Le débat, si tant est que l’on puisse appeler cela un débat, sur les agro carburants, illustre de manière lumineuse comment les gestionnaires du système marchand entendent « résoudre » les problèmes posés par celui-ci.
Nous
avons là un extraordinaire exemple de « faux problème » comme seul un
système dominant est capable d’en produire pour assurer sa pérennité.
COMMENT EST POSE LE PROBLEME ?
Les
réserves de pétroles baissent inexorablement et la consommation a tendance à
augmenter – non moins inexorablement- (Développement marchand des pays
émergents, croissance de la construction automobile, de l’aéronautique,…). Il
ne faut pas avoir fait de longues études en économie pour se douter que les
prix vont flamber – si j’ose dire à propos de pétrole.
La
question est alors très simple : où
trouver un carburant de substitution, en même quantité et moins cher. ?
La
réponse est apparemment évidente : les agro
carburants. C'est-à-dire un carburant issu de la culture de plantes.
Cette
« solution » apparaît comme satisfaisante à tous les niveaux :
- ils se
substituent au pétrole ;
- ils sont
reproductibles indéfiniment, contrairement au pétrole ;
- ils polluent
moins – ce qui est vrai pour certains
Où
est donc le problème ?
C’est
que, vu la quantité nécessaire on ne
sait pas trop où « planter »
pour obtenir ces agro carburants. En France, en Allemagne,…. ? On n’a pas
assez de place.
Par
contre, à l’étranger, dans les « pays pauvres », avides de devises,
il y a des espaces ruraux « exploitables ».
Mais
là, nouveau problème : ces pays, ou du moins leurs classes dirigeantes,
sont prêtes à sacrifier les meilleures terres pour la production des agro
carburants, aggravant ainsi les problèmes d’approvisionnement alimentaires
locaux. Ces pays, qui le sont déjà, deviennent encore plus importateurs de
biens alimentaires qu’ils sont économiquement incapables de produire eux–mêmes,
pour des raisons de marchés trustés par les pays riches, accroissant ainsi
dépendance et famines.
On
en est actuellement là, sans savoir comment démêler ce sacs de nœuds.
COMMENT IL NE SE POSE PAS ?
Les
gestionnaires du système, contrairement aux apparences, ne font pas
« n’importe quoi »,… au contraire, leurs choix, leurs décisions,
leurs actions sont en parfaite conformité avec la logique du système dont ils essayent de convaincre la multitude,
nous, que c’est la seule rationalité qui vaille.
La
question, la seule question qu’ils ne veulent pas se poser est pourtant très
simple : pourquoi ne pas revoir
l’utilisation de l’énergie – et en particulier du pétrole qui en est en grande
partie la base ?
La
question est pertinente, mais elle est dangereuse.
Pourquoi ?
Mais parce qu’elle remet en question l’ensemble du système :
L’utilisation de l’énergie, comme de la
technique d’ailleurs, dans un système n’est pas neutre, elle structure
socialement le groupe. En retour,
elle est soumise à ses lois de production et de répartition de celle-ci :
que produire ? pour qui ? comment ? Ces questions, apparemment
techniques mais en fait éminents politiques, sont implicites à tout système et
ne peuvent faire l’objet d’aucune contestation au risque de remettre en
question son sens.
Ainsi,
dans le système marchand :
- on produit ce
qui est rentable
- pour ceux qui
sont solvables
- dans les
conditions de rentabilité maximum.
Toute
activité économique et sociale est soumise à ces conditions. Ainsi repenser la
problématique de l’utilisation de l’énergie en dehors de ces conditions, c’est
déstabiliser entièrement l’organisation sociale, remettre en question
l’ensemble du système. C’est définir une
rationalité autre que la rationalité marchande.
Les
gestionnaires du système marchands, ne peuvent pas courir un tel risque.
ET LA SOLUTION DANS TOUT CA ?
Le
pétrole n’est que – parmi tant d’autres – un révélateur des contradictions qui
fondent et minent le rapport marchand et plus généralement le système marchand
dans son ensemble.
Dans
le cadre de la rationalité du système marchand, il n’y a bien évidemment aucune
solution. La seule chose que peuvent faire les gestionnaires du système c’est
« bricoler » les solutions bâtardes, comme ils savent en trouver pour
le chômage (déréglementation du « marché du travail »),
l’environnement (développement durable),…
Cependant
ils ne sont pas seuls à refuser de poser le vrai problème. Une grande partie de
la population des pays développés hésite elle aussi à regarder objectivement
les faits. Pourquoi ? Parce que cela remet en question son mode de vie, sa
manière de se déplacer, de s’alimenter, de se chauffer, bref de vivre…Et le
système politique est fait de telle sorte que la population rejette sur ses représentants
la responsabilité de « trouver une solution » pour ne pas remettre en
question son confort de vie, fournissant par là même un bon prétexte aux
dirigeants pour… ne rien changer.
Nier
la réalité des faits est une manière commode de se convaincre qu’ils n’existent
pas. C’est une attitude de toutes les époques, mais c’est une attitude qui a
ses limites… constituées par le développement insupportable des contradictions
qui fondent le système. Or aujourd’hui nous approchons de ce point critique.
IN CAUDA VENENUM….
La
spéculation – qui est le fondement même du système marchand –, à tous les
niveaux (financiers, matières premières, denrées alimentaires,…) fait des
ravages, les prix flambent, la famine s’étend, les inégalités s’accroissent,
l’exclusion se généralise, l’air devient –au sens propre comme au sens figuré –
irrespirable…
L’obstination
et la vision à court terme des gestionnaires du système, la myopie et l’inconscience des populations
nanties – du moins jusqu’à aujourd’hui – ouvrent la porte au désastre final qui
peu à peu s’installe.
S’en
remettre – par le processus électoral, dont on a vu l’efficacité – aux
programmes et décisions des bouffons politiciens, c’est se mettre d’abord la
« tête dans le sable », puis finalement « la tête sur le
billot », c’est refuser de voir les faits, c’est faire confiance en des
individus qui n’ont aucunement l’intention de changer la situation dont ils
profitent eux et leurs complices.
Le
discours trompeur sur la soit disante « démocratie » stérilise toute
velléité de changement… et le plus grand nombre attend patiemment que le
changement vienne des urnes. « L’eau
monte et l’on regarde la télé en espérant qu’elle annoncera qu’elle baisse ».
Le
désastre qui s’annonce ne sera pas enrayé par le simple attentisme qui
caractérise l’attitude du plus grand nombre et qui au nom de : « il y a des responsables pour prendre les
décisions qui s’imposent », ne fait rien.
Le
faire individuel : prendre son
vélo, trier les déchets,.éteindre les lumières,… si « ça ne peut pas faire de mal » et qu’ « il vaut mieux ça que rien »,… ne donne
évidemment pas la solution. Ces attitudes qui déculpabilisent à bon compte
aussi bien nous individuellement que
les pseudo écologiques qui sont au Pouvoir, permettent d’éviter la vraie
question qui est celle des conditions de la production des richesses et des
critères de leur répartition. La décision individuelle, et forcément limitée,
permet de faire l’impasse, jusqu’à présent, à la satisfaction de tous, sur ce
qui fait l’Histoire, l’engagement
collectif.
Patrick
MIGNARD
mai 2008
Voir
aussi :
« LA
CROISSANCE ? QUELLE CROISSANCE ? »
« LA
DECROISSANCE, QUELLE DECROISSANCE ? »
« L’HOMME
APPARTIENT-IL A LA NATURE ? »