Je ne sais pas vous, mais moi, franchement, je n’ai plus envie d’aller dans les manifs, les rassemblements, de signer des pétitions, d’accompagner des délégations… sans parler d’aller voter.
L’âge
diront certain-e-s !… Je ne le crois pas car mes facultés de révolte
et d’indignation, non seulement sont intactes, mais se renforcent avec les ans.
Alors ? Docteur suis-je normal ?
J’ai
fait une dernière tentative lors du rassemblement pour la suppression des
« franchises médicales » et qu’ai-je vu ? Un petit
rassemblement de 300 personnes, perdu sur une place de marché (place du
Capitole à Toulouse) encombrée, coincé entre les étals et des fêtards du rugby
qui gueulaient plus fort que nous. 300 pour une agglomération de plus d’un
demi million d’habitants ( ?). Les mêmes têtes (qui ont blanchi ou se
sont dégarnies), les mêmes slogans, les mêmes affiches et banderoles, les mêmes
tracts distribués par les mêmes personnes,… Il y avait même des dirigeants
« socialistes » qui se pavanaient alors qu’on venait d’annoncer la
nomination d’un des leurs comme directeur du FMI… à vomir.
J’ai
repris mon vélo,… et suis reparti chez moi avec la nausée.
DE
DEUX CHOSES, L’UNE
Ou
bien on a tout faux, on s’est trompé depuis le début, tous nos espoirs sont
chimériques, nos idées irréalisables et la majorité n’a finalement que ce
qu’elle mérite… un système pourri qui nous conduit à la catastrophe… et « on
l’aura bien mérité » !:
Ou
bien nous agissons comme des imbéciles et avons une stratégique totalement
inadaptée à la situation.
Il
est évident que notre attitude ne peut se maintenir ainsi. Les mobilisations
fondent au fur et à mesure que les atteintes aux acquis sociaux s’accroissent…
Une situation apparemment absurde… et ce ne sont pas les images illusoires de
manifestations « traîne savates », où le folklore l’emporte sur le
politique, qui changent, et changeront, quelque chose à la situation.
L’atteinte
aux « acquis sociaux » essentiels, retraites, protection sociale,
service public, temps de travail,… on a l’impression, et plus que
l’impression, que la majorité s’en fout, est résignée… et elle va même
jusqu’à mettre au pouvoir celles et ceux qui proclament haut et fort qu’ils
vont liquider tous ces soit disant « privilèges » ( ???)
Ce
ne sont pas, en effet, que les riches qui votent pour les
privilégiés du système en place, mais aussi, et même en nombre, les pauvres,…
la dernière élection présidentielle en dit long sur la décomposition politique
et civique de ce que l’on appelle « le peuple ». Cette situation
conforte d’ailleurs le système dans sa démagogie : « Regardez,
nous dit-il, le peuple quand il s’exprime (par les élections seul moyen
d’expression) nous donne raison… alors, quel sens peuvent avoir vos
critiques ? »… et on est bien emmerdé pour répondre, du moins sur
ce terrain.
Pourtant
une question de fond demeure :
Un
peuple de soumis et de résignés est-il encore un « peuple citoyen » ?
La
persévérance, voire l’abnégation dans des formes de luttes périmées, celles que
proposent partis et syndicats, ne sauraient produire une stratégie offensive de
changement… si c’était le cas, il y a longtemps que la situation aurait changé.
FATALISME
POLITIQUE
Le
fatalisme politique s’est emparé des esprits et verrouille les consciences…
même des consciences militantes. Oh bien sûr il y a les discours sur un « monde
nouveau »… mais que valent-ils réellement quand on est incapable
d’imaginer la moindre stratégie pour montrer que ce « monde est en
marche » et qu’il « est possible »? Que valent-ils
quand ce « monde nouveau » ne peuple que les discours et les
rêves ?
Quand
on discute avec des militant-e-s, c'est-à-dire des gens engagés, leur
« enthousiasme » et leur « ardeur militante » sonnent faux,
sont en totale opposition de phase avec la situation. Ils nous parlent de
« frémissements »( ?), de « début de
mobilisation »( ?), de « prémisses de prise de
conscience »( ?)… Le problème c’est que c’est depuis des années
qu’ils tiennent ce même discours. Toutes ces réflexions ne sont que des foutaises
pour s’illusionner, se donner de l’espoir, « croire que… ». Le
« croire » et l’ « espérer » sont devenus les
principales drogues des militants.
