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La
manière de produire, la finalité de la production et les critères de
distribution des « richesses » produites – qui sont à la base même
des rapports de production et rapports sociaux – révèlent aujourd’hui une
méconnaissance généralisée – au niveau du comportement quotidien - des lois de
la nature à l’origine de dérives gravissimes.
LA
MUTATION DE LA VIE HUMAINE
L’être
humain, contrairement aux autres animaux, s’est très vite insatisfait de la
simple cueillette pour subvenir à ses besoins. Pour se faire, il a inventé l’outil
intermédiaire entre lui et la nature. Démarche aux conséquences redoutables car
celui-ci, l’outil, n’est pas le simple instrument matériel qu’il paraît être
mais il est aussi un objet social dans la mesure où son existence
modifie le comportement de l’Homme-animal
social, vis-à-vis de ses semblables, de même que son évolution dans son rapport
à la Nature.
Paradoxalement,
la connaissance scientifique de la nature, c'est-à-dire la connaissance de ses
lois de fonctionnement n’a pas servi à vivre plus harmonieusement avec elle,
mais à au contraire à l’instrumentaliser à des fins aboutissant à sa destruction.
L’anthropocentrisme a entraîné la négation de l’Homme en tant que composante de
la Nature.
C’est
cette connaissance/méconnaissance de la nature qui permet de faire
n’ « importe quoi ». Quand la valeur d’échange de la
marchandise, au détriment de la valeur d’usage, détermine de manière
quasi absolue les conditions de l’existence du produit qui la sous-tend, on
entre dans un monde nouveau où ne règnent plus les lois de la Nature, où même,
le comportement humains par rapport à ses propres besoins et désirs est
complètement soumis à une nouvelle logique, celle de la marchandise.
Dans
notre système, tout ce qui ne paie pas, ne rapporte pas, n’a pas de valeur
monnayables,… n’a aucun sens, n’a pas à exister. Même la biodiversité est
soumise à cette loi. Exemple : On
explique aux populations africaines qu’il faut respecter les espèces non pas en
tant que telles mais parce qu’elles sont le « support au tourisme ».
Le respect de la Nature est perverti par l’argent.
Vu
sous l’angle du rapport à la Nature, et dans sa phase marchande, il y a
pourrait-on dire schématiquement, deux catégories d’individus dans l’acte de
production :
- les
« producteurs » qui utilisent la totalité des technologies inventées
pour produire dans les meilleures conditions – au sens de plus rentables – des
biens qui n’ont de sens qu’en tant que porteurs de valeur marchande.
Qu’ils soient employeurs, salariés ou indépendants, tous, indépendamment de
leur statut social, utilisent les technologies qui éloignent l’Homme de la
nature et l’instrumentalisent… ce que l’on nomme le « progrès » ;
- les
« consommateurs » qui adoptent et acceptent de consommer des
« produits » élaborés qui s’éloignent de plus en plus de l’état
naturel soit par inconscience, soit par nécessité. La configuration sociale, l’organisation
spatiale de la société – par exemple l’urbanisation extrême - laissent peu de
choix à la manière d’acquérir des biens et des services.
Bien
sûr, producteurs et consommateurs sont les mêmes personnes, mais, de même que
le producteur est « piégé » par les conditions de la production
marchande – être rentable ou disparaître – le consommateur est
« piégé » par la nature des produits qui lui sont vendus. Cette
situation double d’« aliénation » piège, au sein même du système
marchand toute possibilité d’évolution dans le sens de son dépassement.
LA
CONSOMMATION, UN ACTE VIDE DE SENS
On
sait quel est le sens de l’acte de production dans le système marchand : la
maximisation du profit. L’acte de consommation, qui a un sens complètement
perverti par rapport à ce qu’il est à l’origine, satisfaire ses besoins,
s’emboîte parfaitement à la logique de la production.
