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lu sur ac : " Voici les premiers constats de l’enquête effectuées à Montluçon par AC ! CUM sur une période de six mois Pendant plus de six mois les militants d’AC ! CUM ont tenu une permanence ’délocalisée’ devant les portes de l’ANPE de Montluçon. Pour tenir les usagers au courant de leurs droits, pour les informer, pour les aider à s’aider eux mêmes. En bref pour faire ce que nous faisons aussi dans notre local. Nous avons profité de l’occasion pour faire une enquête, faussement frivole, sur le vécu, sur les problèmes auxquels est confrontée la majorité des précaires et chômeurs et sur leur façon de gérer ces problèmes. L’enquête a pris une forme inspirée des tests à choix multiples. Nous disons ’faussement’ frivole, car derrière les questions et les réponses possibles (mais non exhaustives) ayant une formulation un peu rigolote se cachait une trame de questionnement sociologique assez étudié et très sérieuse. Nous avons pu la mettre au point grâce à l’expérience de la vie quotidienne des précaires que les collectifs AC ! ont accumulé à travers les années partout en France.
Nous avons osé poser les questions vitales.
Les préoccupations de cette partie (de plus en plus importante) de la société qu’on appelle ’les précaires’ tournent autour de l’essentiel. Comment je vais me nourrir, me chauffer, me loger, bouger ? Dans notre société, réaliser ces besoins nécessite la plupart du temps du travail salarié sous une forme ou une autre. Comment je vis cette condition de salarié et comment je vis son absence ? A qui je m’adresse en priorité si je n’arrive pas à satisfaire ces besoins ? Comment je réagis si ça devient vraiment dur de vivre cette insatisfaction ? Et comme cerise sur le gâteau : que ferais je de ma vie si ces contraintes n ’existaient plus ? Certaines des ces questions concernent évidemment tout le monde, mais elles sont sans doute plus exacerbées et plus urgentes chez les précaires.
Nous avons donc reçu des réponses vitales Il ne faut pas prendre les évidences pour trop évidentes
Depuis quelque temps, les vieux fantômes et fantasmes du ’chômeur profiteur’ et du ’rmiste richissime’ resurgissent, actuellement accentué encore plus par la frénésie électorale. Etant donné que le chômage se résorbe (en tout cas selon les chiffres officiels) et que la croissance et avec elle la bourse et l’économie en général se portent à merveille, l’existence de ces quelques chômeurs récalcitrants n’est explicable que de deux façons : ou il s’agit d’handicapés sociaux’ (si vous préférez des personnes très éloignées du marché du travail’) ou il s’agit de fraudeurs qui se la coulent douce avec la manne financière que leur procurent les ASSEDIC, la COTOREP ou la CAF sur le dos du pauvre contribuable ou pire, sur le dos des cotisations sociales qu’on extorque à nos pauvres entreprises déjà prises à la gorge par la concurrence mondiale. Le Point (hebdomadaire réputé sérieux et respectable) nous a déjà déniché un rmiste roulant en Alpha-Roméo. Vérifications faites par nos soins cette information s’avère tout à fait correcte, mais l’hebdomadaire Le Point a oublié de mentionner que le bolide de luxe en question date de 1989 et a par conséquent un peu perdu de sa valeur marchande. Pour les média et notre gouvernement la conclusion est simple : les quelques chômeurs encore ’en fonction’ sont des parasites vivant sur le dos des honnêtes gens et la seule idée qu’ils ont en tête est de faire perdurer cette situation hautement lucrative. Une analyse, même très concise, de notre enquête indique exactement le contraire. Pour 69 % des gens qui fréquentent l’ANPE de Montluçon, le rêve idyllique, le nec plus ultra du bonheur est simplement de trouver un ’vrai’ travail. S’ ils pouvaient atteindre cet état convoité, tant espéré (mais selon beaucoup d’entre eux quasiment inaccessible), 62 % d’entre eux se sentiraient ’enfin socialement utiles’. En outre 30 % d’entre eux s’enfoncent carrément dans la déprime s’ils sont au chômage et 27 % culpabilisent au point de se sentir ’socialement inutiles’. Quand nous disons que 69 % des interrogés souhaitent trouver un ’vrai travail’, il faut encore ajouter ceux pour qui se contente-raient ’d’un petit boulot’ (20%) ou de ’n’importe quel boulot’ (22%). De plus à la question « Que feriez vous si un revenu conséquent et sans contrepartie vous était offert ? », ils sont presque 5% à dire qu’ils chercheraient quand même du travail. Avec de tels chiffres peut-on encore croire au cynisme de ceux qui, soit disant, ’abusent du système’ ? La question n’est-elle pas plutôt : pourquoi le système fabrique tellement de ’désabusés’ ?
