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Indymédia Liège : "Article relatant les évenements autour du second anniversaire du début du mouvement social et populaire de Oaxaca, au Mexique, le 14 juin 06 ; et partageant différentes visions sur la construction de la suite du processus d'autonomie sociale et politique depuis la base populaire.
C'est agrémenté, comme de coutume, de références livrographiques, cinémathèques et internauphiles... A noter la fraîche sortie du livre « La Commune d’Oaxaca - chroniques et considérations» du compañero Georges Lapierre (cf. références à la fin de l'article) ; et de l'intégration du novice Ian dans la secte autonome du Caracol Azul, qui vous permet de télécharger gratuitement des émissions radio autoproduites sur Oaxaca et autres luttes mexicaines (cf. lien internet).
A DEUX ANNEES DE LA COMMUNE DE OAXACA
Le 14 juin 2006, vers 5H du matin, différents corps de police entraient
sur le Zocalo, place centrale, de la ville de Oaxaca (SE du Mexique)
pour déloger et réprimer violemment le “plantón” (campement) des
“maestras et maestros” (instituteurs et professeurs) demandant au
gouvernement plus de moyens matériels et de ressources économiques pour
l’éducation sur la ville et les communautés de l’Etat de Oaxaca. De
multiples brutalités et quelques détentions furent opérées par la
Police.
Cette réponse de l’Etat par la force, loin de mettre fin
aux revendications et à la lutte des maestr@s, qui s’est construit
depuis le début des années 80, allait donner un des plus grands
mouvements populaires et sociaux connus ces dernières années au
Mexique, voir en Amérique centrale et du Sud. Certain-es l’a
compareront même à la Commune de Paris de 1870 sous le nom de “commune
libre de Oaxaca”.
En effet, de juin à novembre 06, le mouvement
des maetr@s, comprenant plusieurs dizaines de milliers de personnes va
compter très vite l’appui des étudiant-es, des commerçants et d’une
grande partie de la « société civile » de la ville et de l’Etat. La
première manifestation de soutien et de dénonciation de la répression
comptera 300 000 habitant-es, et les suivantes « megamarchas » ne
cesseront pas de s’amplifier jusqu’à atteindre un million de personnes
(à noter que l’Etat de Oaxaca compte 5 millions d’habitant-es).
Durant ces six mois, une base sociale et populaire autogérée va se
créer, jusqu’à prendre une base formelle sous l’appellation d’ « APPO »
(Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca), qui va permettre
d’autogouverner la ville, et plusieurs villages (Zaachilla, Santa
Martha…) sur une base participative et sous la forme, entre autres,
d’assemblées populaires, comme outil de décisions sociales et
politiques, coutumes indigènes locales, qu’elles soient Mixtèques, Mixe
ou Zapotèques.
Cette organisation sociale verra apparaître les, à
présentes, très représentatives et symboliques barricades du mouvement
oaxaquenien, forme de défense contre les attaques policières et
militaires, connues sous le non d’escadrons de la mort, opérant les
violences, détentions et autres pressions contre les personnes
impliquées dans le mouvement.
Cette lutte, lancée par des
revendications autour de l’éducation, s’étendra beaucoup plus largement
contre la corruption étatique représentée par le gouverneur de l’Etat
Ulises Ruiz Ortiz, le peuple demandant sa destitution ; et la fin de
l’ère du « caciquisme » et de l’oppression sociale et économique subie
par les peuples indigènes de l’Etat. En outre, leur volonté de gérer la
politique depuis la base n’est plus à démontrer. Pour exemple,
l’abstention électorale atteignant respectivement 66% pour les
votations de députés en août 07, et celles des présidents municipaux
(maires) affichant un « score record » de 83% en octobre de la même
année, est un message clair sur le refus de la politique de partis
«traditionnels » orchestrés par les partis du PAN (Parti d’action
Nationale / Ultra droite au pouvoir actuel de la présidence du
Mexique), PRI (Parti Revolucionaire Institutionnel/ Droite au pouvoir,
entre autre, de l’Etat de Oaxaca) et PRD (Parti Révolutionnaire
Démocratique (Gauche institutionnelle, gagnante légitime- hors
corruption- de l’élection présidentielle de 06).
