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Lu sur l'Humanité : "Non, nous ne sommes pas condamnés à travailler plus pour gagner moins. La preuve chiffres en main. Notre dossier choc pour ouvrir le débat et secouer la pensée unique.
Dans une nouvelle flambée boursière, les milliards s’envolaient hier sur les places financières. Mais le discours officiel ne change pas, dur pour les salaires, indulgent pour les actionnaires et leurs gâchis. « On va jeter en pâture à l’opinion ces milliards dans un pays qui n’aime pas la réussite », s’inquiétait le Figaro du 22 janvier 2008, alors qu’il constatait un nouveau record de profits des entreprises du CAC 40 (105 milliards d’euros). Pas facile, dans un contexte de pareille opulence, d’en finir avec « les freins à la croissance, les oripeaux du collectivisme et les reliques du gaullo-communisme d’après-guerre encore bien trop pesants ».
« Pas touche au grisbi »
Si de temps à autre des chiffres faramineux sont livrés au public, ils sont tout aussitôt présentés comme inaccessibles aux citoyens. Les profits seraient intouchables, les choix de gestion indiscutables et l’argent suivrait des circuits mystérieux, pris quelques fois de folles convulsions, sans que son usage soit à discuter. Il est le grand tabou de la pensée unique.
La violence des désordres du monde appelle pourtant à bousculer la vache sacrée et ses bouviers intéressés. Non, l’argent n’est ni fou ni diabolique. Il irrigue l’économie selon les canaux qui lui sont ouverts. La crise immobilière américaine puis financière avec les subprimes répond à des choix qui édifient de gigantesques profits sur des montagnes de dettes. Des fonds ont ainsi pu emprunter trente fois leur mise initiale, appâtés par la perspective de gains élevés. Jusqu’à l’effondrement. Aujourd’hui, de grandes banques battent de l’aile, repêchées in extremis par de l’argent public aux États-Unis, mais aussi en Grande-Bretagne et plus largement en Europe.
Nos grandes entreprises connaissent la crise
Aujourd’hui, les capitaux désertent la terre brûlée de l’immobilier américain pour spéculer sur d’éventuelles pénuries alimentaires, pétrolières ou de matières premières, les provoquant même s’il le faut pour se refaire ou gagner le gros lot. À leur suite, courent famines et malnutritions, envolées des prix pour les peuples, catastrophes pour des professions très liées aux carburants, freinage du crédit et de la croissance. Pour maintenir un taux élevé de profit il faut réduire les coûts du travail, élever les prix à la consommation, brimer les besoins des peuples non seulement des pays développés mais aussi de ces pays en voie de développement où les multinationales ont puisé une main-d’oeuvre bon marché. Mais là aussi les tensions s’exacerbent ainsi que l’ont montré les mouvements sociaux dans les usines occidentales implantées en Roumanie, comme Renault-Dacia. Les capitaux ont besoin d’accélérer encore les innovations technologiques et y investissent massivement, tentant dans de gigantesques opérations de fusions-acquisitions d’en contenir un peu la facture. Alors que les besoins sont réfrénés, la surproduction menace et la suraccumulation de capitaux financiers, de productions, informationnels pourrait bien conduire à une explosion dans les années qui viennent. La crise s’avère celle du système.
L’argent pour l’argent ou pour l’intérêt général
La recherche sans relâche de gains maximums conduit les détenteurs de capitaux à négliger leurs responsabilités sociales et territoriales, malmenant les peuples et aggravant les tensions. L’épuisement des ressources, les risques même sur l’avenir de la planète semblent secondaires dans cette logique, comme le rappellent avec obstination Georges W. Bush quand il rejette le protocole de Kyoto sur l’environnement et même Nicolas Sarkozy quand il néglige le fret ferroviaire pour des raisons de rentabilité. Les biens communs de l’humanité ne peuvent être laissés dans les mains de logiques aussi cupides. Les besoins à l’échelle mondiale du développement du tiers-monde, de l’accroissement de la longévité et des retraites, de formations d’un niveau sans cesse plus élevé impliquent que les richesses créées y soient largement consacrées.
Ici, ailleurs et autrement
Invraisemblable paradoxe : alors que, dans l’industrie, les richesses produites (la valeur ajoutée) ont augmenté de 3,3 % en 2007 (1), que « l’industrie a été le premier bénéficiaire des mesures sur les heures supplémentaires » selon l’aveu d’Yvon Jacob, président du Groupement français de l’industrie, le salaire brut a seulement progressé de 1,4 %. L’explication ? Les profits ont augmenté de 7,4 %. Le « travailler plus pour gagner plus » est bien une arnaque. Il est temps, grand temps d’ouvrir un débat public sur l’usage de l’argent, celui des entreprises drainé vers les dividendes des actionnaires, celui des marchés financiers et du crédit, les fonds publics si massivement offerts sans même un contrôle aux grandes entreprises. Ainsi les besoins d’investissements, de croissance, d’emplois, de pouvoir d’achat, de protection sociale, de formation initiale et continue pourraient être satisfaits. La politique n’est pas impuissante, contrairement à la rengaine des gouvernants. L’Humanité secoue les conformismes économiques et ouvre le débat. Cartes et propositions sur table.
(1) Comptes de l’industrie 2007 publiés le 3 avril 2008