Lu sur
grand angle :
"La question du droit est de celles que les anarchistes gèrent mal [1]. Les raisons ne manquent pas. L’anarchisme est «
parcouru d’un “optimisme anthropologique” » qui rendrait inutile la contrainte juridique parce que
« l’individu, chaque individu, est essentiellement “bon”, c’est-à-dire sociable et solidaire »
[2].
Dans les sociétés modernes, la force du droit que sa source soit
légale, coutumière ou conventionnelle, repose sur l’État, instrument de
toutes les dominations ; la fonction du droit est alors comprise
négativement, non comme un moyen pour vivre en société mais comme la
manifestation illégitime d’un principe d’autorité discréditant la règle
juridique pour une société libérée. Enfin, la réflexion sur le droit se
concentre sur le droit pénal et la justice criminelle pour butter sur le
traitement de la déviance en société libertaire. Les problèmes de droit
civil, de droit économique, de droit administratif qui surgiront dans
la phase révolutionnaire et post-révolutionnaire sont esquivés.
Pourtant, les conflits individuels et collectifs, les petitesses de
l’homme ne disparaîtront pas par miracle et la société nouvelle, dans
toute sa complexité, ne fonctionnera pas longtemps au jugé. Ou les
anarchistes auront des propositions d’organisation réalistes,
compatibles avec l’esprit libertaire et acceptables par le plus grand
nombre, ou ils laisseront place aux solutions autoritaires, c’est-à-dire
à la reconstitution de l’État avec un droit fondé sur la domination
d’une classe. Là est l’enjeu d’une réflexion libertaire sur le droit.
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