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Pas d’amélioration sans de nouvelles prisons
Il faut évidemment agir pour rendre l’incarcération des
personnes plus humaine et moins dégradante. La peine de prison ne doit
plus être la peine de référence, la détention provisoire doit être
exceptionnelle. Il appartient aux magistrats de recourir, lorsqu’ils
l’estiment opportun, à des peines alternatives à l’incarcération et aux
aménagements de fins de peine. Mais j’entends tant de beaux discours...
Parlons plutôt des actes ! Qui a agi par le passé ? Parmi vos 200
signataires, beaucoup, notamment à gauche, n’ont rien fait pour
améliorer la situation de nos prisons. Il n’y a pas eu d’échec
collectif des politiques, comme on le dit : depuis vingt ans, c’est la
droite et elle seule qui a mis en place des programmes pour moderniser
les prisons.
Car aujourd’hui l’amélioration des conditions d’incarcération passe par la construction de nouveaux établissements.
Or
ces programmes ont toujours été lancés par des gouvernements de
droite : Chirac en 1986 (13 000 places), Balladur en 1993 (4 000
places) et plus récemment Jean-Pierre Raffarin (13 200 places). En
dehors de discours incantatoires, les socialistes, eux, n’ont rien
fait ! Lorsqu’elle était garde des Sceaux, Elisabeth Guigou a sorti un
chiffre pour faire peur : un coût de 10 milliards de francs. Ça a
réussi, elle s’est fait peur ! Marilyse Lebranchu souhaitait soi-disant
construire de nouveaux établissements. Résultat : rien. Alors que nous,
nous agissons : nous rénovons tous les grands établissements vétustes
(Fleury-Mérogis, les Baumettes, la Santé) et nous créons 13 200 places
neuves, dignes et sûres. Les premiers établissements ouvriront dès
2007. L’Etat en assurera le contrôle en déléguant des compétences au
secteur privé : hôtellerie, restauration, maintenance...
En finir avec "l’école du crime"
Comme mes prédécesseurs Elisabeth Guigou ou Robert
Badinter, je suis opposé au numerus clausus. C’est un principe absurde
et inapplicable.
En France, le taux d’incarcération (93 détenus pour
100 000 habitants) est inférieur à celui de nos voisins européens
(Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne, Portugal). C’est bien là
la preuve que notre politique pénale ne privilégie pas la détention.
Contrairement à ce que l’on entend trop souvent, il n’y a pas trop de
détenus en France, mais pas suffisamment de places de prison. Les
nouvelles places ne seront pas la réponse à tout, mais elles
permettront de régler le problème de la surpopulation en favorisant
l’encellulement individuel. De plus, je souhaite qu’à terme on trouve
dans toutes les maisons d’arrêt un quartier pour les « courtes
peines », avec des mesures de sécurité allégées. Les « petits
délinquants » ne doivent plus être mélangés avec les autres afin d’en
finir avec ce qu’on appelle « l’école du crime ». Enfin, de nouveaux
centres de détention permettront d’accueillir des condamnés à de
longues peines, qui n’ont rien à faire en maison d’arrêt, comme c’est
trop souvent le cas actuellement.
Diviser de moitié le nombre de prévenus
Nous devons lutter contre cette culture française de la détention provisoire.
En
particulier lorsqu’elle est utilisée pour obtenir des aveux, car la loi
l’interdit ! Il y a trop de personnes en détention provisoire en
France : cela représente entre 35% et 40% de la population carcérale,
alors que l’on devrait être plus proche de la moyenne européenne (20%).
Il faut limiter la détention provisoire aux individus dangereux et à
ceux qui pourraient communiquer sur des éléments importants d’une
enquête ou exercer des pressions sur des tiers. Je veux aussi permettre
aux juges de travailler dans de meilleures conditions, en rompant
notamment leur isolement. La solitude du magistrat est un risque. Je
veux trois juges à plein temps dans les chambres d’instruction afin que
celles-ci exercent un réel contrôle sur l’instruction. Je souhaite
aussi que les jeunes juges soient aidés et formés par des juges
expérimentés. La collégialité est le meilleur moyen d’éviter les
dérives.
