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CHAQUE GRAND RAOUT officiel dont l’objectif affiché est de nous sauver la planète, l’énergie nucléaire fait figure de parent propre, comparée à toutes ces fumées noirâtres à effet de serre. L’atome ne fut-il pas soigneusement épargné lors du très médiatique Gredin de l’environnement ? « Il y a des dossiers stratégiques qui ne devaient pas rentrer dans le Grenelle, avouait le sénateur UMP Jean Bizet en janvier 2008. Il fallait en sortir le nucléaire, ça a été fait. »
Au sommet de Copenhague sur le climat, qui se tiendra au Danemark du 7 au 18 décembre, les nations invitées s’évertueront à espérer une prochaine réduction des émissions carboniques. Évoquant cette rencontre, Nobuo Tanaka, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie [1] estimait récemment que le nucléaire peut être « non pas la seule solution mais une partie très importante de la solution ». Et il prophétisait : « La renaissance du nucléaire est en cours. L’énergie nucléaire va jouer un rôle beaucoup plus important à l’avenir. » Donnant raison à Môssieur Tanaka, l’Allemagne, pourtant pionnière dans la dénucléarisation, a récemment retourné son tablier de plomb. En 2002, le gouvernement de Gerhard Schröder avait imposé une disparition de l’atome du paysage énergétique pour 2020. C’était sans compter sur Angela Merkel et ses partenaires libéraux du Freie demokratische partei (FDP), qui viennent de prolonger la durée de vie des centrales teutonnes de dix ou vingt ans, sous prétexte que leur arrêt aurait dû être compensé par l’utilisation d’énergies impliquées dans le réchauffement climatique.
L’alibi fallacieux de l’innocuité environnementale de l’atome permet aux États de refaire une beauté au nucléaire – à condition de l’enrichir aux énergies renouvelables pour rester dans le vent. Ô joie (toujours renouvelée) de la novlangue ! : le tout est regroupé sous la douce appellation « d’énergie non carbonée ». Selon la campagne internationale Don’t nuke the climate [2], lancée en vue de la conférence de Copenhague, « le nucléaire, pourtant exclu à juste titre des mécanismes du protocole de Kyoto, a refait surface », précisant que « de nombreux pays souhaitent que l’énergie nucléaire puisse bénéficier de financements par les pays industrialisés dans le cadre des futures actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays en développement ». Selon le réseau Sortir du nucléaire, cette proposition est défendue – entre autres – par la France, pays précurseur qui, en 2007, promettait au dictateur libyen Mouammar Kadhafi une centrale nucléaire pour –ce n’est pas une blague – « désaliniser l’eau de mer ».
Cette hypothétique subventiondu nucléaire préfigure une joyeuse prolifération planétaire qui,au regard de l’état de la filière française, peut légitimement faire craindre le pire. Notre ministre écolo-picolo Borloo augurait qu’ « à Copenhague se jouerait probablement le destin du monde ». Ce héraut de la lutte contre le réchauffement climatique, qui s’est dernièrement fait le chantre de la voiture électrique –donc à 80% nucléaire–, feint d’ignorer que le « destin du monde » se joue aussi dans la cour radioactive. Et elle est en bien mauvais état ! Début novembre, lors d’une opération de déchargement du combustible dans la centrale du Tricastin (Drôme), une des plus vieilles en France, une barre d’uranium est restée accrochée au système de maintien. « Il faut croiser les doigts pour que l’assemblage ne tombe pas ! », a déclaré un agent de la centrale à Reuters. Et il s’agit d’une multi-récidive, puisque le même incident a eu lieu en septembre 2008 au même endroit,et en août 2009 à Gravelines (Nord). Si on ajoute à cela des amas de déchets nucléaires qu’EDF laisse croupir en toute opacité sur un terre-plein en Sibérie, un logiciel de contrôle des nouveaux réacteurs EPR pas très fiable, un développement exponentiel de la sous-traitance dans les centrales, il y a de fortes chances pour que tout ça finisse par se réchauffer… brutalement.
Article publié dans CQFD n°72, novembre 2009.
[1] L’AIE, organisation internationale qui facilite la coordination des politiques énergétiques de ses pays membres.
[2] Qui ne signifie pas « Ne pas niquer le climat » comme on pourrait l’imaginer, mais bien « Ni nucléaire, ni effet de serre ». www.dont-nuke-the-climate.org.