisme, de servilité, de bassesse, de mauvais foi et finalement… d’efficacité, il est tout à fait compréhensible que les médias se sentent tout puissants et que le pouvoir désire frénétiquement les contrôler… indirectement… pour sauver les apparences

Il est en effet aujourd’hui de notoriété publique que personnel politique et personnel des médias sont deux catégories qui s’interpénètrent largement – et ce, au sens propre comme au sens figuré. Le pouvoir des « patrons » de presse et autres médias, est suffisamment considérable pour que le Pouvoir s’y intéresse particulièrement. Quand ils ne sont pas directement nommés par le Pouvoir, comme dans le cas du service dit « public », les « patrons » des médias entretiennent des relations très étroites avec les hommes du Pouvoir. Il n’est qu’à constater la servilité des médias quand une grande échéance électorale se profile.

Sportifs, chanteurs et acteurs courtisans et autres éléments de la faune de la jet-set qui vivent en parasite de la société, contribuent, en faisant fantasmer le « bon peuple » sur des évènements sordides, minables et inessentiels fidèlement rapportés par les médias, à maintenir le degrés zéro de la conscience citoyenne.

Pour les contestataires, c’est la portion minimale qui leur est réservée…. Et non seulement ils s’en contentent mais la revendiquent, risquant en cas de protestation de se voir réduits définitivement au silence. La plupart des organisations politiques ont intégrés ces règles du jeu et obéissent fidèlement quand on les siffle pour « passer à la télé ».

Les rares journalistes sérieux et indépendants sont vite mis sur la touche ainsi que leurs émissions déplacées (« LA-BAS SI J’Y SUIS »), voire carrément annulées (« ARRET SUR IMAGE »).

Aux marges du système médiatique on trouve tout ce qui, aux yeux du pouvoir politico-commercial ne compte pas ou presque pas.

Tout ce qui peut-être envahi par la marchandise l’est irrémédiablement… généralement par la publicité qui fini par contrôler le journal, la radio… et en faire un support commercial.

On trouve, en cherchant bien, quelques îlots sains, des canaux, payants, sur satellites ou le câble avec des programmes de qualité, mais là encore faut-il faire l’effort, en particulier financier, pour y accéder.

Ainsi, la connaissance, la culture qui pourraient être largement aidées par les moyens modernes de communication sont ainsi laissées en friche et dans un état indigent par un système médiatique entièrement soumis aux intérêts financiers et idéologiques du Capital.

 
ALTERNATIVE ET MEDIAS

Il faut absolument se convaincre, et convaincre, que ce ne sont pas les médias qui font l’Histoire, même s’ils arrivent à manipuler l’actualité.

Les médias nous poussent à faire dans le spectaculaire sous prétexte de « popularisation », or, le traitement médiatique de l’évènement n’est que de pure forme, totalement soumis aux intérêts de l’ « information - marchandise »

Les rapports qu’entretiennent les militants alternatifs avec les médias sont souvent malsains. Ceux-ci, en particulier les chaînes de télévision, poussent à ce type de rapport en faisant miroiter le vedettariat.

La construction d’un évènement, d’une manifestation se fait généralement en fonction des critères médiatiques, par peur qu’ils ne viennent pas « couvrir » l’évènement, pas en fonction d’un projet stratégique d’ensemble… Conclusion, on a l’illusion momentanée de l’efficacité… en fait l’évènement n’est qu’un « feu de paille ».

Apprenons à nous passer des médias. A ne pas faire pour eux, mais pour nous, en fonction de notre propre projet, de notre propre stratégie. Si ça leur plaît, tant mieux, sinon, peu importe.

Ils ne sont pas avec nous et ne sont pas fait pour nous Ils ne fonctionnent pas sur notre logique, ils n’ont aucun de nos objectifs. Nous n’en avons rien à attendre d’essentiel. Il vaut mieux faire quelque chose de construit, non médiatisé, qu’une belle manifestation qui passera à la télé. S’ils viennent c’est bien, s’ils ne viennent pas, tant pis.

La question de l’information est importante pour populariser nos projets et nos actions. Il faut se donner des moyens de communication pour assumer cette fonction, certainement d’une autre manière que ne le font aujourd’hui les médias. Internet est un bon exemple de ce qui peut être fait.

 
 Patrick MIGNARD

 
Avril 2008

Voir aussi :

« COMMUNICATION ET POLITIQUE »

 « HOMO MEDIATICUS »

« LA DICTATURE DES APPARENCES »

Ecrit par PatrickMignard, à 22:14 dans la rubrique "Pour comprendre".



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