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L'En Dehors


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L'enjeu des réformes du financement des retraites

Lu sur Puissance du salariat : "1.objectif des réformes en cours (à l'horizon de 2040) la société de longue vie : L'espérance de vie à 60 ans augmente d'un mois et demi par an : à âge de liquidation inchangé (60 ans en moyenne), la durée de la retraite va donc augmenter de 6 ans d'ici 2040, passant de 18 à 24 ans pour les hommes et de 23 à 29 ans pour les femmes. Cette évolution n'est pas nouvelle, et on y a fait face jusqu'ici en augmentant significativement la part des dépenses de pensions dans le produit national : de 5% en 1960 à 12% aujourd'hui.

Compte tenu, par ailleurs, d'hypothèses sur la natalité, l'immigration, le taux d'activité, le chômage et la productivité du travail, le Conseil d'orientation des retraites prévoit que, pour maintenir au cours des 40 prochaines années le taux de remplacement actuel du dernier salaire par la première pension (environ 80% pour une carrière complète) sans reculer l'âge de la retraite, il faudrait consacrer aux pensions 18% au moins du PIB en 2040, étant entendu que celui-ci aura doublé dans l'intervalle. Il s'agirait ainsi de passer de 180 milliards d'euros sur un PIB de 1500 milliards à une dépense de 600 milliards sur un PIB qui sera alors de 3000 milliards. En termes de cotisations sociales, cela supposerait de passer d'un taux de la cotisation vieillesse de 25% du salaire brut aujourd'hui (contre 8% en 1960) à 40% du salaire brut dans quarante ans.

interrompre la hausse du taux de cotisation sociale

C'est le Livre Blanc publié en 1991 par le gouvernement Rocard qui a initié une campagne sur la stabilisation du poids des cotisations sociales pour financer les retraites. Compte tenu que le rapport des inactifs de plus de 60 ans sur les actifs va doubler jusqu'en 2040, passant d'environ 4 pour 10 à 8 pour 10, refuser d'augmenter le taux de cotisations allant aux personnes âgées suppose un recul du taux de remplacement, ce qui est la voie choisie par les réformes Balladur et Raffarin : il devra passer de 80% (à carrière complète) à 66 %. Les méthodes utilisées depuis 1993 sont :

- la baisse du salaire de référence, en allongeant la période prise en compte et en actualisant les salaires portés au compte sur les prix ;

- la décote en cas de liquidation de la pension avant 65 ans, qui a un effet très fort sur les femmes, puisque leur carrière validée à 60 ans est d'environ 140 trimestres ;

- l'indexation des pensions déjà liquidées sur les prix (alors que le pouvoir d'achat des salaires nets augmente d'environ 50% sur la période).

- l'augmentation de la durée de cotisation pour avoir une carrière complète, de 37,5 à 42 ans d'ici 2020, ce qui se traduira par une multiplication des carrières incomplètes.

De telles mesures devraient conduire à un taux de remplacement très inférieur à 66% en 2040 et rend l'annonce gouvernementale très aléatoire : le Conseil d'orientation de retraites a calculé qu'en absence de hausse du taux de cotisation, le taux de remplacement sera en 2040 de 66% à condition que dans l'intervalle la durée du travail ait augmenté de plus de 6 ans, absorbant ainsi plus que les gains d'espérance de vie : la retraite durerait en moyenne moins qu'aujourd'hui, ce qui n'est pas vraisemblable.

C'est pourquoi deux types de mesures viennent compléter ce dispositif central afin de compenser une baisse insupportable du taux de remplacement :

- le taux de remplacement des bas revenus serait garanti par l'Etat à hauteur par exemple de 75% du SMIC ;

- des incitations fiscales encourageront l'épargne des actifs titulaires de revenus moyens et élevés, en utilisant en particulier les dispositifs d'épargne salariale.

Ainsi, c'est un double déplacement qui est recherché : le financement des pensions assuré jusqu'ici par le salaire, c'est à dire par le revenu d'activité, le serait de plus en plus par l'allocation fiscale ou par la rente tirée de placements financiers.

NB : comparé à ce tableau d'ensemble, le paradoxe de la hausse actuelle des cotisations dans le régime des exploitants agricoles (du fait de la mise en place du régime complémentaire) n'est qu'apparent. Il ne s'agit que d'un rattrapage partiel d'un retard important comparé au régime des salariés, et les cotisations prévues laisseront les pensions agricoles financées par cotisation sociale encore assez loin des pensions des salariés. En réalité, les revenus des exploitants retraités font déjà une large place à la rente ou à la solidarité fiscale que les réformes en cours tentent de promouvoir pour les salariés.

 

2. augmenter fortement les dépenses de pensions, ça n'est pas déshabiller Pierre pour habiller Paul et c'est bon pour l'économie !

La société de longue vie est une bonne nouvelle, pas un problème

Il faut récuser le terme de "vieillissement de la société" car il identifie indûment les sociétés à un individu qui irait vers la mort, et ainsi connote négativement un phénomène très positif : le fait d'être jeune de plus en plus longtemps dans des sociétés développées et d'y mener une vie autonome jusqu'à un âge de plus en plus avancé.