Ce mouvement
social a subi, et continue de subir son lot de répression, 26 morts
sont dénombrés de juin à novembre 06 (dont 3 qui ne sont pas reconnus
par tous et toutes comme liés à la révolte populaire de l’APPO) ;
plusieurs centaines de détentions « politiques », pour la majorité du
29 octobre au 25 novembre, mois de l’entrée de la PFP (Police Fédérale
Préventive) et de la « récupération » de la ville par les forces
gouvernementales ; des dizaines de disparitions ; et de multiples
violences, brutalités et humiliations.
A noter, qu’aujourd’hui,
il reste toujours trois prisonniers politiques, mais plus aucune
personne disparue n’est à déplorer. Après la fin de l’exil forcé de la
profesora Carmen López Vásquez, revenue à Oaxaca ce 14 juin 08 ; il
semble ne rester plus que la Doctora Berta Muñoz, réfugiée un an en
Bolivie, et actuellement à Mexico, qui continue de subir une pression
psychologique gouvernementale très forte (« Nous allons te couper la
langue » ; « Nous allons te violer avec le microphone ») afin de
l’empêcher de parler au médias de communication, avec en outre des
mandats d’arrêt en vigueur pour, comme de coutume mexicaine, des délits
inventés que sont : incendies de la cour suprême de justice et de la
banque Banamex, résistance à l’autorité et sédition/rébellion à l’Etat
(elle a une force d’activiste guerillera sous sa soixante d’année, non
?).
Cette femme, surnommée populairement « Doctora Escopeta »
(Docteur Fusil), des plus investies dans l’APPO (assurant l’unique
ambulance populaire et une des voix importantes de Radio Universidad),
arbore le respect de quasi tous les acteureuses du mouvement de 06 (des
électoralistes du PRD aux anarchistes radicaux). Ses efforts pour créer
une force populaire unie ainsi que ses phrasés sont devenues « célèbres
» : elle s’opposa à l’affrontement avec la Police Fédérale Préventive
et leurs attaques chimiques contre le peuple : « Alors qu’est-ce que
vous allez faire maintenant, allez-y, lancez moi les gaz lacrymogènes,
ça me permettra d’être immunisée et ainsi plus résistante » ; ainsi
qu’à une action d’incendie de la station service de PEMEX par quelques
jeunes : « Eh, vous avez penser comment vous fabriquerez vos cocktail
Molotov sans pétrole » !
Elle déclarait le 11 juin dernier que «
Ne pas avoir vaincu le gouverneur depuis deux ans ne signifie pas que
cela soit une défaite. Maintenant avec tout ce qu’il s’est passé, notre
conscience est plus profonde, par l’expérience. Beaucoup de gens dans
les communautés et les quartiers sont plongés dans un travail discret
de construction d’une organisation plus authentique, plus solide, avec
l’idée que démocratiser Oaxaca va beaucoup plus loin que de seulement
virer Ulises Ruiz ». Je vous conseille vivement la suite de cette
interview publiée au quotidien alternatif « La Jornada », où elle parle
aussi des peurs de l’arrestation, de son retour à Oaxaca et des
nouvelles formes de lutte de l’APPO :
http://www.jornada.unam.mx/2008/06/11/index.php?section=politica&article=025n1pol
A visionner aussi, l’entretien du 13 juin sur la « CNN en español »,
avec de très intéressantes explications sur les bases du conflit et la
répression de l’APPO, sur ce lien :
http://www.tu.tv/videos/aristegui-la-voz-de-la-appo-oaxaca
De novembre 06 (apogée de la répression) à juin 08 (commémoration des
deux ans de début du mouvement), vont alors se développer différentes
formes pour que tout ce qui s’était créé durant ces 6 mois de révolte
populaire ne crève pas à petit feu…
Trois conseils estatals
(assemblée générale de propositions et d’actions communautaires) de
l’APPO vont avoir lieu de novembre 06 à novembre 07 ; des constructions
d’organisation plus affinitaires vont voir le jour au niveau des
quartiers, villages et groupes politiques dont un, créé en février 07,
VOCAl (Voix Oaxaquennienes pour la Construction de l’Autonomie et
