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La mathématique des odeurs
--> ou quand l’argent des riches coûte moins que l’argent des pauvres.
Bien qu’il soit réputé pour n’avoir aucun arôme, l’argent diffère cependant selon que l’on « est au parfum » ou qu’on ne dispose point d’une fortune. Il est des personnes pour estimer que l’argent n’est qu’une valeur, une quantité d’échange qui contribuerait à diffuser les marchandises désirées. Mais ne croyez pas cela, la monnaie n’a rien d’égal pour les pauvres, et c’est bien un exercice d’arithmétique que nous pouvons approcher.
A considérer les subtilités d’un message récent, il semble en effet, que l’argent n’ait pas la même odeur et que selon que vous êtes roi ou misérable, il ne sonne pas de même. Fêlé résonne l’argent. Cette affaire ne fit pas grand bruit et cependant il y a bien une loi pour conférer à la monnaie une capacité à coûter moins chère pour les riches. Bien sûr, il ne s’agit ici que d’un détail au sein d’un monde totalisant, mais pour peu qu’on y prenne la mouche, il révèle bien un petit quelque chose. Cela fait drôle. Car, mathématiquement, en France, l’argent des riches coûte 9% de moins que l’argent des pauvres. En tout cas, lorsque vous décidez de le donner.

 

La plupart d’entre nous ont déjà glissé leurs billets pour adoucir la mendicité scientifique, subvenir à une association ou encore ravitailler quelques banques alimentaires. L’exclusion reste tellement infâme que cet exercice constitue encore une nécessité. Il y a toutefois, outre la légère compensation de se savoir généreux, un petit dédommagement financier à demander. Vous vous souvenez sans doute de cette loi caritative, dite « Coluche », qui permet de décompter de votre impôt une part de votre donation à une œuvre reconnue. Cette fraction s’élève à 66% du don. Cela suppose déjà que le donateur paie des impôts, car il n’est nullement prévu un remboursement de 66% pour les autres. Alors, les plus pauvres sont les donateurs les plus gratuits, si je puis dire. Mais saviez-vous que les riches peuvent déduire davantage encore. Car ce chiffre de 66% n’est comptable de votre générosité qu’à la condition de ne pas être très fortuné.

 

C’est ici qu’intervient la fondation contre le cancer ARC qui s’est ouvert d’une publicité incroyable…mais vraie. Le texte en est « Je réduis mon ISF de 75%. Si vous voulez payer moins d’impôts sur la fortune, faites un don ». Les personnes visées sont donc expressément les détenteurs d’une fortune telle qu’ils sont assujettis à l’impôt de solidarité, tous les possesseurs d’un patrimoine taxable de plus de 1,3 millions d’euros à ce jour. C’est-à-dire que, bien que leurs écus aient été placés dans des entreprises et autres manufactures, dans des terres ou autres biens ruraux loués à long terme, dans des œuvres d’art, des antiquités, des collections, des bibliothèques, des bois et forêts ou des pensions de retraite, il leur reste encore visiblement plus de 1,3 millions qui n’ont été mis nulle part. Eh bien, Monsieur, ces gens-là ont le privilège de pouvoir déduire non pas 66%, mais 75% des sommes versées à une œuvre. C'est-à-dire qu’ils versent à l’état 9% de moins que les pauvres. Cette anomalie arithmétique ne les dispense évidemment pas du don, mais 9% quand on est riche, c’est toujours mieux à prendre. Quand un pauvre peut retrouver 66 écus sur 100, un riche en récupère 75 ! Oh, ce n’est pas bien important, direz-vous. Encore qu’à analyser les modalités de ces donations, bien d’autres surprises apparaîtraient sûrement.

 

La charité demeure le bon plaisir des riches et certaines fondations engrangent bien plus que d’autres. Et la France constitue un accueillant paradis fiscal pour nombre de fonds étrangers selon le journal Marianne 136. On peut ainsi constater que les bénéfices des investissements qataris, par exemple, sont exemptés d’impôts à 70% et il existe tant de possibilités qu’on reste muet. Même des gagnepetits, comme les journalistes entre autres, disposent de déductions salutaires. 

 

Il y eut des traités entiers pour discuter de la richesse et je ne suis guère compétent en économie. J’entends plutôt partout que l’argent jacasse. L’économie n’est que la parole de la marchandise et ce verbiage incessant nous assomme de son discours bruyant après avoir confisqué la notre, de parole. La marchandise n’est pas là pour satisfaire nos besoins, mais pour les exploiter. Ce système marchand ne valorise que la cupidité, c’est cela qui est nommée l’économie, c'est-à-dire l’économie de la vie des autres, entièrement vouée à l’exploitation. Quant au salaire, il reste, pour les patrons, la partie qu’ils doivent retirer à leur profit pour obliger les exploités au travail. Dur pour eux. Autant faire remarquer aux syndicalistes, que, du coup, le salaire ne peut jamais augmenter par rapport au coût des besoins, il y aura toujours la même différence, plus ou moins. Ceci dit, ce n’est pas une raison pour ne pas réclamer et encore moins pour se taire. Donc, si ne regardons plus l’argent qui ne remplit que des trésors, que reste-t-il ?

