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Accaparé
de manière tout à fait abusive par la vulgate alternative et libertaire, le concept
sert à nommer des initiatives et pratiques de toutes sortes…. dénaturant trop
souvent son contenu.
L’autogestion
se pare d’un halo d’autonomisation,… mais qu’en est-il réellement ?
« Autogestion » signifie « autonomie de gestion » ou
« autonomie dans la
gestion »,… Mais autonomie par rapport à quoi ?
Est-ce
par rapport au contexte économique général ? Cela risque d’être difficile,
à moins d’être dans une « niche économique », complètement isolée,
d’être en autarcie par rapport au système dominant.
Est-ce
par rapport à des principes de gestion. Dans ce cas lesquels ? Sur la
répartition des revenus issus de la production ? Sur la gestion du
personnel ? Du capital – investissement ? C’est le cas de nombreuses
structures de types coopératives. Mais peut-on dire que les coopératives
font de l’autogestion, ou sont en autogestion ?
Sur
le plan interne, certainement, du moins dans une certaine mesure (contrainte du
droit du travail par exemple), mais formellement, tout autre entreprise même
« capitaliste » est en principe en « autonomie de gestion »
– paradoxalement seule l’entreprise « nationalisée » ne l’est pas.
Sur
le plan externe c’est encore plus problématique car, une entreprise, quelle
qu’elle soit ne peut pas « isoler » sa gestion des contraintes du
marché,… même les coopératives.
Il
y a cependant une caractéristique essentielle que l’on retrouve dans les unités
de production dites « autogérées », c’est celle qui
fonde le principe « coopérativiste » : le producteur, le
« coopérant », non seulement a un pouvoir de décision indépendant du
volume de capital apporté, mais encore participe directement aux décisions et à
la gestion de l’entreprise. Ce principe, en rupture avec le fonctionnement de
l’entreprise classique « capitaliste », s’accompagne d’une autre
condition : l’essentiel du capital est détenu, en principe, par les
coopérants.
- être une
entreprise qui veut de manière interne se
libérer des principes classiques de fonctionnement de l’entreprise capitaliste,
mais être totalement soumise, quant à sa vie et sa survie, à ce même
système ;
- être ferme d’une
part sur les principes « coopératifs »
de fonctionnement – en matière de gestion du personnel par exemple – et ainsi
courir le risque de disparaître, et d’autre part se plier aux lois du système marchand et imiter les autres
entreprises classiques.
La
situation est-elle irrémédiablement bloquée ?
A
priori oui, tant que ne changera pas le contexte économique dans lequel évolue
l’entreprise «autogérée »… Le risque est même grand de la voir dégénérer,
soit dans le sens de sa disparition, soit dans le sens de sa mutation en une
entreprise classique…. Ce qui est arrivé durant le 20e siècle à de
multiples « coopératives »… au point de rendre le « système des
coopératives » suspect.
Il
y a indubitablement opposition entre les deux, quoiqu’elles cohabitent,… par la
force des choses.
La
question se pose donc : l’entreprise « autogérée », au
sens où nous l’avons définie, peut- elle être un instrument de dépassement
de l’économie de marché ?
Nous
l’avons vu, l’adversaire le plus redoutable de l’entreprise
« autogérée », c’est le contexte économique, dans lequel elle évolue.
Peut-elle
le faire évoluer dans le sens de son dépassement ?
Jusqu’à
présent, historiquement, et en ne s’en tenant aux faits, on ne peut réponde que
par la négative, le système ayant toujours réussi à soit intégrer, soit
détruire les expériences tentées.
Multipliée,
généralisée, fédérée à d’autres, élément essentiel de la constitution de
réseaux alternatifs de production, de consommation, d’échanges, l’entreprise
« autogérée » est à la fois la pièce maîtresse de ce nouveau monde
que nous voulons construire, un élément essentiel du pourrissement et de
l’obsolescence du système actuel, et un lieu dans lequel doivent se former, se
forger et se développer les nouvelles pratiques sociales et solidarités.
L’encensement
de l’autogestion, de même que sa condamnation pour utopie, non seulement ne
permettent pas d’avoir une conception objective de ce qu’elle peut-être et
surtout permettre, mais encore déforme les possibilités qu’elle peut offrir
dans la perspective stratégique du changement social.