Il est des mots, dans l’action politique au sujet desquels on ne réfléchit plus. Leur contenu est censé avoir un sens en soit. Il font l’objet d’un véritable culte, un fétichisme et se réinterroger à leur propos est de la dernière incongruité voire une hérésie.
L’union ou l’unité font partie de ces mots
obligatoire pour tout militant et inévitable dans la vulgate militante.
Cette religion de l’union
est basée sur un principe apparemment indiscutable : « l’union
fait la force ». C’est un axiome qui, comme tout axiome, ne se discute
pas… il est. Ainsi soit-il
GRANDEUR ET SERVITUDE DES
CERTITUDES
L’union, la cohésion, l’unité
d’individus dispersés face à un danger commun est évidemment la tactique la
plus élémentaire à adopter… les hommes préhistoriques sont probablement les
premiers à l’avoir expérimenté, et pas seulement les êtres humains. Cette
évidence qui semble être commune à tous les êtres vivants prend une dimension
différente dans le cas de l’espèce humaine, pour une raison simple, les hommes
n’agissent pas que par instinct.
Ainsi, le regroupement, l’union
se construit en fonction des intérêts particuliers de ceux qui s’unissent et
constitue également une construction stratégique et tactique, en fonction d’un
but à atteindre.
C’est là, pour les humains, que
les choses se compliquent.
Contrairement aux animaux qui ont
des structures collectives relativement simples et essentiellement animées par
l’instinct, chez les êtres humains la structure sociale et politique est
fondée sur la conscience et les valeurs éthiques… ce qui situe la
démarche d’union dans une logique complexe alliant à la fois négociations
sur les intérêts, sur les moyens et sur les objectifs…. Le tout se compliquant
lorsque l’on sait que les situations sont continuellement changeantes… ce qui
explique que seuls les êtres humains ont une Histoire.
L’union n’est pas une simple
principe, ou plutôt un principe simple.
En matière de fonctionnement
social et politique, rien n’est jamais complètement certain
L’UNION VICTIME DE LA
LOGIQUE D’ORGANISATION
Qu’est ce que la logique
d’organisation ? c’est le fait de soumettre son action et son
engagement aux intérêts de l’organisation à laquelle on appartient, et
exclusivement à eux. Le choix de l’action ne se fait plus en fonction de faits
objectifs, et objectivement analysés, mais subjectifs, ceux qui conviennent à
l’organisation, à ses principes, à ses valeurs, voire à ses croyances et
certitudes souvent trouvés dans des vieux textes. On comprendra que l’altérité
est dans ce cas curieusement traitée quand on parlera d’objectif commun.
Ainsi, l’union apparaît comme un
simple prétexte aux allures d’évidence et de bonne foi (foi étant le
terme adéquat)… En fait nombre de celles et ceux qui se réclament de l’union
militent activement, et avec la plus parfaite bonne foi, du moins le
croient-ils sincèrement, pour le compte de leur propre organisation. En effet,
quand on appartient une organisation qui « détient la vérité »,
ou tout au moins la « ligne politique juste », la stratégie la
plus efficace, on est bien sûr prêt à partager tout cela à condition que les
autres y adhèrent…
J’exagère ? Mais c’est
exactement ce qui c’est passé dans les réunions tragi-comiques des collectifs
unitaires le premier semestre 2007.
Tout le monde est unitaire, mais
pour chacun, c’est l’autre qui ne l’est pas… conclusion, personne ne l’est …et
on se déchire au nom de… l’unité…
Ca ne vous rappelle rien
ça ? Revoyez la logique des « guerres de religions » où
chacun détient le vrai Dieu, la vraie foi et où l’on s’étripe au nom de Dieu et
de l’amour et la sauvegarde de l’ « âme de son prochain »
( ?).
Qui peut trancher dans cette
affaire ? Evidemment personne… Personne ne détenant la vérité,
surtout pas surtout celles et ceux qui participent à ce pugilat.. Seule la pratique,
la vraie, celle qui consiste à construire et vivre de nouveaux rapports
sociaux, peut faire l’objet d’un débat,
peut-être d’une certaine manière l’arbitre de prises de position à partir
d’actions, peut arbitrer des divergences, en tout cas donne un sens aux
prises de position la concernant et aux divergences s’exprimant.
La pratique est à la fois l’objet
de la réflexion, ce qui constitue la praxis, et donne tout son sens à la
théorie qui s’exprime à son sujet.
Mais là non plus il n’y pas de vérité
toute faite, on peut être en accord ou en désaccord sur la pratique… La
divergence a cependant, un sens concret. L’union exprime alors la
volonté de continuer ensemble ou d’infléchir la pratique dans laquelle on
est engagé. Le débat n’est plus stérile, il est, à priori constructif, il a
du sens…
Tout ceci repose évidemment la
question de l’organisation. Doit-elle précéder l’action ou le
contraire ? Vaste et essentielle question que l’on ne se pose hélas plus.
Pourtant, les dérives sectaires actuelles devraient nous alerter. Les pensées
« fermées », celles qui bouclent sur « elles mêmes » sont
légion dans le mouvement à prétention alternative. Les organisations totalement
« fermée » ne posent pas problème… elles vivent leur vie d’ermite, il
en va tout autrement pour les autres qui ont l’ambition d’être absolument
indispensables… c’est autour de ces dernières que tournent les conflits.
L’UNION PLUS FREIN
QU’ACCELERATEUR
Brandie comme un Saint Sacrement,
voire comme le Saint Graal, par la plupart des organisations, elle serait
l’élément fondamental de la Victoire… Mais de quelle Victoire ?
L’union est généralement affaire
d’appareils et de bureaucrates… les militants, et le « peuple » sont
priés de suivre. L’union est ainsi affaire de spécialistes qui débattent en
vase clos de ce qu’ils jugent de fondamental et d’essentiel.
Mais sur quoi et de
quoi discutent-ils ? Allons, un petit effort !
Réfléchissez ?
Ca y est vous y êtes,… de
candidature aux élections !
Dans la bouche des organisations
politiques, l’union n’a pas d’autre sens que de s’entendre lors d’un
scrutin, de se mettre d’accord sur un/e candidat/e , sur un éventuel
désistement, sur un regroupement de députés, de sénateurs, de ministres, de
différences tendances, représentants différents partis,…
L’union est ainsi réduite
à son expression la plus vulgaire, la plus inessentielle, celle d’être
l’instrument du système électoral, système qui n’est fondé sur aucune
pratique sociale et n’a de sens, l’Histoire nous le montre, qu’au travers
des aménagements superficiels compatibles avec le système marchand.
L’union dont nous parlent
les organisations politiques n’a fondamentalement aucun intérêt. C’est un appât
agité par des bureaucrates pour nous faire marcher, au nom d’une soit disante
« union fait la force », mais pour nous réduire en fait à des
instrument de leurs manipulations, intérêts et prétentions politiques.
Patrick
MIGNARD
Voir aussi :
"LES MACHINES À
PERDRE "
LA « FAUSSE DEMOCRATIE » DES PARTIS POLITIQUES