Norbert Trenkle est membre du Groupe allemand Krisis qui a publié notamment le " Manifeste contre le travail " (UGE 10/18, 2002) qui définit une théorie de la crise au coeur du capitalisme comme crise du travail abstrait (valeur). Il est un des théoriciens du courant appelé la " nouvelle critique de la valeur " autour des pensées de Moishe Postone, Anselm Jappe, Robert Kurz, Roswitha Scholz... (voir pages wikipedia)
Ce texte est du 10 août 2009.
1.
Les partis de gauches attribuent la crise économique mondiale actuelle
à des causes politiques. Le néolibéralisme avec sa dérégulation totale
du marché et en particulier le déchaînement des marchés des capitaux
auraient échoué. Maintenant, ils prétendent que nous nous approchons
d'une ère de règlementation et de contrôle par l'Etat et notre tâche
serait d'influencer les formes qu'elle prendra. La demande principale
est de revenir avant l'influence du capital financier et d’obtenir un
renforcement de l'économie réelle, qui devrait à son tour être réformée
tant écologiquement que socialement. La réussite de cela, on la traite
avant tout comme une simple question de rapports de force et de
mobilisation politique.
2.
Cependant cette analyse oublie le caractère fondamental de la crise
mondiale. Même si elle a été précipitée par un accident financier du
marché, ses causes doivent être trouvées tout à fait ailleurs.
L'épanouissement immense des marchés des capitaux au cours des trente
dernières années n'a pas été causé par des décisions politiques
obstinées ou incorrectes, mais est l'expression d'une crise
structurelle de la valorisation de capital, une crise qui a commencé
par la fin du boom du fordisme de l'après-guerre. Par la réorganisation
fondamentale des conditions de travail et des rapports de production au
cours de la troisième révolution industrielle (automatisation,
flexibilisation et précarisation du travail, les chaînes
transnationales de création de valeur, etc.), nous avons vu apparaître
une rationalisation massive du travail dans les secteurs capitalistes
centraux.
3.
Cela a considérablement sapé la base de la valorisation du
capital, qui consiste dans l'exploitation continuellement croissante de
la capacité de travail. Cela a à son tour mené à la déviation de plus
en plus de capital sur les marchés financiers : le capital ne pouvait
plus trouver des occasions suffisantes pour sa valorisation dans
« l'économie réelle » et une bulle gigantesque sans garantie de
« capital fictif » (Marx) a été gonflée. Sans cette déviation qui a
permis le report de la crise d'accumulation du capital, l'économie
mondiale se serait effondrée il y a longtemps. Cependant, le prix de
cela était l'accumulation d'un potentiel de crise de plus en plus
grand. Il n’est ainsi pas étonnant que l'accident soit venu : ce qui a
plutôt besoin d’une explication est que cela pouvait être prolongé
pendant si longtemps. C'était seulement possible parce qu'au niveau de
l’Etat et au-delà au niveau transnational, la politique a
principalement visé le soutien de la dynamique des marchés financiers
et a ainsi réagi au début de chaque crise (celles du Mexique, en Asie,
en Russie, celle de la « Nouvelle Économie ») de la même façon : avec
la création de crédit supplémentaire, pour inciter l'inflation d'une
nouvelle bulle. Le modèle de ces réactions est la preuve que la raison
structurale du processus de crise se trouve au-delà de la portée de la
politique, car elle résulte d'une contradiction fondamentale dans la
dynamique interne historique du capitalisme, lui-même un pré-requis à
toute action consciente. Le capitalisme crée des forces productives
immenses et des potentiels de richesse [matérielle] qui permettrait une
bonne vie pour chacun (vraiment pour chacun). Cette richesse n'est
cependant pas compatible avec le but autoréférentiel d'exploiter le
travail vivant, parce qu'il rend de plus en plus de travail superflu.
Cela ne peut se terminer que par déterminer un processus fondamental de
crise, qui sape non seulement les bases de la valorisation du capital,
mais en même temps les rapports sociaux de reproduction sociale dont il
dépend, avec les bases naturelles de la vie. L'inflation des marchés
financiers n'est pas la cause de la crise, mais un de ses symptômes.
Elle montre que l'accumulation capitaliste peut seulement fonctionner
précairement comme un appendice au capital fictif.
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