Lu sur
CQFD : "Cherchez l’erreur.
« Dans le cadre d’un projet de licenciement collectif pour motif économique, nous envisageons de supprimer votre emploi. Nous vous proposons un reclassement dans une usine du groupe en Malaisie, un poste identique d’ouvrier dans le conditionnement emballage des préservatifs. » Dix ouvrières de la société Radiatex-Protex, à Bellerive-sur-Allier, ont reçu cette lettre juste avant Noël.
« Il
apparaît juridiquement impossible d’embaucher un salarié de nationalité
française au poste qui vous est proposé. Cependant, nous souhaiterions
savoir si vous avez l’intention d’être reclassé en Malaisie aux
conditions indiquées ci-dessus. » Salaire : 1 169 euros par an.
Quarante-huit heures hebdomadaires. Dix jours de congés payés. Et une
prime de mutation de 2 000 euros. Royal. Qu’ont en commun une ouvrière
de l’Allier et sa remplaçante malaise ? Un enragé des banlieues et un
piquetero argentin ? Un des 210 065 chômeurs radiés par l’ANPE en
novembre et cet homme qui poursuit l’œuvre artistique de Marcel Duchamp
en la détruisant à coups de marteau ? Un postier sous tutelle qui
braque sa poste et un Indien zapatiste ? Un rédacteur de
CQFD
et un émeutier de la rue de la Soif ? Un marin de la SNCM et un
Sans-Terre brésilien ? Une femme qui flâne seule dans la nuit et un
SDF ? Un lycéen en grève qui réinjecte le plaisir de jouer collectif
dans les rues de sa ville et un grigou mis en pré-retraite ? Tous sont
des erreurs comptables dans les statistiques. Tous sont, par
conséquent, des Erroristes en puissance. On sait bien que l’erreur est
humaine. Mais là, c’est l’humanité qui est en passe de devenir un
lapsus, un acte manqué au cœur et en marge de la très grande
objectivité économique. Une erreur non négligeable, donc. Nous sommes
tous des Erroristes.
CQFD.
Publié dans CQFD n°30, janvier 2006
à 06:42