liberté), composé principalement de jeunes anarchistes travaillant en
lien avec de multiples personnes et collectifs, et souvent décrié comme
les radicaux et provocateureuses du mouvement. Plus récemment, eu lieu
une rencontre de deux jours pour discuter et agir pour la construction
d’une politique populaire, en avril 08, réunissant des personnes et
collectifs (OIDHO- Organisations Indigènes pour les Droits Humains à
Oaxaca, CESOL-Centre Social Libertaire- entre autres) critiquant la non
avancée du conseil de l’APPO actuel et son incarnation et
représentation par des leadership politiques cherchant la conquête de
pouvoir ; un projet de caravane dans les villages de l’Etat pour aller
à l’encontre des luttes, problématiques et répressions contre les
communautés indigènes, échanger sur les luttes urbaines, ainsi que de
produire et diffuser des médias autoproduits parlant de cette mémoire
de luttes, la première étape a eu lieu du 05 au 12 mai de cette année
dans différents villages de l’Isthme de Tehuantepec. Et tout
dernièrement une occupation du Zocalo de Oaxaca du 15 mai au 14 juin,
prenant une nouvelle forme que les années précédentes : mise en place
d’un tournus de délégation des maestr@s afin de moins affecter la
suspension des cours ( au final 30% du programme annuel de cours ne
seront pas assurés), appel d’une grève générale des écoles du pays qui
bloquera jusqu’à 70% des écoles à Oaxaca, affectant plus d’un million
d’élèves (soutenus principalement par les Etats de Chiapas, Michoacán
et Guerrero) blocages de rues et de transports…
Malgré ces
dynamiques toujours existences, il ne faudrait pas omettre tous les
problèmes, tensions et la baisse d’intensité du mouvement populaire
générale par rapport à son ampleur de 2006.
Mais pour sûr, comme
le dit un jeune du village de Santa Rosa, dans la périphérie de la
ville de Oaxaca « après tout ça, nous ne serons jamais plus les mêmes
qu’avant ; nous ne pourrions pas l’être et nous ne pourrions pas le
supporter ».
Samedi dernier, 14 juin 08, se commémorait
deux années du début du mouvement avec de multiples mobilisations et
actions quasiment pendant 24 H…
Les « hostilités » débutèrent
avant l’aube, entre 4h et 6h, où a différents points de la ville, se
lancèrent fumigènes et fusées « sonorisantes », se crièrent des slogans
et se « décorèrent » différents transports publics et privés.
Arrivés un peu avant 6h au quartier d’« El Rosario », connu pour avoir
été l’un des plus impliqués et résistants dans la construction d’une
basse populaire sociale massive durant le mouvement, nous sommes
accueillis par des pains sucrés et une banderole sans équivoque « APPO
EL Rosario siempre en pie de lucha, pres@s politic@s libertad » (APPO
El Rosario toujours debout dans la lutte, liberté aux prisonnier-es
politiques).
La quarantaine de personnes déjà présentes attendent
le passage des premiers bus et autres camions poubelles afin de les
réquisitionner pour peindre quelques paroles urbaines populaires. Le
mode d’action est simple et décomplexé… Entre 5 et 10 personnes font
barrage à l’outil qui va servir à peindre et graffer, les chauffeurs ne
s’interposent pas, laissant la conscience sociale s’exprimer comme si
c’était naturel et approuvé, et ainsi en quelques minutes, des ados
surtout et quelques adultes expriment leurs idées…
Aux slogans
devenus communs « 14 de junio 06 Ni perdón ni olvido » (14 juin 06 Ni
pardon ni oubli) et « La APPO vive » (La APPO est vivante), s’en
ajoutent d’autres, plus personnels et imaginatifs : « Los
transportistas también appo-yamos » (Nous appo-yons aussi Les
transporteurs) ; « Territorio APPO » (Territoire de l’APPO) ; «Viva la
Guelaguetza popular » (Vive la Guelaguetza- fête traditionnelle-
populaire) ; « Aquí viaja URO » (Ici voyage URO-Ulises Ruiz Ortiz)
graffé sur un camion poubelles ; « Muerte URO » (Mort à URO).