A quoi rêve le chômeur ?
Pour une grande partie d’entre eux c’est un rêve modeste : payer ses dettes. En effet, 43% indique cela comme la première chose qui changerait dans leur vie s’ils avaient un travail’. Cela pose, au-delà des questions du surendettement galopant des français en général et des pratiques plus que douteuses de certains usuriers ayant pignon sur rue et pub à la télé, la question de l’efficacité de notre système d’allocations de chômage ou d’allocations sociales. Est ce tout à fait normal que ces allocations soient limitées à un tel niveau que quasiment la moitié de leur bénéficiaires se trouvent dans la situation de gérer un ’budget négatif’ ? Une société où on doit prendre des emprunts pour assurer sa simple survie est-elle vraiment saine ? Selon les chiffres de l’enquête, en tout cas, on ne peut pas éluder le problème en parlant de « la nature foncièrement dépensière » du précaire.
Il n’y a rien à y faire : le pauvre est vraiment pauvre !
Plusieurs de nos questions étaient axées sur la possibilité de satisfaire ses besoins essentiels. Les résultats sont accablants : 45% des interrogés ont déjà eu des problèmes de payement de loyer, 35% ont déjà eu leur électricité coupée. Soyons clairs, le public visé et atteint par cette enquête n’était pas exactement celui qui vit, comme on dit, dans’ l’extrême pauvreté’. Ce n’étaient pas des ’marginaux’, c’étaient des usagers de l’ ANPE, des gens comme vous et moi, avec une seule caractéristique en commun : ils n’ont, momentanément, pas ou peu accès au travail salarié. Que cette seule caractéristique puisse engendrer de telles difficultés à satisfaire les besoins les plus élémentaires laisse songeur et est extrêmement inquiétant. On pourrait s’attendre à des réactions violentes contre une telle injustice. Ne nous dit-on pas qu’il faut se méfier, voir craindre, le pauvre ? Ne nous apprend-on pas qu’il est toujours prêt à voler, à se prostituer, à tricher, à trafiquer, à casser ? Eh bien non, d’après les résultats de l’enquête, le pauvre, même jeune, est plutôt sage. Il cherche, même confronté à une situation d’une extrême injustice, d’une extrême urgence, à s’en sortir par des moyens tout à fait convenables.
Le précaire est légaliste, sage et sait se sacrifier
Quand on lui coupe l’électricité il va rarement pirater une ligne ou rétablir lui même le compteur (5%), en général il se contente d’aller acheter des bougies (35%) en se mettant un pull de plus. Quand on le botte en dehors de chez lui, la solution qui lui vient à l’ esprit le plus souvent est d’aller voir (tardivement c’est vrai) son assistante sociale (48%) ou alors il retourne chez maman (23%). S’il n’a pas les moyens de se payer le transport il fait travailler l’huile de coude (ou de genoux) et il marche (44%) ou il se paralyse et reste chez lui (18%). Seuls 16% sont assez téméraires pour monter dans un car, un bus ou un train sans être muni d’un titre de transport réglementaire (même de façon exceptionnelle). Très, très peu des personnes interrogées correspondent au profil du profiteur qui se la coule douce en arnaquant la société en général. C’est vrai que 6% vont de temps en temps à la pêche, mais l’écrasante majorité est tranquillement malheureuse. Entre ceux qui dépriment devant la télé, ceux qui dépriment tout court, ceux qui s’embrouillent avec tout le monde et ceux qui se sentent "socialement inutiles", on atteint les 76%. Selon les résultats de notre enquête le précaire ou chômeur lambda n’a rien du pacha bien heureux, il a plutôt l’air de vivre dans un état de mal être permanent Faut il en plus le culpabiliser systématiquement ? Les subtiles (ou lourdes) insinuations de nos médias et de nos gouvernants, mais aussi les contrôles renforcés sont-ils nécessaires ? Ces contrôles mensuels (voir hebdomadaires dans certains cas) pendant lesquels le précaire est sensé prouver qu’il est un "bon chômeur", un "bon rmiste" sous peine de radiation sont ils vraiment utiles pour lui ? Vont-ils vraiment lui apporter quelque chose ? Statistiquement, selon nos résultats, pas réellement.
