La police du chiffre : cannabis, prostitution, sans papiers...
Lu sur
Agoravox : "Patricia Tourancheau est une journaliste aguerrie. Selon les termes consacrés elle est fait-diversière et rubricarde police à Libération depuis les années 1990. Auteur d’un livre sur le Gang des postiches (Fayard, 2004), elle connaît son sujet sur le bout des doigts.
Dans Cannabis, prostitution, sans papiers : la politique du chiffre, documentaire diffusé sur Canal+, elle remonte aux sources de la politique mise en place en 2002 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur. Celui-ci décrète la tolérance zéro pour les délinquants et met en place la culture du résultat et la prime au mérite pour les agents de la police nationale.
Ce documentaire a été tourné en 2008, au sein du commissariat central du 12ème arrondissement : 500 policiers pour 136.000 habitants dans un coin de Paris à la fois tranquille, bobo et branché.
C’est là que pendant une quinzaine de jours Patricia Tourancheau est allée sur le terrain afin de partager le quotidien de ces hommes et de ces femmes dont le métier est de faire respecter la loi. Comment, sept ans après le passage de Nicolas Sarkozy au Ministère de l’Intérieur et deux ans après la création du Ministère de l’identité nationale, les policiers envisagent-ils leur mission ?
Dans cette enquête on voit des agents arrêter des gens de peu, souvent pour rien : un SDF ; une prostituée roumaine qui fait des passes au bois de Vincennes ; un type attrapé avec moins d’un gramme de shit ( !) ; des étrangers sans-papiers qui travaillent... Bref, du menu fretin.
Pas très glorieuse, cette « racaille ». D’autant que dans le lot il y a des individus qui n’ont rien à se reprocher et qu’on relâche après quelques heures de garde à vue car on n’a rien contre eux.
Mais ça n’a pas d’importance, car avec la politique menée par Nicolas Sarkozy, un individu en garde à vue c’est un suspect arrêté et dans le cas de la pute qui racole, du fumeur de shit ou de l’étranger sans-papier, c’est une affaire élucidée. Ainsi pour les Français la Police nationale fait son travail et la délinquance baisse.
Comme il est dit dans ce documentaire : « c’est les chiffres qui commandent les patrouilles ». Au passage on découvre que la police travaille en cheville avec les services de l’Urssaf ou avec des groupements de police de la ville de Paris chargés de surveiller les logements sociaux. On voit aussi que les policiers, loin d’être des fonctionnaires zélés, sont parfois réticents à appliquer des textes dont ils se demandent eux-mêmes à quoi ils servent.
La caméra de Patricia Tourancheau sait aussi attrapper quelques moments troublants comme ce passage où un brigadier, chargé de "faire du chiffre" en arrêtant des étrangers à la gare de Bercy, lance à ses collègue qu’il faudrait arrêter un Blanc pour ne pas avoir l’air de faire du contrôle au faciès.
Mais la police ce n’est pas que ça et Patricia Tourancheau esquisse aussi le portrait de flics dont la mission est d’aider la population. Ceux-là, curieusement, ne touchent jamais de prime au mérite.
Comment cette politique du chiffre, de la prime au mérite et de la tolérance zéro est-elle perçue par ceux qui sont chargés de l’appliquer, c’est le sujet de Cannabis, prostitution, sans papiers : la politique du chiffre, un film simple, clair et pédagogique. Un film citoyen.
Lire l'interview de patricia Tourancheau
ici