 

Des solutions socialistes à défaut d’être sociales. Par exemple, un salaire kolkhozien, à chacun selon ses besoins ? Et dans quelle mesure quelqu’un me fera-t-il ce calcul de ce que sont mes besoins ? Certains ont même osé l’idée d’un salaire de subsistance, offert aux chômeurs et autres très pauvres. Ou encore, on a imaginé un salaire sans thésaurisation, mobile mais strictement lié à chacun, un système distributif en quelque sorte. Mieux, on peut admettre de payer un peu ceux qui ne font rien. C’est dire combien le capitalisme peut intégrer le refus du travail dans son propre système, du moment que ceux-là n’aient accès qu’à des marchandises de pauvres, alors en partie acquittées par les impôts des autres pauvres. C’est quelque part concéder que la rémunération est là davantage pour permettre la survie d’une réserve de pauvres (à côté des riches) plutôt que la récompense du travail. Et si l’argent était réduit à un seul système d’échange à la manière des socio-sous et autre SEL, il continuerait encore d’entraîner la valeur de ses obligations particulières et parfois bien égoïstes. Ici, la liberté ne consisterait plus qu’à orienter ses écus vers l’un OU l’autre des « besoins » et forcerait à se fermer aux autres. Car rien n’y fait ! Il n’y a pas d’en dehors du système marchand et chacun y sacrifie sa vie tant que le vieux monde n’est pas renversé. L’exploitation n’est pas née du salaire, les esclaves l’ont durement entendu. Non l’exploitation est née de l’idée de l’argent, et cela s’appelle le profit. Et chaque sou constitue le terrain où germe cette idée cupide. L’argent n’a que l’odeur des riches…

 

On pourrait également s’interroger sur la place de ces instituts de bienfaisance et autres fondations si promptes à la bio-mendicité qui nous expliquent tant et si fort que nous les malades, handicapés et autre miséreux, justifient qu’ils aient tellement besoin de ces piécettes, pour la recherche, pour l’amélioration des hôpitaux, presque pour nous en quelque sorte. Est-ce à dire que les chercheurs publics ne s’intéresseraient pas aux cancers s’ils n’étaient pourvus de ces suppléments financiers ? A remarquer que l’argument mis à l’envers n’est pas sans paradoxe. Les chercheurs auraient besoin de ces sommes collectées pour s’intéresser aux maladies rares, au cancer, au handicap ? C’est donc prétendre que l’argent des fondations remplit les poches des universitaires, sinon pourquoi ces chercheurs-là qui ne s’intéressaient pas au sujet s’y intéresseraient-ils soudain ? Non ? Je fais de la mauvaise foi, l’argent privé ne servirait qu’à payer le coût des recherches…Et ce serait aux fondations d’orienter les fonds vers ces sujets délaissés...Alors, c’est avouer que le politique ne le fait pas. Décidemment, déjà que l’état semble ne servir qu’à contraindre les exploités, à policer les mœurs et à collecter des impôts, voilà maintenant que cela va se voir !

 

Mais qu’importe, puisque ma mauvaise foi est si évidente ! Ce qui étonne tout de même, c’est cette inégalité de 9% devant l’impôt qui n’a pas beaucoup fait l’objet d’information. L’argent des riches sent-il meilleur que l’argent des pauvres ? Sauf à considérer une fois pour toute que l’argent n’a jamais rien permis d’autre que l’exploitation, qu’il n’est que l’écot versé aux exploités pour prolonger ce vieux monde, vous me direz sans doute que j’en exagère l’intérêt. Mais à réfléchir par le petit bout de la lorgnette, j’en viens encore à pouvoir opposer que la solution ne peut pas résider ni dans la charité publique, ni dans la hausse des salaires, mais dans la suppression du salariat.

 

A bas les inégalités, à bas la misère, à bas le salariat, à bas le monde marchand.

 

Thierry Lodé. 

Donneur et chercheur.

Ecrit par ThierryLode, à 21:23 dans la rubrique "Economie".

Commentaires :

  Yoj
10-05-13
à 22:06

bien vu! j'achète!

L'argent est une fin pour les pauvres, un moyen pour les riches, l'économie n'est que le règlement de ce jeu social. Le socialisme est-il le garant des règles?

Ta réflexion: "les chercheurs auraient besoin d'argent pour s'intéresser au cancer."
Bravo, ça c'est fort. Merci Thierry, même si ton discours porte sur un sujet qui déchire les cœurs, ta lucidité fait qu'on se sent moins moins seul.

On pourra ajouter les aménagement de l'ISF sur l'art: réduire son impôt en investissant dans 'l'art' (mdr), puis  ne pas payer d'impôts sur les plus-values à la revente, 9% est un chiffre à minima.

A bas le salariat! A bas le monde féodal!
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