La
consommation pour la consommation
L’efficacité
technologique de l’acte de production, s’il a fait évoluer la nature des objets
produits, a bien évidemment eu un impact sur la manière de consommer. La sophistication
– l’industrialisation, la standardisation - des produits fabriqués les a
dénaturé au point que l’on ne sait plus très bien dans l’alimentation par
exemple - ce que l’on consomme. L’acte de se nourrir – manger pour vivre – est devenu son inverse – vivre pour manger. La multiplication infinie des produits a
engendré une non moins infinie multiplication des besoins, souvent
factices et superflus, au point qu’il est aujourd’hui bien hasardeux de définir
ce que l’on pourrait appeler des « besoins de base ». En fait
l’évolution de la masse et de la hiérarchie des besoins a suivi l’évolution des
innovations technologique pour les produire. La situation s’est dramatiquement
aggravée lorsque la production d’objets est devenue instrument de
spéculation, la valeur d’échange supplantant définitivement la valeur
d’usage. L’incitation à la consommation n’a alors plus connu de limites et
n’a plus été le moyen de satisfaire des besoins,
mais des fantasmes sociaux d’appartenance, de statuts et de postures.
La
consommation pour la production
Dans
la lignée de l’évolution de la production, la consommation est devenue aussi objet de spéculation…
En
elle-même, en spéculant sur l’abondance et la rareté en fonction des besoins
exprimés. Moyen d’enrichissement elle a été aussi – et est encore – instrument
de pouvoir en créant la pénurie ou au contraire l’avidité de la possession
(politique des marques).
Vis-à-vis
de la production en étant l’instrument essentiel de celle-ci. En effet le
maintien d’une production dépend de ses débouchés et une réduction de ces
derniers met en péril ce qui structure le social, le rapport de
production. C’est tout le sens de
slogans tels que : « Produisons et achetons français ! »
« Nos emplettes font nos emplois ». Le niveau de consommation
d’un pays est un élément essentiel de sa « bonne santé économique ».
Autrement dit, l’on doit consommer, le plus possible, non pas en fonction des
besoins, mais pour préserver l’emploi, les profits, l’investissement, la
croissance,…. Bref tout ce qui fait l’ « équilibre » du système
marchand.
L’INEVITABLE
ET NECESSAIRE RETOURNEMENT
Il
aura fallu des décennies pour prendre conscience des dérives d’un tel système.
Le système marchand – en développant de manière inouïe les moyens de production
- a surdéterminé celles-ci en les accroissant quantitativement et pas toujours
qualitativement.
La
surconsommation des ressources naturelles non renouvelables ne pouvait passer,
à terme, inaperçue, les conditions sociales de la production ne pouvaient pas
ne pas entraîner des conflits… Pourtant les unes ont été acceptées au nom du
progrès et du confort immédiat, les autres n’ont fait l’objet que d’aménagements
– entre classes sociales - et de marchandages sur les conditions de travail et
le partage des richesses.
C’est
après trois bonnes décennies de « société de consommation »
intensive (1945-1975) que celle-ci est devenue peu à peu suspecte entraînant
une prise de conscience – encore modeste – des enchaînements aboutissant à des
catastrophes écologiques et alimentaires.
C’est
la perversion de l’acte de consommation qui, aujourd’hui, permet de
réinterroger le sens de l’acte de production.
La
« sécurité » - alimentaire entre autres - qui devait être la règle, a
totalement échappé aux apprentis sorciers de la production, multipliant les
catastrophes sanitaires à grande échelle et autres drames industriels
gravissimes.
Le
« manger » anonyme, artificiel, synthétique, mort au regard de
l’authenticité de la Nature (standardisation des produits, perte de goût,…),
cède peu à peu la place à un désir de retour à une consommation plus
authentique.
Parallèlement
à ces dérives, le système marchand, détruisant le lien social qui le constitue
– l’emploi en particulier, en généralisant l’exclusion – des dynamiques alternatives, sous toutes les
latitudes sont apparues entraînant une prise de conscience de plus en plus
large.
C’est,
aujourd’hui, et demain, dans ces initiatives que réside probablement la
problématique d’un changement social radical. Les vieux dogmes « révolutionnaires »
des 19e et 20e s siècle, ayant fait faillite, de même que
les élucubrations politico-économiques (interventionnisme étatique,
« humanisation du capitalisme » et autres manipulations idéologiques)
des gestionnaires du capital, il ne nous reste plus que cette voie pour ouvrir
une alternative crédible et durable.
Il
n’y va plus simplement du confort et de l’abondance, mais de la vie de notre
espèce – et de toutes les autres – sur la planète Terre.
Décembre 2009 Patrick
MIGNARD
Voir
aussi :
« L’HOMME
APPARTIENT-IL A LA NATURE ? »
« LES
SOLDES, CET OBSCUR OBJET DE DESIR »
« CE
QUI SE JOUE DERRIERE LES OGM »
« LA
PUB OU LA VIE »