D’autres pensées et revendications seront vocalisées par le chœur d’«
El Rosario » pendant ce moment d’expression urbaine, et surtout durant
la petite marche dans le quartier qui suivit, afin d’inviter les
habitant-es à les rejoindre à la megamarcha, et qui clôturera ce
premier événement matinal!
Les rues se font alors l’écho de : «
Lucha lucha, no dejes de luchar para un gobierno obrero, campesino y
popular » (Lutte lutte, ne cesses pas de lutter pour un gouvernement
ouvrier, paysan et populaire) ; « Ojos por ojos, diente por diente,
Ulises, asesino, la cuenta esta pendiente » ( Œil pour oeil, dent pour
dent, Ulises, assassin, la note est en cours ») : « Hombro con hombro,
codo con codo, la APPO, la APPO, la APPO somos todos » ( Epaule contre
épaule, coude à coude, la APPO, la APPO, nous sommes tous la APPO )… Et
le petit bijou final sur les murs d’un refuge policier déserté : «
Señor policía, me das lastimas, pidiendo las armas, no puedes protestar
» (Monsieur le policier, tu me fais pitié, car demandant les armes tu
ne peux protester).
La petite marche du matin se terminera par
l’invitation à rejoindre la méga marche débutant à 9h ; puis
l’invitation à différents événements en fin d’après-midi dans le
quartier : musique, littérature et ciné. En guise de final, le chœur du
quartier entonnera l’hymne national mexicain et celui devenu l’hymne de
la lutte des maetr@s: « Venceremos » (Nous vaincrons).
A savoir
que l’appartenance à l’Etat mexicain est très forte, même dans les
communautés indigènes, c’est le cas aussi dans les villages autonomes
zapatistes au Chiapas qui arpentent les deux drapeaux : Zapatiste et
Mexicain. Ce qui laisse à penser qu’ils et elles reconnaissent l’Etat
et le territoire mexicain, ce qui peut paraître étonnant vu la
construction historique et géopolitique des territoires indigènes
préhispaniques colonisés de ce pays … A ver y a reflexionar…
La méga marche convoquée à 9h, sur la route internationale « Christophe
Colomb » (quel symbole !), au croisement de Trinidad de Viguera,
partira vers 9h30, avec un cortège humain d’une masse impressionnante,
toujours difficile de donner un nombre et je ne m’y risquerai donc pas,
mais il me semble que c’était quasi aussi peuplé que l’année passée où
il avait été dénombré plus ou moins 150 000 personnes.
Cette
manifestation en marche d’environ 3h jusqu’ à l’arrivée au Zocalo de
Oaxaca, fut animée de diverses banderoles arpentant les revendications
sociopolitiques ; de pancartes des personnes à juger ou destituer ; de
pantins à l’effigie de caricatures de Ulises Ruiz affirmant qu’ « A
Oaxaca il ne se passe rien » (une de ces célèbres déclarations de 06),
et un représentant Elba Esther Gordillo (cheffe ministérielle du SNTE-
Syndicat National des Travailleurs de l’Education- depuis plus de 20
ans, en somme la Margaret Thatcher locale) déclarant « De lit en lit,
j’ai gagné ma renommée ». En alternative aux dirigeant-es corrompu-es,
un professeur d’une communauté oaxaquenienne appelle à une politique
indigène et à avancer vers un pouvoir populaire.
Deux invités de
prestige prendront aussi cours à la marcha, « L’enfant-saint de l’APPO
», portant des bottes de mineurs, l’étoile rouge révolutionnaire et
l’insigne APPO, ainsi que « La vierge des Barricades » et son fameux
masque à gaz pour se défendre des attaques armées anti-populaires.
