L’INSOLUBLE PROBLEME DE LA REPARTITION DES PROFITS
--> Matière à réflexion
La répartition des profits des entreprises et une question qui refait régulièrement surface dans la polémique sociale, et la crise actuelle la remet bien évidemment au goût du jour.
L’urgence,
toujours repoussée, d’une réponse à fait dire dernièrement au « turbo
président », une énormité – une de plus - qui en dit long soit sur son
incompétence, soit sur sa démagogie,… peut-être sur les deux.
Dans ce que certains ont appelé
une « règle des trois tiers», il
a tout simplement suggéré « un
partage égal des profits entre salaires, investissement et dividendes »( ???).
La pire des choses qui pourrait
lui arriver c’est que les salariés lui disent « chiche ! » et
enclenchent un mouvement social sur cette base,… chose dont les syndicats
complaisants se sont bien gardés de faire.
EFFET
D’ANNONCE ET QUESTION ESSENTIELLE
Disons le tout de suite, cette
règle n’est qu’un effet d’annonce –
un de plus – sans conséquence concrète, mais elle pose un problème très
intéressant.
- « effet d’annonce » parce
qu’il est évident que le pouvoir n’a absolument pas l’intention de procéder à
ce changement. Pourquoi ? Parce que ce changement touche de fait, et de
droit, aux « fondamentaux » du système marchand dont il est le
garant.
- Le point fondamental abordé par
cette question est celui de la « répartition de la richesse dans le
système ».
Dire que « le tiers du profit doit aller aux salariés…
en plus de leur salaire » a fait immédiatement réagir le MEDEF dont la
porte parole a dit clairement toute la divergence qu’elle avait de tels propos
en précisant que « seul
l’actionnaire peut décider du montant des dividendes », car cela
relève du « droit de propriété »,
ajoutant pour faire bonne mesure qu’il « n’était ni du ressort de l’Etat, ni des salariés d’en décider ».
Madame PARISOT n’a fait que rappeler ce qu’est le capitalisme et en rappelant
ces règles élémentaires, et tout à fait exactes, elle a implicitement signifié
que cette question ne relevait pas d’une simple arithmétique de gestion, mais
était fondamentalement politique.
Le fondement du capitalisme
c’est, rappelons le une fois encore, le « rapport
social fondé sur l’investissement du capital dans un processus de production en
vue de création de valeur,… et pour se faire, l’embauche de salariés (seul le
travail étant créateur de valeur) qui, en échange de leur force de travail
reçoivent un salaire équivalent à la valeur estimée de celle-ci».
Etablir dans ce système une « répartition du profit aux salariés et
ce de manière « inégalitaire » par rapport aux actionnaires (le tiers
du profit en plus du salaire) » est bien évidemment inacceptable pour
les actionnaires… pire à leurs yeux, elle remet en question le fondement même
du système marchand.
LES
RAPPORTS PROFITS / SALAIRES : MYTHES ET REALITES
Avant d’être quantitative, la question est, comme le souligne la représentante
du MEDEF qualitative… Il s’agit d’un principe d’organisation sociale que l’on
pourrait résumer lapidairement par : l’actionnaire
est tout, le salarié rien ! Ce n’est pas une affirmation provocatrice
mais la réalité du système marchand.
Que seul le travail humain crée de la valeur est une affirmation difficilement
contestable… en effet, même les machines sont
issues du travail humain ! Ce n’est que dans cette mesure que la force de travail est acceptable et
acceptée… Mais créer une entreprise n’a pas
pour objectif de créer de l’emploi, seulement de valoriser un capital, le travail n’étant, d’une certaine manière,
qu’un « mal nécessaire ».
La preuve en est que l’entreprise essaye de se passer de plus en plus de
travail en rentabilisant le peu qu’elle utilise. L’objectif de l’entreprise est de faire du profit, un point c’est tout.
On comprendra dès lors que le salarié n’a aucun droit sur le profit,
qui ne lui appartient juridiquement pas.
Il a reçu son salaire, équivalent valeur de sa force de travail,… le reste ne
lui appartient pas.
Vouloir attribuer, en plus, au salarié, une part du profit
est vécu, à juste titre, comme un déni juridique par l’actionnaire. Une
négation même de l’ordre social marchand.
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Résultat des sociétés non
financières en 2006 en pourcentage du bénéfice après impôt :
Revenu distribué aux actionnaires : … 74,6 %
Intéressement et participation :……….. 15,9 %
Reste à l’entreprise : ……………………. 9,5
Source – ALTERNATIVES
ECONOMIQUES-mars 2009
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Mais me direz vous, les salariés
touchent déjà, dans certains cas une part du profit sous la forme de « participation » ou d’ « intéressement » ! C’est exact,
mais ça été imposé par les salariés et accepté par le patronat pour s’acheter
la « paix sociale » dans l’entreprise, ça demeure tout de même limité
et exceptionnel… la règle étant que le profit appartient aux actionnaires et à
eux seuls. L’ordre économique et social marchand n’est absolument pas remis en
question.
Que le profit soit important, là
n’est pas la question.
LA
SEULE ET VRAIE QUESTION
C’est celle des conditions de
production des richesses et de leur la répartition dans notre société. Or ce
problème n’est pas du tout technique,… il est essentiellement politique.
Autrement dit, qui décide ce que l’on produit,
comment on le produit et comment on le réparti ?. L’Histoire humaine n’est en fait que la succession des formes d’organisations sociales censées
répondre à ces questions.
On imagine ainsi difficilement,
le chantre du libéralisme en France, le porte parole présidentiel du MEDEF, le
liquidateur des services publics, des régimes de retraites par répartition et
de la protection sociale,… oser s’attaquer à cette question essentielle.
La gauche et l’extrême gauche qui
sont incapables de poser correctement la stratégie de changement de ce
fonctionnement, comment un représentant de ce système marchand le
pourrait-il ?
Toucher à la répartition des
profits c’est toucher au statut même du
capital et du travail et à son
corollaire, le droit de propriété sur
les moyen de production. On est là au cœur de la véritable problématique du
changement social. Le MEDF l’a immédiatement vu,… Sarkozy, emporté par sa
démagogie et son incompétence n’a pas mesuré, une fois encore, la portée de ses
propos… Quand aux syndicats de salariés ils se sont empressés de regarder
ailleurs montrant en cela où sont leurs véritables préoccupations.
Le partage des profits – du surproduit social – est réglé une bonne
fois pour toute dans le système marchand et en constitue son essence… Il n’y a
rien d’autre à espérer en son sein.
La question du partage de la
richesse est, et demeure, le vrai problème de toutes les sociétés depuis
l’origine des hommes, ça constitue toujours la question essentielle du présent
et de l’avenir.
Mars 2009 Patrick MIGNARD