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ALDOUS HUXLEY, Retour au meilleur des mondes
Une citation d’Huxley qui résume, à elle seule, le mode de pensée de ceux qui, aujourd’hui, se sont laissé persuadé que le monde dans lequel nous vivons tendrait vers un idéal humaniste que nous toucherions enfin du doigt. Nous serions, nous qui pensons que cet idéal est autre que ce qu’on nous présente, névrosés, mais Huxley, dans ses mots, définit parfaitement la réalité sociophilosophique du monde actuel !
Il est même hallucinant de constater que son livre phare, le terrifiant « meilleur des mondes », comparé à la société actuelle, montre même notre mode de vie tel qu’il est réellement ! Nous vivons dans une société dans laquelle les êtres ont des rapports non pas en tant que personnalités totales, mais en tant que personnifications de structures économiques ou, quand ils ne sont pas au travail, d’irresponsables à la recherche de distractions. Soumis à ce genre de vie, l’individu tend à se sentir seul et insignifiant, son existence cesse d’avoir le moindre sens, la moindre importance. La liberté tant vantée par le capitalisme n’est, en fait, qu’une déshumanisation mise au service d’une minorité afin de faire prospérer, au nom d’un « idéal moyenniste », le système lui-même, au mépris du bien être réel de tous.
L’individu est mis au service de la société là où c’est la société qui devrait être au service de l’individu et permettre un respect de ses libertés. On en arrive à un paradoxe consistant à réduire les libertés, à enfermer l’individu dans un mode de pensée unique, « moyen », quand on ne l’enferme pas physiquement, pour officiellement « protéger la liberté » !
Grâce au contrôle des pensées, à la terreur constamment martelée pour maintenir l’individu dans un état de soumission voulu, nous sommes aujourd’hui entré dans la plus parfaite des dictatures, une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader, dont ils ne songeraient même pas à renverser les tyrans. système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude.
Les ressorts montrés par Huxley dans son livre sont à comparer à la réalité. Le cloisonnement qu’il y décrit est à comparer avec celui qui a cours dans notre réalité, et la commercialisation de l’art, de la science, au nom d’une uniformisation de la société, permettent eux aussi d’éliminer les particularités natives d’un individu pour faire de lui un modèle d’intégration, d’un loyalisme intense à l’égard du groupe et d’un inlassable désir de se subordonner, d’être accepté.
Le monde est stable à présent. Les gens sont heureux; ils obtiennent ce qu’ils veulent, et ils ne veulent jamais ce qu’ils ne peuvent obtenir. (…) Ils sont conditionnés de telle sorte que, pratiquement, ils ne peuvent s’empêcher de se conduire comme ils le doivent. »
Ainsi, on pousse à la sectorisation de la société, telle que décrite dans « le meilleur des mondes », à une division de classe, mais aussi d’individus, enfermant chacun dans un modèle social bien définit et le poussant non seulement à envier la classe supérieure (ce que définit parfaitement Hervé Kempf dans « comment les riches détruisent la planète »), mais aussi à rejeter et détester les classes qui lui sont inférieures, et à rejeter sur elles la responsabilité des dysfonctionnements d’une société dans son entier, alors que le maintien de ces classes n’est pas le fait d’une nécessité sociale, mais uniquement d’une nécessité vitale pour le système lui permettant de reporter sur l’autre, sur l’individu, la responsabilité de décisions destructrices.
Ainsi, si le maintien d’une protection sociale est remis en cause, ce n’est pas par volonté délibérée de détruire cette protection et d’en récupérer les bénéfices, non, mais uniquement, dans le discours officiel, parce que les abus des classes inférieures sont inacceptables…
La comparaison avec le livre d’Huxley va même jusqu’au plus abominable, à ce cloisonnement permettant de fractionner la société jusqu’à l’extrême, jusqu’au plus pauvre des pauvres, jusqu’au sauvage écarté de nos murs et laissé dans sa « réserve », tout juste bon à offrir le spectacle de la misère extrême aux plus riches, qui voyagent chez les pauvres pour apprécier encore plus leur confort, sans jamais remettre rien en question, mais aussi aux autres, à peine plus enviables que le pauvre lui-même, à qui on fait croire que son sort n’est pas si mauvais, et qu’il se doit de protéger les plus riches pour maintenir le peu qu’il a.
