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La Patrie serait en danger qu’il n’y aurait pas autant de mobilisation, du moins du côté des industriels. La « contrefaçon », voilà l’ennemi…. Cet acte inqualifiable qui met en péril l’emploi (c’est que l’on dit), mais surtout les profits des grosses entreprises (ce que l’on dit moins)… est dénoncé par les libéraux (qui sont pour la libre concurrence et la déréglementation) avec la dernière des énergies.
Pourtant, se payer une marque au « moins coûtant », n’est ce pas une attitude tout à fait conforme au comportement de l’ « homo economicus », c'est-à-dire un comportement parfaitement rationnel, si cher aux libéraux ?
QUAND LA « MARQUE » TRANSCENDE LE BESOIN
La marque est devenue une fin en soi. Le consommateur n’achète plus, par exemple un « vêtement pour se vêtir », mais une marque. Ce n’est plus le besoin primaire qui s’exprime de manière privilégiée chez le consommateur, le « besoin de se vêtir » mais le fait de « porter un vêtement de marque ». On assiste à une déconnexion entre le besoin « réel » et la <signification sociale, le signe social de l’objet… le besoin de reconnaissance sociale devient le besoin… et c’est la marchandise qui en est le support.
Le caractère spectaculaire de la marchandise atteint là son point culminant au point de faire oublier, dans la conscience collective, ce qu’elle est en réalité : un moyen de satisfaire un besoin (valeur d’usage) et un moyen de valoriser le capital (valeur d’échange).
L’existence matérielle de la marchandise est transcendée par le signifiant social de son existence.
MARCHANDISE ET « ANTE-MARCHANDISE »
A l’image de l’Antéchrist qui nie le Père et le Fils, qui n’agit qu’en fonction de sa volonté et qui ne fait que porter le Mal, l’ «anté -marchandise», la contrefaçon, détourne les règles de l’existence sociale de la marchandise tout en en adoptant les caractéristiques à l’image du Malin qui change de forme pour tromper le fidèle.
Comme l’Antéchrist qui tente le croyant le détournant de la foi, elle tente le consommateur et le corrompt au regard de la loi.
La contrefaçon est vécue, par les producteurs, qui voient leurs productions, détournées, comme de l’hérésie. A ce titre leur existence est niée, la contrefaçon doit être détruite comme « économiquement impures ».
La marchandise c’est le statut social de la production : on produit pour une demande solvable afin de réaliser la valeur produite et ainsi rémunérer le capital investi dans le processus de production.
La contrefaçon, l’ « anté-marchandise » est à la marchandise ce que la fausse monnaie est à la monnaie. La fausse monnaie peut, en effet, permettre d’acheter, si elle n’est pas détectée. L’ « anté-marchandise », la contrefaçon, permet de satisfaire le besoin de reconnaissance sociale du consommateur. De même que le faux monnayeur sait que sa monnaie est fausse, l’utilisateur de la contrefaçon sait que c’est une imitation de la marque. Mais qu’est ce qu’une imitation de marque sinon une signe social recherché par le consommateur qui n’est pas passé par le circuit « normal » de la production.
Dans les deux cas, il y a, bien entendu, transgression de la règle sociale, pas de l’image sociale. Or tout est fait par le producteur pour piéger le consommateur par une vision fantasmatique de l’objet… et il s’étonne qu’il ne soit intéressé que par cette illusion ?
Et puis, comble de perversité, la contrefaçon se glisse dans les habits marketing de la marchandise, la publicité, en épouse les formes, en profitant de ses appâts, au point que la publicité faite pour valoriser la marchandise lui profite… le crime est presque parfait.
C’est cette vision fantasmatique qui est à l’origine du délit de production de la contre façon et qui crée le délit d’achat de celle-ci…
BUCHER ET PENITENCE
Un tel crime de lèse marchandise mérite un châtiment exemplaire.
