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Increvables anarchistes : "Quand viendra donc le grand coup de balai ?
Oui, foutre quand viendra-t-il ? C'est l'interrogation que se posent les bons bougres. Et mille marmites, les événements se poussent tellement au cul les uns les autres, que ça pourrait bien ne pas moisir. Tant mieux ! Ce ne saurait pas du luxe.
Les bafouilleurs de la haute jacassent d'assainissement et de tout à l'égout…
Quelle plus chouette assainissement que de purifier les hautes sphères sociales et de pratiquer le tout à l'égout, à l'égard de la chameaucratie qui nous ronge !
Ce balayage d'ordures dirigeantes pourrait d'ailleurs n'être pas sans bénéf : y aurait mèche de tirer parti de ces détritus, comme on utilise en gadoues, les ordures ou aux plaines d'Achères, en épandages, la confiture merdoyante de Paris.
Ainsi les ratichons feraient du riche noir animal ; Les généraux d'excellente poudrette ; Les banquiers du guano du Pérou ; Les proprios du fumier de ferme ; Les jugeurs du purin.
On confondrait les huissiers avec un lavement dégorgé, les sénateurs avec des cataplasmes sanieux, les ministres se mueraient en crottin de bourriques, les députés et autres bouffe-galette en bouzes de vaches, et Féliskoff serait mis en mottes, kif kif le tan qui a trop servi.
Ensuite, mince d'épanouissement et floraison : la vie aurait un charme époilant, nul la trouverait dégueulasse et canulante à dévider.
En attendant que ça vienne, les gas d'attaque doivent pousser à la roue et une des bonnes binaises pour activer le mouvement est de secouer les endormis et de les aider à se décarcasser les lucarnes. Pour cela, entre une tapée de galbeux élixirs, il y en a un qui vaut de l'or :
c'est l'almanach du vieux gniaff..
LISEZ-LE !
nom de dieu et faites le lire !
On ne le lira jamais trop, foutre !
Le Père peinard.
Sus aux ratichons !
Y a belle lurette que j'ai foutu la puce à l'oreille des bons bougres au sujet des ratichons .
Que de fois j'ai rengainé : on ne parlotte pas avec la vermine noire ! On l'écrabouille comme une merde s'il y a mèche… S'il n'y a pas plan, on réchaude sa haine en attendant l'occase,…" En effet, nom de dieu, y a pas a discutailler avec eux : c'est des ennemis, faut les traiter comme tels ! Pardienne, si vous demandez leur avis à ces cochons là, ils vous répondront que c'est mal d'être sanguinaire. Que pour ce qui est d'eux-mêmes, ils ne cherchent que la vérité, si vous l'avez dans votre poche, ce n'est pas chouette de la garder pour vous.
Oh, pour le boniment, à eux le pompon !
Malheur à qui les écoute, même en se foutant de leur fiole. Avec leurs langues dorées, ils savent emberlificoter leurs menteries de telle sorte que, sans vous en douter, un peu de cette peste vous reste dans un recoin de l'oreille. Gare à vous, ça peut devenir un nid de pourriture !
Donc, faut faire le vide autour d'eux. c'est que fait le populo : il les fuit pire que le choléra.
Les frocards sentent bien que c'est là leur perte comment continuer à abrutir les prolos, si les prolos se bouchent les oreilles ?
Oh mais les charognes n'ont pas qu'une crapulerie dans leur sac à malices !
Ils savent changer de peau suivant les saisons. Les vieux trucs des jésuites sont usés ?
Quéque çà fout ! Les jésuites restent et se font une gueule de circonstance.
Pour l'instant, des trombines de socialos qu'ils se sont fabriquées. Leur socialisme chrétien n'a pas poussé en une nuit, kif-kif une vesse de loup, il a mijoté quinze ans dans l'œuf, s'infiltrant doucement partout où y avait mèche. On rigolait des empapaoutés des cercles catholiques ne se figurant pas que çà ferait des petits… mais voilà, les ratichons ont pour eux le temps et la patience : c'est pas sur les hommes, c'est sur les générations qu'ils agissent.
