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Tribunal de Beauvais, 19 décembre 2006. Nous sommes une cinquantaine à être venus soutenir L’Envolée, une nouvelle fois épinglée. L’administration Pénitentiaire (AP) reproche à ce journal - qui publie des témoignages d’enchristés sur l’enfer carcéral - son rôle de porte-voix. Quatre bafouilles publiées sont jugées diffamatoires. Du jamais vu : on a extrait quatre détenus - des longues peines - de leur cage afin de témoigner. Le déploiement de bleusaille est en rapport avec la dangerosité des fauves et le port ostensible du fusil à pompe est de mise. L’audience démarre sur les ÉRIS [1], créées en 2003 par le sinistre Perben. Commandos de matons anonymes, formés au tabassage, semant la terreur partout où ils passent... André Allaix, premier témoin, énonce rageusement les tortures que lui ont infligées les cagoulés (voir CQFD n°22). Son témoignage oscille entre chronique de guerre et film gore. « J’affirme que ces hommes sont des tortionnaires, des pervers, des barbares. Quand on vous écrase les couilles avec la main et qu’on vous met un doigt dans le cul, vous appelez ça comment ? » Le président écoute sans moufter, le proc’ plonge son nez dans le code pénal. Suit Didier Cadet, qui a passé cinq ans à la centrale de Clairvaux : « Un État dans l’État, ce qui se passe à l’intérieur reste à l’intérieur. » Il décrit l’arbitraire avec lequel l’ancien directeur dirigeait la taule, évoque les cris de douleur entendus à deux cents mètres à la ronde.
S’avance ensuite Laurent Jacqua, très à l’aise. Avec humour, il raconte lui aussi les sévices qu’il a endurés : « Le détenu, dans l’échelle sociale, il est en dessous du caniche. Depuis, moi, les animaux, j’peux plus les voir ! » Il nous balance comment on l’a laissé quasiment crever au fond du mitard alors qu’il est malade du sida. « Si j’avais fait ce qu’ils m’ont fait, j’aurais pris vingt ans ! Je n’ai pas été condamné à être torturé ! » Le dernier témoin, Xavier Vanlancker, a le verbe précis : « Dans chaque prison, à l’heure actuelle, il existe un petit Guantanamo. Nos peines sont subordonnées au mutisme. »Après ça, le proc’ a requis mollement, déclarant que les lettres publiées exagèrent. Il réclame une amende sans montant précis. L’avocate, elle, insiste sur l’hypocrisie des commissions d’enquête, qui dénoncent l’inhumanité régnant dans les prisons françaises. Elle s’indigne qu’on veuille étouffer la parole brute de vérité des taulards. Elle charge la justice, responsable elle aussi en condamnant à des peines toujours plus lourdes. Elle demande la relaxe pour L’Envolée et des dommages et intérêts. Délibéré le 20 février. Les personnes présentes n’oublieront pas ces fortes têtes défiant une AP qui, malgré un zèle mortifère, n’a pas réussi à les museler. Lorsque les emmurés vivants sont tirés hors de la salle, le public se lève, applaudissant à tout rompre. Et l’hommage se poursuit à l’extérieur alors qu’ils réintègrent le fourgon cellulaire. Merci les gars, à bientôt !
Publié dans CQFD n°41, janvier 2007.