Pour s’en sortir le chômeur compte sur lui même !
59% des interrogés sont clairs et nets sur ce sujet. Pour trouver du ’vrai’ travail ils comptent sur eux même et sur eux même seulement. Il est vrai que l’ANPE (36%) et les bureau d’intérim (31%) se livrent une bataille acharnée pour ce qui reste. Mais apparemment ce qui en résulte ne sont guère que des contrats de courte durée, des emplois aidés, des contrats d’apprentissage ou des stages peu formant. Pour le sérieux, le chômeur a compris : ’aide toi toi-même, car personne d’autre ne le fera’. Ces résultats révèlent une situation relativement sombre, mais les chiffres de notre enquête ont-ils une valeur réelle ?
Nous ferons deux.trois.mille enquêtes
Sur le plan local la valeur de l’enquête est certaine. Avec plus de 350 réponses récoltées, parmi un public très ciblé et trié, nous avons largement dépassé les normes d’un ’sondage’ professionnel. Il nous reste à en faire une analyse sociologique plus sérieuse que ce petit compte rendu. Néanmoins, une question se pose. Bien que l’enquête soit valable localement elle ne l’est pas nécessairement au niveau national. En effet Montluçon est une ville de province relativement petite. Elle est aussi située dans une zone globalement rurale. Le vécu et la situation des précaires peuvent être très différents dans la capitale, dans une grande ville de province ou dans une ville de très petite taille. Nous ne le savons pas. pour l’instant. Mais, à l’intérieur d’AC !, l’idée a germé de répéter l’expérience de Montluçon dans d’autres villes. En premier lieu nous pensons à Limoges (ville de province de taille moyenne et universitaire), Bordeaux (ville de province de grande taille, universitaire et industrielle), Guéret (ville de province de très petite taille). Nous espérons pouvoir réaliser cette expérimentation dans les mois qui suivent afin d’affiner notre aperçu. Puis, nous espérons pouvoir élargir l’expérience vers Paris et au moins une de ses banlieues.
Et à quoi ça sert tout ça ?
Principalement à nous faire une idée de la façon dont les précaires eux même perçoivent leur situation. Plutôt que de se demander ’combien’ il y a de précaires en France et à quel ’taux de pauvreté’ ils sont exactement, nous nous demandons comment ils vivent leur situation, quels sont leurs espoirs, que veulent-ils, qu’attendent-ils de leurs vies et comment comptent-ils réaliser ces envies. Des résultats très étonnants sont déjà sortis de cette première enquête et de son premier dépouillement. Ainsi, nous avons constaté avec un certain étonnement que presque 22% des personnes interrogées se lanceraient dans une activité non salariée dans le secteur de l’humanitaire, du culturel ou du social s’ils en avaient les moyens. C’est plus d’une personne sur 5. C’est impressionnant et devrait nous faire réfléchir aux possibilités de développement du secteur non marchand de l’activité humaine.
Pourquoi laisser un tel capital humain, une telle envie de création inerte, simplement parce que le ’produit’ ne sera pas vendable sur le ’marché’.