« La propagande pour une action dictée par des impulsions plus basses que l’intérêt (commun) présente des preuves forgées, falsifiées, ou tronquées, évite les arguments logiques et cherche à influencer ses victimes par la simple répétition de slogans, la furieuse dénonciation de boucs émissaires étrangers ou nationaux, et l’association machiavélique des passions les plus viles aux idéaux les plus élevés, si bien que des atrocités en arrivent à être commises »
« Dans leur propagande, les dictateurs contemporains s’en remettent le plus souvent à la répétition, à la suppression et à la rationalisation répétition de slogans qu’ils veulent faire accepter pour vrais, suppression de faits qu’ils veulent laisser ignorer, déchaînement et rationalisation de passions qui peuvent être utilisées dans l’intérêt du Parti ou de l’Etat. L’art et la science de la manipulation en venant à être mieux connus, les dictateurs de l’avenir apprendront sans aucun doute à combiner ces procédés avec la distraction ininterrompue qui, en Occident, menace actuellement de submerger sous un océan d’inconséquence la propagande rationnelle indispensable au maintien de la liberté individuelle et à la survivance des institutions démocratiques. »
La propagande est portée par nos médias, par le spectacle qu’on appelle « information » dans lequel un enfant de 6 ans qui balance un seau de peinture est qualifié de « voyou », de « sauvage » et auquel on colle des termes tels ceux de terrorisme, de violence, de saccage et de vandalisme, lui prêtant un équilibre mental qu’il est loin d’avoir atteint à cet âge. Et pourtant, dans ce cas, comme dans bien d’autres, ça marche ! Et les réactions outragées face à un môme ne comprenant pas plus son geste que ne le comprendrait un autre gamin du même âge coloriant les murs de nos maisons au feutre, servent une politique sécuritaire totalement irrationnelle.
Cette propagande est de même évidente quand des populations entières sont victimes d’amalgames, de rejet, et qu’on leur fait porter, pour satisfaire une réactivité épidermique, le poids de la responsabilité de la misère qu’ils vivent. Je parle, bien entendu, des Rroms…
« La vérité est une menace, et la science est un danger public. Nous sommes obligés de la tenir soigneusement enchainée et muselée. (…) Elle nous a donné l’équilibre le plus stable de l’histoire. Mais nous ne pouvons pas permettre à la science de défaire ce qu’elle a accompli. Voila pourquoi nous limitons avec tant de soins le champ de ses recherches. Nous ne lui permettons de s’occuper que des problèmes les plus immédiats du moment. Toutes les autres recherches sont soigneusement découragées »
Ceux qui restent persuadés que la science permettrait de dépasser cet état et d’échapper au « meilleur des mondes » seraient avisés d’observer l’application qui est faite des découvertes scientifiques. Dans leur totalité, ces découvertes ne servent, en fait, que le consumérisme, que le commerce, et pas le bien être de tous. Elles ne sont plus que le moyen de développer, comme le prévoyait Huxley, le maintien du système.
Les moyens de transport ne servent qu’à vendre des moyens de transport, et à augmenter encore plus la disponibilité physique de l’individu envers la société, les arts, ou ce qui pouvait être considéré comme tel est, de l’aveu même de ceux qui les dirigent, le moyen d’offrir au commerce du temps de cerveau disponible, la santé même n’est qu’un moyen de favoriser les bénéfices et la puissance de ceux qui, déjà, la détiennent, mais sont refusés à ceux dont ces puissants n’ont pas besoin…
Tout, dans « le meilleur des mondes » trouve son équivalent dans notre société actuelle…
Reviens, Huxley, ils sont devenus fous, ils ont fait de ton roman un programme social !
«