La musique, les chants et les chœurs de slogans furent aussi, comme de
coutume, omniprésents, reprenant ceux déjà entonnés le matin et
agrémenté des « Pres@s politic@s libertad » (Liberté aux prisonnier-es
politiques ), « No al charrismo sindical, no vas a dejar nuestra
sección XII a la IVIX » (Non à la bâtardise syndicale, ne laisse pas
notre section 22- celles des maîtres en lutte- pour la 59- celles des
maîtres vendus au syndicat du gouvernement). Tout le long de la manif,
des dizaines de jeunes masqués, graffe, peinture et posent des pochoirs
revendicatifs sur les murs publics et privés ainsi que sur les façades
de petits commerces, vitrines d’entreprises ou de banques… comme, entre
autres, « Autonomía, Autogestión, Acción directa por la libertad »
(Autonomie, Autogestion, Action directe pour la liberté), « Ni dios, ni
amo, ni ejercito, ni estado » (Ni Dieu, ni maître, ni armée, ni Etat),
« Le plan Merida = muerte » (Le plan Merida (coopération militaro
économique EU et Mexique) =Mort), Ulises culero- Ulises puto » (Ulises
enculé – Ulises putain).
Vers 12h30, l’arrivée au Zocalo se
fait progressive, et est le moment de rafraîchissement, de collation et
de prises de paroles. Parmi celles-ci, une intervention de la maestra
Carmen Lopez Vasquez, forcée à l’exil politique depuis 18 mois à la
ville de Mexico, « Je suis de retour pour me réintégrer à votre lutte,
peuple de Oaxaca, qui est ma grande famille. Ici, rien ne va m’arriver,
personne ne va me détenir et j’en ai la sûreté, pas parce que j’ai
négocié avec le tyran, ni avec le gouvernement fédéral, j’en ai la
sécurité par vous, par le soutien des organismes de droits humains ».
Carmen est à présente couverte par des protections judiciaires
d’amparo, qui évitent les poursuites justiciaires et policières au
Mexique. Flavio Sauza du PRD (Parti Révolutionnaire Démocratique),
prisonnier politique libéré il y a quelques mois, dénoncera l’action du
PRI (Parti Répresseur Intolérant) et fera office aussi de sa
réintégration à la lutte populaire… via son parti gauchiste ou pas ?
Quien sabe ?
Ezekiel Rosales Careno, dirigeant de la Section 22
du Syndicat National d’Education, quant- à lui, exposera les demandes
des maestr@s que sont la destitution du gouverneur URO, la liberté des
prisonnières politiques et de conscience, l’annulation des ordres de
détention et d’assurer les conditions nécessaires pour le retour des
exilés politiques. S’ajoutera à ce discours la volonté d’une réponse du
gouvernement aux demandes des maetr@s de la section 22 : une
convocation de leur syndicat sans conditions ; et l’abrogation de la
loi de lSSTE, sécurité sociale des travailleureuses qui est en cours de
privatisation. A noter qu’une dizaine de jeunes, masqués, s’opposèrent
à son discours par des huées, cris et jets de quelques objets pour
l’empêcher de s’exprimer, et dénonçant sa collaboration avec le
gouvernement afin de lever le campement des profs sur le Zocalo - qui
prît fin ce 14 juin, après une occupation qui durait depuis le 15 mai,
« dia del maestr@ » -. Ezekiel répondra que « ce sont des provocateurs
envoyés par le gouvernement de l’Etat, dépourvus d’organisation, de
discipline et de formation politique idéologique »… Ben tiens, il a
raison, un peu de discipline stalinienne et/ou fasciste dans cette trop
grande démocratie populaire mexicaine, ça va permettre de remettre un
peu d’ordre civil !
Le ton change et le calme revient quand David
Venegas (Conseiller estatal de l’APPO et membre de VOCAl), prisonnier
politique durant une année et libéré en mars dernier, prend la parole.
Il insiste sur le fait que « ce mouvement n’est pas un mouvement de
leader. Nous savons que ce qu’est la trahison politique, ce qu’est la
prison… Si nous étions des leaders, nous serions déjà au congrès des
députés ». D’autres membres de VOCAL insisteront sur le besoin
d’appuyer les autres luttes populaires et autonomes comme le font, par
exemple les membres du Front Populaire en Défense de la Terre d’Atenco,
présents à la marche. Un appel à manifester contre les attaques
militaires et paramilitaires envers les caracoles zapatistes est appelé
le jeudi suivant, au départ du monument Zapata.