Mieux suivre les détenus libérés
Il y a très peu de primo-délinquants dans les prisons (personnes condamnées pour la première fois, ndlr).
En
France, les magistrats ne prononcent pas de peines d’emprisonnement à
la légère : la majeure partie des détenus sont des récidivistes ! La
justice a donc préalablement prononcé à leur encontre des peines
alternatives. Je suis favorable aux procédures rapides, qui rapprochent
les faits de la sanction, car c’est plus efficace, et je crois aux
sanctions pédagogiques. La prison doit être le dernier recours.
Contrairement à la gauche, nous avons favorisé depuis 2002 les
aménagements de peine et le suivi des détenus libérés. Ma mesure sur le
bracelet électronique mobile (permettant de suivre électroniquement les
déplacements des délinquants sexuels et des criminels récidivistes,
ndlr), qui a été tant vilipendée, a finalement été jugée
constitutionnelle. Elle permettra justement de favoriser les
libérations conditionnelles et de mieux suivre les individus dangereux
pour limiter la récidive. Concernant les aménagements de peine, j’ai
conscience que les conseillers d’insertion et de probation sont
débordés. Leurs effectifs passeront de 2 000 à plus de 3 000 d’ici à
cinq ans.
L’effort est considérable ! J’ai enfin demandé à ce qu’il
y ait un volet sur l’accès au travail et au logement des détenus dans
le programme social de Jean-Louis Borloo.
loi Kouchner réservée aux "mourants"
Aujourd’hui, les tribunaux d’application des peines
répondent favorablement à une demande sur deux. Ce n’est pas rien.
Quand Bernard Kouchner (l’ancien ministre de la Santé de Lionel Jospin,
ndlr) a présenté sa loi en 2002, il s’agissait d’autoriser la sortie
pour les détenus dont le pronostic vital est engagé ou quand l’état de
santé est incompatible avec le maintien en détention. Ils ne sont
d’ailleurs pas graciés mais obtiennent une suspension de peine et
doivent retourner en prison en cas de guérison. Pour moi, cela concerne
avant tout les personnes dont l’espérance de vie ne dépasse pas
quelques semaines, afin qu’ils ne meurent pas en prison. C’est pourquoi
j’ai souhaité que les condamnés présentant un risque élevé de récidive
soient exclus du dispositif. Quand j’entends que d’anciens terroristes
non repentis font leurs courses sur les marchés, alors qu’ils étaient,
disait-on, à l’article de la mort... cela m’est insupportable.
Les
malades, même atteints d’une affection grave mais qui ne sont pas au
« seuil de la mort », n’ont pas à bénéficier de cette loi, ils peuvent
être soignés en détention et ils le sont.
Des unités spécialisées pour les malades mentaux
C’est un vrai problème : environ 40% des détenus relèvent de la psychiatrie, mais il y a très peu de lieux pour les soigner. Quand on les met dans des hôpitaux psychiatriques, ils s’évadent. Avec mon collègue de la Santé, nous avons décidé de créer des lieux adaptés. Les premières unités de ce type ouvriront en 2008. Je ne veux pas, pour autant, que ces personnes soient libérées pour être internées dans des établissements psychiatriques, je veux qu’elles continuent à purger leur peine dans un endroit adapté à leur pathologie et à l’écart des autres détenus. Par ailleurs, je veux que chaque criminel sortant de prison fasse l’objet d’un suivi socio-judiciaire avec une injonction de soins réellement appliquée.
Oui aux parloirs familiaux
J’y suis favorable pour les condamnés à de très longues peines ne pouvant bénéficier de permission de sortie. Trois unités de visite familiale ont été mises en place, à titre expérimental. Les détenus peuvent y recevoir leurs conjoints et leurs enfants dans des conditions d’intimité pour une durée maximale de 48 heures. Jusqu’à présent, tout se passe bien, avec un impact très positif notamment sur les enfants. Je veux l’étendre à d’autres établissements.
Propos recueillis par Stéphane Arteta
Source : le Nouvel Obs