En outre, ce qui les sert bougrement dans leurs crapuleries, c'est le pognon qu'ils ont en quantité. Primo ils ont la galette qu'ils nous roustissent de cinquante façons ou bien que le gouvernement leur fout par la gueule. Deuxio, ils ont les belles pépettes que carment les richards et les patrons : c'est de l'argent bien placé que celui que ces jean-foutre aboulent pour abrutir le populo.
Comment si bien munitionnés les ratichons n'arriveraient-ils pas à leurs fins ?
Aussi, depuis un bout de temps, que reluque-t-on d'un coin de la France à l'autre ?
Des sacs de charbon qui s'en viennent pistonner les ouvriers, ayant plein la bouche du mot socialisme. Ce qu'ils prêchent, turellement, c'est la résignations et la soumission aux patrons. Par exemple ils ne jacassent guère sur la religion, mais ils se rattrapent sur les syndicats mixtes, les sociétés de Notre Dame de l'usine, ousqu'on vend à meilleur compte que chez les débitants et quelques autres fariboles aussi efficaces pour résoudre la question sociale qu'un lavement foutu à la tour EFFEIL.
Est-ce à dire que la sociale est dans le siau, rongée par la vermine noire ?
Quel nenni !
Quelques socialos à la manque du calibre de Lafargue peuvent aire le jeu des cléricochons en étant toujours à leurs trousses dans les réunions.
Pour ce qui est du populo, y a rien de fait, nom de dieu !
Les bons bougres restent avec leur haine et ils sont tout prêts à la passer sur les fesses des curés.
A preuve ce qui est arrivé mardi soir à Paris, dans l'église Merri rue St Martin, où un ratichon débagoulinait contre la révolution et le socialisme.
Déjà, l'autre mardi çà avait pas mal commencé, y avait eu un tamponage sérieux et grâce à une flopée de bons bougres le prédicateur avait dû fermer son égout.
Ce coup-ci, ça été bougrement plus hruf, nom de dieu ! A peine le cléricochon était dans son égrugeoir que de tous les coins de l'église des bons bougres lui coupent la chique… en attendant de lui couper autre chose ! Dame le sac à charbon la trouve mauvaise : raison de plus pour que ça continue, sacré pétard !
C'est à peine si on lui laisse rabâcher quelques paroles :
Ah, nom de dieu, que fais un gas, assez de mômeries !" Oh oui, assez, assez qu'on gueulait de tous les côtés. Pour faire cesser le potin, voilà que les frocards font manœuvrer l'orgue, comptant sur la musique, parce qu'elle adoucit les mœurs. Autant aurait valu qu'ils pissent dans un violon. Illico, tous les bons bougres d'entonner la carmagnole, et de pousser à plein poumons des "Vive la Commune, Vive la révolution ! vive la Sociale !" qui étaient fadés aux pommes.
Turellement les petits crevés des cercles catholiques étaient venus en fuoltitudes. Ils veulent faire de leurs épates et sautent sur les bons bougres, cannes levées.
Ah, ouat, les morveux ne s''étaient pas regardés !
Ils avaient à faire à des gas à poil et qui ne sont bougrement pas manchots : les chaises volent que c'est un vrai beurre ! Finalement, les petits morveux battent en retraite : ils voulaient protéger l'égrugeoir, mais d'une poussée faramineuse les bons bougres les ont culbutés comme une merde. Nom de dieu, voilà qui fera bougrement plus contre le socialisme chrétien que toutes les balivernes qu'on peut lui opposer : On discute pas avec les ratichons ! On cogne !
Le Père Peinard hebdo, 22 mars 1892.
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24 février 1889 parution de la première série de l'hebdomadaire "Le père peinard". 253 numéros sortiront jusqu'en février 1894 et 11 suppléments
1894. Le numéro contre les lois "anti-anarchistes" sera imprimé à 130 000 exemplaires.
1894 1895 : Série "Londoniene" Pouget s'est réfugié à Londres. 8 numéros du Père Peinard.
1896 : nouvelle série du Père Peinard (129 numéros) et 4 suppléments
1900 : nouvelle série, Pouget devient rédacteur en chef de la Voix du Peuple, hebdo de la CGT.
1902 : dernière série du Père Peinard