Un peu
essoufflé après ces heures intenses d’actions et de marches,
j’imaginais un petit temps de repos, mais c’était sans compter sur
l’énergie sans limites et la non réserve oaxaquennienne…
En
effet, est appelée aussitôt par quelques dizaines de jeunes anarchistes
une occupation du croisement des avenues du boulevard « 5 Señores » qui
est en fait un appel communautaire à reconstruire une des barricades
les plus résistantes de 06.
Arrivé sur le lieu dit, c’est avec
intérêt et respect que je découvre cette mise en œuvre… Tout commence
par le repérage de l’arrivée d’un véhicule motorisé de grande taille,
soit un bus de ville, un camion privé de PEMEX (Pétrole Mexicain), un
autocar de l’entreprise OCC. Puis quelques un-es l’arrête, les «
emprunts » de matériels de transports s’effectuant dans le calme, les
passager-es descendant tranquillement, le conducteur suivant les
directives de stationnement de deux co-pilotes improvisés, pendant que
d’autres assurent la circulation des voitures et le blocage progressive
des routes, ainsi que la « déco urbain» des bus. Tout semble quasi
naturel pour les personnes qui subissent ces réquisitions, comme si
c’était leur quotidien, il est vrai aussi que sans être fataliste, la
culture mexicaine se veut souvent solidaire.
Les acteurs et
actrices, une trentaine de personnes de 10 à 30 ans, ont l’air d’avoir
effectué ça toute leur vie… En l’espace-temps de 3/ 4 d’H, les
barricades sont montées sur ce croisement d’avenues dont le trafic
motorisé est très intense, vu son accès direct au centre ville
historique de Oaxaca!
La presse de masse (TV Azteca,
Televisa…) et indépendante (La Guillotina, Radio Zinzine
international…), afflue, à la connaissance de la nouvelle prise de « 5
Señores » .
Quelques personnes parlent en leur nom de l’objectif
et de la volonté de ces nouvelles barricades : « 5 Señores est la seule
barricade où la Police Fédérale Préventive n’a pu nous déloger, c’est
un symbole de résistance »…«Nous ne voulons pas d’un Oaxaca sous les
barricades, mais nous voulons en finir avec la corruption politique et
la crise sociale de l’Etat »… « Nous ne savons pas combien de temps
nous resterons, l’objectif est de tenir 5H, et voir s’il y a un soutien
de plus de monde, si des maestr@s viennent nous rejoindre, on avisera
»…
Il n’en sera rien, deux heures plus tard, vers 16H, les
barricades sont levées par décision consensuelle des metteurs en œuvre
urbano… Rendu des clés empruntés aux différents chauffeurs, et retour
au centre ville dans deux bus collectifs qui nous assurent la course
gratuitement ; l’excitation et l’enthousiasme est très palpable lors du
trajet vers le Zocalo, une sorte de désillusion aussi, les jeunes, voir
très jeunes se remettant aussitôt à sniffer leur éther ou autre acide,
afin certainement que le nouvel atterrissage dans le monotone quotidien
ne soit pas trop brutal !
Cette nouvelle prise de « 5 Señores »,
symbolique et forte émotionnellement fut, sans doute, réussie ; mais
l’appel à un nouveau soulèvement populaire urbain sur les barricades,
escompté de manière utopique, certainement pas !
Ce qui ne
signifie en aucun cas que la commune de Oaxaca est morte, bien au
contraire, elle est en pleine construction, mais sous d’autres formes
comme déjà évoquées auparavant, elle réfléchit à ses stratégies de
lutte pour être le plus apte à combattre l’ogre colon et capitaliste,
et prends le recul nécessaire avec une intelligence de réflexion, qui
pour ma part, inspire un profond respect.
Les barricades
oaxaquenniennes sont mortes, l’APPO et ses différentes luttes
d’autonomie indigènes communautaires bien vivantes !
A
peine le temps de se rafraîchir d’une « agua de sabor » au Zocalo, et
la suite des affaires sociales n’attendent pas, direction une nouvelle
fois au quartier d’« El Rosario » pour quelques activités culturelles.
Ca débute par de la musique interprétée par différents profs, ou
chanteureuses solidaires, accompagné-es par leurs voix et guitares
révolutionnaires.
