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L'eau monte
--> Prix de l'eau, entre vagues d'augmentations et flots de mensonges
DANS SON NUMÉRO du mois de novembre, la revue Que Choisir s'est penchée à nouveau sur la problématique du prix de l'eau, étant entendu que celle-ci recouvre deux composantes, la distribution d'une part, et l'assainissement d'autre part.

Conclusion de l'enquête menée par ce magazine, d'une manière générale les particuliers d'un certain nombre de grandes villes se font pomper leur fric d'une manière éhontée. Au palmarès des villes expertes dans l'art d'assécher leur porte monnaie, Toulouse, Reims, Lyon, Marseille se bousculent pour monter sur le podium. Ce voyant, le Sdif (Syndicat des eaux d'Île-de-France) piqué par la jalousie, s'est débrouillé pour se jucher sur la plus haute marche avec un taux de marge global (distribution et assainissement) de 58,7
Petite anecdote, il paraît que son président, le sieur Santini, a émis un gros rot de satisfaction entre deux volutes de cigare (le lascar en pétune pour près de 1 000 euros par mois)
Sitôt publié ces chiffres ahurissants, les élus locaux concernés, la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies) et les requins du secteur, principalement Véolia et la Lyonnaise des Eaux ont couiné comme des rats (d'eau évidemment) et balancé moult explications vaseuses pour noyer le poisson. Las, les chiffres sont têtus et dûment vérifiables ainsi que le démontre Que Choisir, aussi leurs ratiocinations ne sauraient émouvoir quiconque, fut-ce un simple têtard. Comme il était prévisible, après avoir entretenu une vague agitation en surface, les médias ont tiré la chasse d'eau pour faire disparaître ces faits dégoûtants dans la fosse aux eaux usées qui leur sert de pataugeoire quotidienne.
L'eau n'a pas de mémoire, cependant, un simple plongeon en arrière nous éclairera sur la manière adoptée par les capitalistes avec la complicité des élus de la République (oh que c'est beau!) pour faire de l'eau un de leurs royaumes. Les régies publiques communales, fortes d'une prérogative qui remonte à 1789, assumaient majoritairement jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale les services d'eau et d'assainissement pour le compte d'une majorité de la population en France. La paix revenue, la conjugaison de l'accroissement des besoins du pays en eau et les dispositions réglementaires qui caractérisaient le statut des régies municipales, par exemple l'impossibilité qui leur était faite de constituer des réserves d'investissement, vont complètement bouleverser la donne. Après avoir rôdé leurs compétences techniques pendant une dizaine d'années, à partir du milieu des années cinquante, un petit nombre de groupes privés fourbira un nouvel argument de séduction auprès des collectivités locales. En l'occurrence, ces assoiffés de profits charmeront les oreilles des élus en leur vantant leur talent dans un domaine qui allait faire florès par la suite, celui de l'« ingénierie financière ». Le procédé a été (comme il l'est toujours) invariable.
Le privé troque son apport en capital contre une délégation dans le service de l'eau (distribution et/ou assainissement) pour un certain nombre d'années. Le retour sur investissement, calculé par nos as de l'arnaque il va s'en dire, a pour objectif la recherche d'un amortissement rapide de l'apport initial, puis de dégager fissa un maximum de profits. Sincèrement point n'est besoin d'être... sourcier pour élucider le non mystère des « fameuses » marges, non? Nombre d'« élus de terrain » acceptèrent avec empressement ce baiser de la mort, soit par naïveté, soit par vanité, ou bien plus prosaïquement parce que cela permettrait de renflouer certaines caisses (n'est-ce pas monsieur Carignon?). Fin du premier acte.
À peine avalé ce premier flot d'enivrant liquide, nos saigneurs de l'eau jetèrent leur dévolu sur l'énergie, les déchets, les transports, le chauffage, la restauration collective, la santé, les parkings etc. À nouveau, leur danse du ventre fonctionna à merveille tant ils surent trouver de solides relais dans les plus hautes instances du pouvoir, comme l'on dit couramment. À dresser la liste des hiérarques de l'UMP et du PS qui alternent entre une gamelle chez tous ces grands prédateurs et une écuelle au gouvernement, toutes les pages du ML n'y suffiraient pas, par contre nous l'aurions pollué salement, aussi nous ferons volontiers cette économie d'encre et de papier.
Toujours dans le registre des eaux usées, l'effluent Borloo se lamente car Bruxelles agite son gros bâton et menace d'infliger une amende de près de 400 millions d'euros à nos néo « révolutionnaires verts » En effet, la France n'est toujours pas en règle avec la directive ERU de 1991 (Eaux résiduaires urbaines) laquelle prescrit une mise aux normes de toutes les stations d'épuration pour tous les pays de l'UE. Or, sur mille grandes stations, 146 d'entre elles, représentant 36 millions d'équivalents habitants, ont plus besoin de travaux que de gesticulations. Faut-il vous faire une aquarelle? Nous avons compris que le prix de l'eau n'en finira pas d'augmenter encore et encore, et cela vaudra jusqu'au jour où nous saurons leur faire boucler leur claque-merde.

Sami Chemin

Monde libertaire # 1494 du 15 novembre 2007

Ecrit par libertad, à 12:49 dans la rubrique "Ecologie".



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