Dans l’acte de destruction des contrefaçons, que détruit-on exactement ? On ne détruite pas la valeur d’usage, en effet ces marchandises contrefaites pourraient remplir leur fonction de satisfaction des besoins. On ne détruit pas la valeur d’échange, elles pourraient parfaitement circuler sur le marché et même à des conditions plus avantageuses pour le consommateur (moins chère). Non, ce que l’on détruit c’est, à la fois le signe social qu’elles représentent, ou plutôt qu’elles usurpent, et d’une certaine manière les conditions économiques de leur production. La marchandise contrefaite existe dans sa structure mais nie la marchandise dans son existence sociale et économique, révélant ainsi, s’il en était besoin, le caractère spectaculaire de la marchandise.
Cet acte de destruction est d’abord et essentiellement un spectacle, consciencieusement mis en scène auquel est convié la masse des consommateurs via les médias : un bulldozer pour écraser des montres, autant dire un marteau pilon pour écraser une mouche. Ce que l’on met en spectacle ce n’est pas la destruction de la marchandise, mais de l’ « anté-marchandise ». La violation, par la contrefaçon, du caractère spectaculaire de la marchandise doit être compensé par le spectacle de son anéantissement. Cette destruction, sa forme, le symbole, évoque le bûcher purificateur et expiatoire sur lequel finissait au Moyen Age les sorcières et les hérétiques et autour duquel étaient conviés les fidèles qui auraient pu être tentés par hérésie. L’anté-marchandise est immolée. Il y a quelque chose de religieux dans la solennité cet acte.
C’est acte de destruction a une signification bien particulière : il est un avertissement au fameux « client-roi » ou « consommateur-roi ». Cet acte dit en substance « Consommez, consommez, mais pas dans n’importe quelle condition, vos désirs, vos fantasmes ne sont pas les vôtres, ils ne vous appartiennent pas, ils appartiennent à ceux qui les ont crées ». Quel aveu !
Au nom de la liberté du consommateur, la destruction de la contrefaçon est la mise en spectacle de sa propre aliénation.
DU CLIENT-ROI »… AU CONSOMMATEUR SUSPECT
Que cherche le consommateur dans l’achat conscient de la contrefaçon ? Une manière d’être, une volonté de reconnaissance sociale au travers d’une « marchandise impure », qu’il sait économiquement « impure », mais « peu importe le flacon pourvu qu’on ai l’ivresse ». Mais dans le système marchand tout est tarifé, y compris l’ivresse et le rêve.
La transgression de l’interdit est d’autant plus jouissive qu’elle joint l’utile à l’agréable. Elle permet, en effet, de profiter de la même « reconnaissance sociale » au travers de la possession de l’objet, que celle fournie par la marchandise « officielle », mais à un prix nettement inférieur. La tentation est grande et beaucoup y cèdent.
On comprend difficilement, ou trop bien, pourquoi des « libéraux » peuvent condamner une telle attitude qui est parfaitement conforme aux comportements rationnels du consommateur idéal qu’ils louent dans leurs théories.
Le châtiment, car il ne saurait ne pas y avoir de sanction, c’est outre la condamnation judiciaire, la détention d’objets contrefaits, la culpabilisation morale « vous participez à la destruction d’emplois ». Cette culpabilisation ne manque pas de sel de la part d’un système qui ne se préoccupe de la « destruction d’emplois » qu’à cette occasion !
De même qu’ils arguent d’une « qualité douteuse » des marchandises contrefaites. C’est certes vrai dans certains cas, mais est-ce la vraie raison de leur colère ? Et puis le consommateur n’a-t-il pas le droit de choisir, eux qui font de ce droit la clé de leur théorie de la consommation ? Et comment se fait-il que c’est justement dans ce cas qu’ils se préoccupent de qualité alors qu’ils rognent systématiquement sur la qualité pour réduire les coûts ?
La pression faite sur le consommateur pour acheter, sa manipulation par la publicité, son excitation par les modes ont crée une spirale incontrôlable par celles et ceux qui en sont à l’origine.
Alors, client roi ? Non, consommateur sous contrôle.
La condamnation de la contrefaçon par le système marchand c’est le pyromane qui crie au feu.
Patrick MIGNARD
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« LA PUB OU LA VIE »