L’impuissance,
la démagogie et, disons le mot, la débilité du discours politique et
syndical, incapable d’analyser la situation politique actuelle, de s’y adapter
nous conduisent à une attitude purement défensive qui, inéluctablement,
fini , et finira, en capitulation. Nous avons dès aujourd’hui perdu
une grande partie de nos acquis…
Que
les politiciens et les leaders syndicaux se satisfassent d’une telle situation,
on peut le comprendre… ils en sont les principaux bénéficiaires par le statut
qu’elle leur procure et les privilèges qui y sont attachés. Ils seront toujours
là pour nous faire patienter jusqu’aux… prochaines élections ( ?). Et que
proposent-ils aux jeunes qui découvrent le monde dans lequel ils vont
vivre ? Les mêmes méthodes qui font faillite et nous conduisent à la
catastrophe.
Allons
nous attendre en nous croisant les bras ?
PENSER
LE POLITIQUE AUTREMENT
Quand
le pouvoir en place nous traite de ringart, de passéiste et d’anachronique,… il
a, d’une certaine manière, raison ! Pas, bien sûr, parce que l’on refuse sa logique économique, mais parce
que nous ne savons pas nous adapter aux nouvelles conditions économiques et
politiques.
Par
exemple ? la répétition à intervalle régulier des « grèves de 24
heures », pétitions, manifestations, délégations, mobilisations plus ou
moins nationales… ne servent aujourd’hui à rien, sinon à nous donner l’illusion
de « faire quelque chose » et de «s’ opposer ». Le pouvoir
sait aujourd’hui qu’une fois que l’on se sera mobilisé… il fera comme bon il
l’entendra… et c’est bien ce qui se passe depuis plusieurs années… La pseudo
concertation qu’il nous propose est un piège grossier… les dossiers sont
bouclés dès le départ. En avons-nous tiré des leçons ? Pas du tout… au
contraire.
Les
modes d’action et de mobilisation d’autrefois ne servent plus à rien.
Les
anciennes méthodes de lutte ont eu leur utilité à leur époque, pas pour changer
le système, elles en sont bien incapables, mais pour améliorer les conditions
sociales de vie… ceci est indéniable. Mais aujourd’hui elles « ne marchent
plus », le système n’a plus rien à négocier et nos « acquis
sociaux », que nous supposions éternels, sont mis en pièce par la rapacité
du capital mondialisé. Ce dernier agit au mieux de ses intérêts et avec
d’autant plus d’efficacité qu’il sait notre impuissance…
Bien
sur, toute action ponctuelle n’est pas à bannir…. Par exemple les
actions menées dans le cadre du Réseau Education Sans Frontière, de même
que les actions (encore faudrait voir lesquelles) contre les OGM, sont utiles
et indispensables…. Ce sont d’ailleurs les seules qui, sur ce mode, soient
efficaces ou en passe de le devenir. Mais sur tous les autres terrains du social,
c'est-à-dire l’essentiel de ce qui constitue l’organisation sociale c’est,
soyons francs et objectifs,… la débâcle.
Il
ne s’agit donc plus aujourd’hui de savoir quand on va recommencer à se mobiliser
mais comment se mobiliser. Quelles structures alternatives à
mettre en place pour montrer que le monde que nous voulons peut se construire
dès à présent, et que l’on peut mener des luttes sociales en utilisant des méthodes
plus efficaces pour mobiliser et motiver à l’action (voir les articles cités ).
C’est de cela dont il doit être question dans notre réflexion,… pas du
ressassage des vieilles méthodes !
Le
processus de désertion des luttes et autres mobilisations est un
phénomène qui ne peut que prendre de l’ampleur. Nombreuses sont celles et ceux,
et je m’y inclus, hésitent et même décident de ne plus participer à ces
spectacles médiatico-revendicatifs dont on sait pertinemment qu’ils
n’aboutiront pas. Celles et ceux qui démissionnent du combat pour un « monde
nouveau » ne sont pas ceux qui s’abstiennent à se donner en spectacle,
mais celles et ceux qui, en dépit de toute évidence, continuent
obsessionnellement à reproduire, dans leurs manifestations et élucubrations
pseudo théoriques le dérisoire et l’inutile.
Patrick
MIGNARD
Voir
aussi les articles :
« MANIFESTE
POUR UNE ALTERNATIVE »
« ILS
NE CEDERONT PLUS RIEN !: »
« SUR
LES STRUCTURES ALTERNATIVES »
« FORMES
DE LUTTES EN PERIODE DE DECADENCE »