La musique, comme « l’expression culturellle
urbaine » (graffitis, stencils, pochoirs…) fut très présente et
importante dans le mouvement de réappropriation sociale. Un film (qui
était prévu mais reprogrammé ultérieurement faute de temps), tout
fraîchement autoproduit vient de sortir autour de cela : « Sigueme
contando sonidos de la lucha oaxaquena » (cesolacrata(at)gmail.com/
luzkemada(at)gmail.com) où s’expliquent, entre autres, les bases
politiques et populaires des corridos, du son jarocho, du hip hop, de
la musique traditionnelle… Ce fut d’ailleurs l’occasion de pirater en
exclusivité,, lors de l’événement, la toute dernière chanson en lutte
de Oaxaca « Vive maestro querido », que j’essaierai prochainement de
partager via la toile sonore internationale!
Ensuite, se
déroula une présentation d'un livre « Palabra et trascendencia- Manual
de Educación y Alfabetización popular » (éditions autogérées de
Círculos de investigación) de Marcel Arvea Damian, entre autres
formateur de maestr@s de Oaxaca, qui cherche et met en pratique des
formes d'éducation populaire. C'était vraiment très riche, agrémenté
par une critique de l'éducation capitaliste ; de la complémentarité de
l’éducation publique et privé formant des personnes pour commander
(issue de l’Université Technique) et d’autres pour obéir (issue de
l’Université Générale) ; et d’une autocritique du fonctionnement des
maestr@s de Oaxaca par rapport à leurs luttes et demandes, tombant
parfois dans une bureaucratie qu’illes condamnent…
Après avoir
écouté les questionnements, les critiques de l’auteur du livre, mais
aussi celles de quelques maestr@s assumant leur participation populaire
à la conférence ; ainsi que leur définition de l’éducation qui selon
elles et eux doivent permettre un développement des capacités
personnelles, de l’autonomie et une vision de la liberté que choisira
l’élève…
ça me paraissait être d'une réalité et d'une humilité
très censé… et ainsi grâce à la magie de la cosmovision maya, pas mal
d’éléments qui semblait toujours me manquer pour la compréhension de ce
mouvement oaxaquennien me sont devenues plus clairs, surtout sur le
rapport à la force et la détermination de la lutte et l'investissement
des profs et instits au niveau de leur volonté d’une transformation
sociale! Ceci n’étant possible, selon Marcel, qu’en rendant la parole à
l’élève et sur le fait que le prof s’argue de l’écoute, et peut se
construire par l’éducation populaire ou d’autres formes d’éducation non
autoritaires et oppressives.
« No tenemos que aprender si no enseñar » ( Nous ne devons pas enseigner mais apprendre).
Deux adolescentes nous nourriront enfin de leur idéologie chantonnante,
peut-être symbolique, mais démontrant une fois encore que la
conscientisation sociale populaire n’a pas de limite d’âge à Oaxaca,
qu’elle soit d’un vieux barricadier de 5 Señores d’une dizaine d’années
ou d’une jeune médecin avoisinant la soixantaine…
« Educación primero al hijo del obrero - Educación después al hijo del burgués »
( Primero, éducation au fils de l’ouvrier- Ensuite, éducation au fils de bourgeois)
En début de soirée, suite à la levée du campement des maetr@s, le
gouverneur de l’Etat, Ulises Ruiz Ortiz, et le président municipal de
la ville José Antonio Hernandez Fraguas, osèrent mettre les pieds au
centre ville de Oaxaca, pour disent-ils « constater les tâches de
ménage qui se sont réalisées tant sur le Zocalo que sur la Alameda de
Léon (place annexe) »… une véritable honte de plus semée par URO,
assassin indigne et corrompu, qui parle de ménage pour un campement
humain, et s’affiche comme s’il était le négociateur de cette levée de
campement, alors qu’elle n’est pure décision et volonté du syndicat des
professeurs.
Honte à toi, gouverneur illégitime pour la majorité
des oaxaquennien-es, et prends garde à sortir bien couvert, car tu as
certainement pu observer qu’en ce jour de lutte combative du 14 juin,
certain-es habitant-es continuaient de demander ta destitution, mais
aussi quelques un-es, à présent, ta mort…!
