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Lu sur Indymédia Paris : "Pourquoi les jeunes gens s'accommoderaient-ils plus longtemps d'une société sans joie et sans avenir, que les adultes n'ont plus que la résignation de supporter avec une aigreur et un malaise croissants ? " Raoul Vaneigem, Avertissement aux écoliers et lycéens
REVOLUTIONNER LA VIE QUOTIDIENNE
Fondée en 1952, l'Internationale Situationniste (IS) prône la construction des situations, c'est-à-dire la construction concrète d'ambiances momentanées de la vie et leur transformation en une qualité passionnelle supérieure. Groupe organisé de théoriciens et expérimentateurs, le mouvement est basé sur le principe d'une révolution permanente de la vie quotidienne. Il est à l'origine de la révolte de mai 1968 en France.
Concrètement, l'IS invite le citoyen à créer des situations dignes de son désir afin de rendre la vie passionnante. Cela suppose, aux yeux des situationnistes, une libération sociale complète. Ils s'opposent ainsi à la société de classes et au capital qui organise le règne de la marchandise et inflige aux hommes une existence de "survie" (la vie réduite au consommable).
Dans ce monde à l'envers qui privilégie le travail, l'argent et le pouvoir, l'IS propose la jouissance comme moyen de subversion radical : Il n'y aura pas d'émancipation du prolétariat sans émancipation réelle des plaisirs. C'est pourquoi les situationnistes soutiennent toutes les formes de la liberté des moeurs, tout ce que la canaille bourgeoise ou bureaucratique appelle débauche. Il est évidemment exclu, expliquent-ils, que nous préparions par l'ascétisme la révolution de la vie quotidienne. L'IS met cependant en garde contre les plaisirs marchandés, qui tiennent davantage d'une prolétarisation de la jouissance que de sa libération.
Les situationnistes dénoncent, par ailleurs, le mythe de la société des loisirs. Ils n'y voient qu'un mode supplémentaire de production-consommation de l'espace-temps social. Si le temps de travail productif se réduit, le temps consacré à la consommation augmente, incitant à produire davantage. Dans cette conception aliénante de la société, le travail est l'alpha et l'oméga de la vie. Les situationnistes lui opposent la jouissance et son arme absolue, la gratuité : il s'agit de substituer le don à l'échange marchand.
ART ET POLITIQUE
L'IS se considère comme le plus haut degré de la conscience révolutionnaire internationale. Au milieu des années 60, après avoir pris l'existentialisme pour cible (Sartre, l'inqualifiable ; Heidegger, pauvre nazi), les situationnistes dénoncent la supercherie maoiste et la catéchèse léniniste. Ils mettent en lumière l'hypocrisie du socialisme, car les victoires de la sociale ont toujours été celles de la marchandise. Mais l'IS refuse l'étiquette de mouvement politique : elle conteste toute forme de pouvoir hiérarchisé et renonce aux disciples. Les situationnistes admettent cependant jouer un rôle politique dans la mesure où ils contribuent à l'irréductible volonté d'émancipation du prolétariat.
L'IS, ralliée dès sa création par les plasticiens d'avant-garde du lettrisme et du groupe Cobra, se veut aussi le seul mouvement qui puisse répondre au projet de l'artiste authentique. Les situationnistes voient en l'art une richesse de dépassement, une explosion qui menace les structures de la société. Ils veulent mettre l'équipement matériel à la disposition de la créativité de tous, comme partout les masses s'efforcent de le faire dans le moment de la révolution. Dans les premières années de son existence, l'IS se manifeste essentiellement par l'activité de ses artistes : l'Italien Pinot Gallizio, le Danois Asger Jorn, le Hollandais Constat...
DEBORD ET VANEIGEM
Fondateur de l'IS, le Français Guy Debord (1931-1994) est l'auteur de La société du spectacle (1967), sans doute l'un des plus grands textes sur le capitalisme contemporain et son système d'illusions. Debord conçoit l'ouvrage comme une critique du règne irresponsable de la marchandise et des méthodes des gouvernements modernes. Vingt ans après la sortie de La société du spectacle, son auteur constate que les faits lui ont donné raison : voici donc une société qui s'annonce démocratique, quand elle est parvenue au stade du spectaculaire intégré... Une société qui met en scène un consensus trompeur : C'est la première fois dans l'Europe contemporaine, écrit-il dans ses Commentaires sur la société du spectacle (1988), qu'aucun parti ou fragment de parti n'essaie plus de seulement prétendre qu'il tenterait de changer quelque chose d'important.
Autre grand théoricien de l'IS, l'essayiste belge Raoul Vaneigem a posé quelques-uns des grands principes du mouvement dans son Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations (1967) : refus radical de la société de consommation, dénonciation de ses contraintes et de sa tendance à l'uniformisation, combat écologique dans un souci libérateur... Dans Le livre des plaisirs (1979), il invite les vivants à la jouissance sans contrepartie pour en finir une fois pour toutes avec une civilisation marchande en voie d'effondrement.
INSPIRATIONS SITUATIONNISTES
Les situationnistes refusent toute idéologie, davantage encore les organisations qui en découlent (appareils, partis et syndicats) et le pouvoir qui s'y attache. D'où leur souci de chercher leur inspiration à sources multiples et diverses : Hegel, Fourier, Clausewitz, Marx, Baltasar Gracian, Gyorgy Lukacs, Omar Khayyam, Sade, Lautréamont, Babeuf, Lacenaire, Stirner, Léhautier, Vaillant, Henry, Villa, Zapata, Makhno... Sans oublier l'alcool et 13, rue de l'Espoir, BD sentimentale publiée par France Soir, dans les années 60.
Commentaires :
Goldfax |
Hiérarchie et autoritarisme"L'IS [...]conteste toute forme de pouvoir hiérarchisé et renonce aux disciples."
Pourtant, d'une part, des témoignages ont assuré que Guy Debord avait une personnalité autoritaire. D'autre part, lorsque l'on voit l'engouement de certains militants (pas forcément libertaires) pour les thèses situs, l'on peut considérer d'un autre œil ce soi-disant renoncement aux disciples. On peut dire que, même si les Situationnistes n'y sont pour rien, c'est un peu râté... Sinon ce texte est assez intéressant, bien que pas assez critique à mon goût. Répondre à ce commentaire
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Broutchoux 07-05-09
à 10:02 |
Re: Hiérarchie et autoritarismeComme ce topic a été déterré, j'en profite pour mettre ce lien du magazine "Le tigre" d'un article sur la filiation situationniste de Julien Coupat, ici.
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TOLKIEN 08-05-09
à 15:02 |
Re: Hiérarchie et autoritarisme.."Ils ont ainsi forgé une véritable idéologie, qui veut que l’exercice de la domination soit compris comme une guerre permanente, et qu’une attitude révolutionnaire consiste à prendre acte de cette situation, à assumer jusqu’au bout le conflit qui est en elle. « Nous ne contestons rien, nous ne revendiquons rien. Nous nous constituons en force, en force matérielle, en force matérielle autonome au sein de la guerre civile mondiale ».. Répondre à ce commentaire
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à 09:38