Un article intéressant en cette période de J.O :
Lu sur
le blog de Diego Melchior : "Au sens premier du terme, le sport serait une activité physique exercée dans le sens du jeu, de la lutte et de l’effort, et dont la pratique suppose un entraînement méthodique et le respect de certaines règles et disciplines. Le sport serait donc un divertissement, une manière de se libérer l’esprit par l’effort physique. Jusque-là, aucune critique ne pourrait être formulée à l’égard d’une telle définition qui, il faut bien le dire, est néanmoins tout ce qu’il y a de plus neutre. En effet, pourquoi critiquer une activité qui ne serait en fait qu’un plaisir recherché par l’homme ?
Le sport est certes un plaisir, c’est même pour la plupart des hommes un loisir avant tout. Le sport libère peut-être l’esprit et permet de faire le vide sur soi-même mais il existe indiscutablement des activités bien plus épanouissantes que le sport afin de libérer l’esprit et de se divertir. Bien loin de reprendre l’idée épicurienne que la philosophie serait le plaisir suprême, nous pouvons tout de même penser que l’exercice de la pensée critique est un bien meilleur moyen de se divertir et de
« se dépasser soi-même » que l’activité exercée dans le sens de l’effort.
En outre le sport induit une dimension inévitable qui est souvent absente de sa définition neutre. Le sport est un vecteur sociétal avant tout. Le sport est en fait un moyen pour les individus de contribuer à construire la société. Encore une fois, jusqu’ici il n’y aurait rien à dire : tous les moyens sont bons pour construire la société qui reposerait sur l’esprit collectif avant l’esprit individuel. Cependant, le sport est un vecteur sociétal qui ne tend pas à construire une société démocratique. Le sport est en fait un obstacle à la société démocratique fondée sur la liberté, l’égalité et la paix. Le sport est un vecteur sociétal qui conduit à une vision de la société véritablement ternie. Cette vision ternie est la société fasciste.
Mais pourquoi le sport conduirait-il au fascisme ?
Tout d’abord, le sport dans sa recherche du divertissement par l’effort et par le
« dépasser soi-même » entraîne un certain nombre de concepts avec lui. Qu’ils s’agissent de sport individuel comme la course à pied ou de sport d’équipe comme le football, le sport est toujours lié à cet esprit de concurrence. Si, au départ, on fait du sport pour soi-même, dès qu’il y a confrontation avec l’adversaire, on ne fait plus du tout du sport pour soi-même, c’est alors la volonté de gagner, d’être le plus fort, d’écraser l’adversaire qui prédomine. Cet état d’esprit se retrouve en sport de bas niveau aussi bien qu’en sport de compétition. Le sport développe une mentalité néfaste qui bien loin de chercher en fait à intégrer les individus ne fait qu’aggraver les rapports de tensions qui existent entre eux.
Cet état d’esprit est particulièrement proche de l’état d’esprit développé par le fascisme mais aussi par le capitalisme. Qu’est ce que le fascisme ? Le fascisme, en plus d’être une idéologie totalitaire, c’est aussi une idéologie qui prône le
« dépasser soi-même » et le fait d’être le plus fort, le plus pur et que seul les gagnants sont dignes de vivre en société. Qu’est ce que le capitalisme ? C’est bien la promotion de la concurrence sans limite où la encore seuls les gagnants ont leur place. Le sport est un vecteur de société qui contribue à alimenter le capitalisme dans les sociétés démocratiques et le fascisme dans les sociétés totalitaires.
Dans le cas du fascisme, l’Histoire l’a montrée. Le sport a à la fois été un vecteur qui a permis d’alimenter l’idée fasciste et aussi un moyen pour le fascisme de se renforcer. Le sport a fait changer la société vers le fascisme en insufflant un état d’esprit néfaste et, une fois le fascisme en place, le sport a été pleinement utilisé pour renforcer l’emprise fasciste sur la société. Le fascisme italien, les totalitarismes nazi et soviétique ont tous trois utilisé le sport comme exaltation de la société non démocratique. En outre, le sport étant un vecteur véhiculeur particulièrement habile de l’esprit nationaliste, il satisfaisait pleinement aux demandes exigées par les totalitarismes qui trouvaient dans le sport un moyen excellent d’embrigader les masses dans un esprit nationaliste.
Dans le cas du capitalisme qui nous est plus familier, il y a encore cet esprit nationaliste qui accompagne le sport : il suffit de voir l’attitude de Bertrand Delanoë lorsque celui-ci a appris que les JO ne se tiendraient pas à Paris, quel sacrilège pour la nation ! Dans la société capitaliste, le sport est un moyen implicite d’embrigader les masses dans le conformisme de la société de consommation. C’est un opium du peuple qui est utilisé de la même façon que les jeux du cirque sous la Rome antique (le fameux
« panem et circenses ») ! Plutôt que de chercher à contester une société qui prône l’exploitation de l’homme par l’homme, les individus se réfugient dans l’idolâtrie des sportifs et dans la fascination de la victoire de leur équipe locale ou nationale préférée.
En effet, entre sport de haut niveau et sport de bas niveau, l’état d’esprit reste le même : toujours cette volonté d’être le meilleur, de gagner, de
« se dépasser soi-même » en écrasant l’autre… Les sports d’équipe ne canalisent pas cet état esprit, bien au contraire, ils ne font que le renforcer : quand l’équipe perd, on tient pour responsable de la défaite le plus faible de l’équipe, la solidarité n’existe que dans la victoire. En outre, le sport dans la société capitaliste renforce le populisme (l’homophobie et l’antisémitisme des
hooligans, par exemple), s’accompagne d’affaires mafieuses et est pourri par la drogue. C’est l’argent qui compte en somme pas le sport ; et pour avoir de l’argent tous les coups sont permis.
On évoque enfin souvent le sport comme un moyen d’émanciper l’individu. Cette vision des choses est fausse. Le sport étant donné qu’il privilégie un parcours individuel n’émancipe qu’un individu particulier jamais un collectif. Cela ne sert qu’à donner des faux espoirs à nos générations qui vivent dans la misère des banlieues. Plutôt que d’ériger des réussites personnelles par le sport comme moyen de s’en sortir, il faudrait développer de véritables politiques culturelles d’intégration des jeunes !
Alors oui, le sport conduit au fascisme dans le sens qu’il est un vecteur sociétal non démocratique. Il entraîne de nombreuses conséquences néfastes. Toutes les valeurs positives que le sport croit prôner (esprit d’équipe,
« se dépasser soi-même », etc…) ne sont que façades et ne contribuent qu’à renforcer l’emprise de la société capitaliste sur l’individu jusque qu’à, dans certain cas, conduire la société à une société anti-démocratique.
Diego MELCHIOR
à 14:34