Espérons que lors de
la Guelaguetza populaire (« l’art de donner »), fête traditionnelle de
Oaxaca, les corps policés se fassent aussi discrets qu’en ce 14 juin,
afin qu’elle ne subisse pas cette année une répression semblable à
celle d’août 07. Et que le peuple puisse ainsi vivre ses réelles
traditions, coutumes et danses, perpétuées par des milliers d’indigènes
en compagnie de leurs ami-es ; face à la Guelaguetza commerciale,
pamphlet folklorique à des prix exorbitants, consommée par quelques
centaines de touristes d’exportation.
Enfin, pour terminer
cette longue et riche journée de tequio (travaux communautaires)
oaxaquenniens, como de costumbre, une collectivisation de la fête et de
la danse s’improvise en différents lieux… Ca sera sans moi, cette fois,
car je m’en vais réfléchir et reposer toutes les expressions sociales
et autres activités de ce 14 juin combatif, qui ne peuvent que mieux me
faire comprendre la réflexion, les pratiques, et la lutte en défense
des idéaux populaires et communautaires des peuples de Oaxaca… avec
lequel je partage un intense et sincère respect, en m’enrichissant de
leur humilité, faisant fuir tout élitisme autoritaire de quelques
maîtres qu’ils soient!
Un saludo libertario depuis le pays du chocolat, du mezcal et de ses autoproductions affiliées…
Ian
PS : comme vous aurez certainement une débordante envie d’en savoir, et
donc d’en lire et d’en écouter beaucoup plus… voici quelques allié-es
pour vos salles de lecture et autres caves à son francophones et
hispanophones !
LIVRES :
« La Commune d’Oaxaca - chroniques et considérations»
( Georges Lapierre-édition Rue des cascades / 08) »
http://cspcl.ouvaton.org/article.php3?id_article=566 http://www.decitre.fr/livres/La-Commune-d-Oaxaca.aspx/9782917051030 « La batalla por Oaxaca» (édition « Yope power » / avril 07)
« La Guillotina especial Oaxaca » (La Guillotina / 07)
« México : Stencil : Propa - El arte político urbano» ( RM & Mr Fly /08)
FILMS :
« Un poquito de tanta verdad »
(ST francais) (Jil I. Freiberg-Corrugated films & Mal de Ojo TV / 07)
http://www.sub-way.fr/index.php?shard=blog&action=g_view&ID=10920&userID=20280 http://88.191.11.97/video/un_poquito_de_tanta_verdad_Xvid.avi « Compromiso cumplido- L’engagement accompli » (Mal de Ojo TV / 07)
http://maldeojotv.net/ SITES / LIENS INTERNET
*Emissions radio autoproduites sur Oaxaca et le Mexique, hébergées par le Caracol Azul, escargot révolutionnaire…
http://www.kehuelga.org/~caracolazul/ian/ * Le jouet enragé
http://lejouetenrage.free.fr/net/spip.php?rubrique21 * Interview de la Doctora Berta Muñoz
http://www.tu.tv/videos/aristegui-la-voz-de-la-appo-oaxaca * Oaxaca libre
http://oaxacalibre.org/oaxlibre/index.php * Oaxaca en pie de lucha
http://oaxacaenpiedelucha.blogspot.com/ * VOCAL (Voix Oaxaqueniennes pour la Construction de l’Autonomie et la Liberté)
http://vocal.lahaine.org/
APPO Rosario dans la lutte |
Par Ian (c/p de zam), Friday, Jun. 20, 2008 at 7:09 PM
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La Megamarcha Popular |
Par Ian (c/p de zam), Friday, Jun. 20, 2008 at 7:09 PM
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Il n\'ya qu\'une section XXII |
Par Ian (c/p de zam), Friday, Jun. 20, 2008 at 7:09 PM
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OAxaca resiste |
Par Ian (c/p de zam), Friday, Jun. 20, 2008 at 7:09 PM
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APPO-YA a la lucha popular |
Par Ian (c/p de zam), Friday, Jun. 20, 2008 at 7:09 PM
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