Une hausse sensible des dépenses de retraite ne pose aucun problème de financement

Comme le montre le tableau suivant, la nécessaire croissance des dépenses de pensions dans le PIB au cours des 40 prochaines années sera en décélération comparée à celle que nous avons connue dans les décennies précédentes. Il n'y a donc aucune raison que nous ne puissions opérer ce déplacement des ressources.

 

1960

2000

2040

PIB(en euros 2003)

750 milliards

1500 milliards

3000 milliards

Dépenses de retraites

40 milliards (5%)

180 milliards (12%)

600 milliards (20%)

Reste (en euros 2003)

710 milliards

1320 milliards

2400 milliards

 

On "oublie" toujours, quand on raisonne sur l'avenir des retraites, que le PIB progresse d'environ 1,6% par an en volume, et donc qu'il double, à monnaie constante, en 40 ans. C'est pourquoi nous avons pu multiplier par 4,5 les dépenses de pensions depuis 1960 (de 40 à 180 milliards) tout en doublant presque le revenu disponible pour les actifs ou l'investissement (de 710 à 1320 milliards). Nous pourrons évidemment plus que tripler les dépenses de pensions d'ici 2040 (de 180 à 600 milliards) sans que cela empêche le reste du revenu disponible de passer de 1320 à 2400 milliards.

Dans le long terme et dans une société au travail aussi qualifié que la nôtre, on peut habiller Pierre tout en habillant Paul. Un autre exemple numérique simple permet de le comprendre :

- actuellement, nous avons 10 actifs pour 4 retraités. Ils produisent 100. Cela fait donc 7 par personne (100 : 14)

- dans quarante ans, nous aurons 10 actifs pour 8 retraités. Ils produiront 200, soit 11 par personne (200 : 18).

Non seulement c'est possible, mais c'est nécessaire

Continuer à contenir la croissance des dépenses de pensions comme le font les réformes entreprises depuis dix ans (les pensions ont perdu 1% de pouvoir d'achat au cours des dix dernières années) fait que les gains de productivité du travail ne retournent pas aux travailleurs sous forme de rémunération du temps libéré. Ces gains pourtant existent, et la valeur supplémentaire créée va alimenter l'accumulation financière. Il y a un lien étroit entre la stagnation des revenus liés au travail, qu'ils soient directs comme les salaires directs ou les revenus d'exploitation nets de cotisations, ou indirects comme les prestations sociales, et l'inflation financière des années quatre-vingt-dix, source de tant de maux dans les pays de la périphérie d'abord et aujourd'hui chez nous.

Face à cette dérive il est indispensable que plus le travail est productif, plus la valeur produite soit retournée aux travailleurs en étant affectée à l'inactivité, qu'il s'agisse de la baisse de la durée hebdomadaire, de la retraite, des études.

 

3. pourquoi choisir la hausse des cotisations sociales pour financer la croissance des dépenses de pensions ?

Non seulement les réformes engagées depuis dix ans tournent le dos à la nécessaire croissance du poids des pensions dans le PIB, mais elles s'attaquent à la cotisation sociale et tentent de lui substituer l'impôt de solidarité ou la rente dans leur financement. La cotisation est pourtant préférable aux deux autres modalités.

La solidarité nationale : le droit des pauvres à la place des droits du producteur

Mettre sous la puissance tutélaire de l'Etat des personnes ou des groupes sociaux posés comme victimes ou définis par leur manque empêche de reconnaître leurs droits en tant que producteurs des richesses. La profession agricole s'est ainsi habituée à se tourner vers l'Etat : depuis la création, tardive, des régimes de sécurité sociale, la fraction la plus riche des exploitants prend le prétexte de la pauvreté des autres pour s'opposer à la hausse des cotisations et légitime un large financement fiscal du régime. Le subventionnement des productions, et pire encore, des exploitants, avec les réformes successives de la PAC jusqu'au découplage en projet, procède de la même logique de solidarité nationale opposée à la reconnaissance dans les prix de la valeur du produit du travail. On sait la fragilité de droits ainsi financés. En 2002 par exemple, la hausse des volumes produits en agriculture (+ 3,5%), inférieure à la baisse des prix (- 3,6%), n'a pu empêcher une baisse de 1,8% du revenu net des entreprises agricoles par actif non salarié, baisse qui aurait été bien supérieure si le nombre des exploitants n'avait pas diminué de 2,7% !

Dans la même veine, s'agissant cette fois-ci des salariés, remplacer pour ceux qui sont payés au SMIC une règle générale fondée sur la qualification, qui leur assurait avant les réformes un taux de remplacement de 100% pour une carrière complète, par une règle spécifique qui confie à l'Etat le soin de leur garantir un taux de remplacement à 75 ou 80 % supérieur à la moyenne de 66% à venir, et cela en invoquant la faiblesse de leur revenu, montre combien remplacer le droit du travail par la solidarité nationale rend plus fragile le droit au revenu.

Epargne-retraite et nouvelle légitimité du droit de propriété lucrative

Pour les actifs titulaires des revenus plus élevés, l'actuelle parité entre actifs et retraités, mise en cause par la baisse attendue du taux de remplacement, pourrait être sinon maintenue du moins approchée par des incitations fiscales à des dispositifs d'épargne.

Or, contre une idée reçue, quelqu'un qui épargne ne finance pas sa propre retraite. La valeur, comme la monnaie qui l'exprime, ne peut pas se mettre en conserve. Seuls les biens durables qui servent à la production (et qui font l'objet d'un amortissement comptable sur quelques années) peuvent transmettre de la valeur d'une année sur l'autre ; mais l'essentiel des biens et services que nous produisons perdent leur valeur en cours d'année. Quand donc on épargne des titres financiers, on accumule non pas de la valeur qu'on remettra en circulation quand on liquidera son épargne, mais des droits sur la valeur créée au moment de cette liquidation. Les 600 milliards d'euros nécessaires pour financer les retraites de 2040 seront forcément produits en 2040 par les actifs de 2040. Si c'est la cotisation qui les finance, cela signifie que les retraités ponctionneront la valeur créée par les actifs au nom du droit du travail, qui détermine les règles de calcul des pensions. S'ils ont épargné dans des fonds de pensions, ils ponctionneront aussi la valeur créée par les actifs bien sûr, mais cette fois-ci au titre du droit de propriété lucrative.

Cette remise en selle du droit de propriété lucrative est particulièrement critiquable. C'est ce droit (à bien distinguer du droit de propriété d'usage !) qui est au fondement de la ponction rentière des capitaux des fabricants de semences ou de la grande distribution alimentaire sur la valeur produite par les travailleurs de l'agriculture. C'est lui qui est à la base de la ponction par les actionnaires de la valeur produite par les salariés. Tout ce qui conduit à remplacer la cotisation par la rente dans le financement des pensions fait des salariés et des exploitants les supplétifs, comme retraités, d'un droit qui nie leur travail comme actifs.

La cotisation sociale et l'invention d'un nouveau fondement du droit à ressources pour les inactifs : le droit du travail

Face aux deux ressources traditionnelles des inactifs, l'assistance et la rente, la cotisation sociale finance les pensions d'une manière particulièrement heureuse, et cela pour deux raisons :

- elle pose clairement le travail au fondement de la circulation des ressources, tout en déconnectant le droit à ressources de l'implication immédiate dans le travail. Les salariés ne mettent leur travail subordonné à la disposition de leurs employeurs qu'à la condition que ceux-ci leur payent, par la cotisation sociale, le temps librement utilisé de leur retraite. Les travailleurs indépendants incluent dans leur prix de vente le financement du temps de leur retraite (et c'est quand ils cotisent trop peu qu'ils sont insuffisamment combatifs sur leurs prix).

- elle montre le caractère parasitaire du droit de propriété lucrative : un "investisseur" n'apporte rien d'autre que le droit de ponctionner la valeur créée par autrui en vendant ou en plaçant ses titres financiers, activité parasitaire dont les régimes en répartition montrent depuis cinquante ans qu'on peut parfaitement se passer pour financer des engagements aussi massifs et de long terme que les pensions. A fortiori, sur le modèle de la cotisation sociale, un versement d'une partie de l'excédent brut d'exploitation des entreprises à des caisses d'investissement permettrait de répartir chaque année la valeur nécessaire au financement de ce dernier sans recourir à l'épargne. Ainsi, on éliminerait la ponction rentière (car le taux d'intérêt serait inutile, tout comme les prestations sociales sont distribuées sans intérêt) et on restituerait à ceux qui travaillent le droit de décider de ce qui est produit, droit aujourd'hui confisqué par les actionnaires, les donneurs d'ordre, les fournisseurs ou les clients en situation de monopole.

 

Conclusion

En définitive, face aux réformes en cours depuis dix ans, nous sommes placés devant le même défi que celui qu'ont affronté les pionniers de la mutualité sociale agricole dans les années cinquante et soixante, ou les pionniers de la sécurité sociale quelques années avant : parier que le droit du travail est un meilleur fondement du droit à ressources que le droit de propriété lucrative ou le droit à la solidarité nationale, et pousser à la hausse des revenus du travail afin d'augmenter les cotisations sociales. Certes, les gouvernements successifs sont maintenant contre cette dynamique qu'ils appuyaient il y a cinquante ans, mais nous disposons d'un atout considérable : la preuve de la réussite des régimes en répartition.

Bernard Friot

Conférence à l'Assemblée Générale de la MSA-16, Angoulème 20 mai 2003. L'objet de l'intervention est d'argumenter en faveur d'une hausse substantielle des cotisations sociales, tant pour le régime des exploitants que pour celui des salariés.

Ecrit par libertad, à 22:51 dans la rubrique "Pour comprendre".



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