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Lu sur : @patride « Cette interview m’a fait particulièrement plaisir car cela fait quelques temps qu’Ovidie est quelqu’un dont j’apprécie beaucoup le travail et les idées.
En effet j’ai toujours regretté qu’un milieu prônant la liberté sexuelle (je parle du milieu anarchiste) condamne souvent en bloc la pornographie, plutôt que d’essayer d’en faire quelque chose de subversif. Ovidie a fait cela (elle n’est pas la première, le Cinéma porno-féministe existe aussi aux Etats-Unis , mais il me semble qu’elle est la première à le faire en France) et cela semble donner des idées à d’autres personnes, ce qui est encourageant, et de plus sa personnalité est intéressante, loin des clichés de l’actrice porno superficielle et stupide.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Ovidie, 22 ans, mariée sans enfant mais un chien, comédienne, réalisatrice, travaillant dans le cinéma pornographique depuis plus de trois ans, auteure d’un essai sur le féminisme et la pornographie (Porno Manifesto, chez Flammarion).
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Comment est tu rentrée dans le porno ?
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J’ai pris ma décision à 17 ans. J’ai attendu d’avoir 18 ans et je suis allée me présenter chez le plus gros producteur de films pornographiques français. Je lui ai expliqué mes motivations. Je lui ai dit que j’avais conscience des conséquences énormes que cela pourrait avoir sur mon quotidien. Quelques semaines de réflexion plus tard je jouais dans mon premier film.
Parle-moi de ton passé à no pasaran, pourquoi l'a tu quitté ?
J’ai été militante active de 1994 jusqu’au début 1998 (pas seulement au scalp d’ailleurs).
Je suis partie pour des tas de raisons.
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La première c’est que comme le dirait ce brave Théodore Kascinsky (j’ai fait une faute mais je sais pas où), la plupart des militants de ce type de milieu ne font que combler leur trouble de l’auto-accomplissement. La plupart sont militants comme il seraient inscrits au club du bouledogue, c’est à dire pour avoir une activité sociale qui en plus leur permet de canaliser leur mécontentement vis à vis de la société capitaliste. Leur énergie négative est parfaitement régulée et se manifeste par des actes militants inutiles (réunion sur l’anti-racisme, manifestation encadrée dans la rue, etc) au lieu de se laisser exprimer sauvagement. La révolution ne peut se faire qu’à partir de révolte de travailleurs et autres actes de ce type et non en ouvrant des bars autogérés, en chantant des textes anti-le pen sur des airs de ska, ou en participant à des campings libertaires (je précise que j’ai moi-même participé à tout cela et je ne m’en fais pas une gloire). Même si l’on ne doit pas faire que des actes révolutionnaires (ça peut-être plaisant de chanter des textes politiques sur de la musique ou être dans un bar autogéré avec des copains), il est indispensable de ne pas s’illusionner sur la pseudo-dimension subversive de nos actes. Ces actes-là ne sont pas subversifs, mais simplement plaisants. Tout comme il est plaisant de faire le métier que je fais bien qu’il ne soit pas révolutionnaire (bien que certains travaux puissent être subversifs). Les quelques militants anarchistes pour lesquelles j’ai encore du respect sont par exemple certains autonomes allemands et autres personnages du même type.
L’autre raison est que je suis peut-être trop rouge (certainement par constat que beaucoup de militants anarchistes ont une attitude individualiste voire ultra-libérale dans la gestion de leur propre vie). Je ne suis pas assez réformiste (focaliser sur des luttes périphériques comme l’antiracisme ou l’anti-pornographie ou que sais-je ne réglera jamais les problèmes sociaux de fond et reste à mes yeux une attitude réformiste. C’est donner des cachets d’aspirine à un malade souffrant d’une tumeur au cerveau.)
Et anecdotiquement, je suis une fervente défenseuse du féminisme pro-sexe (et donc également des métiers du sexe et de la pornographie) donc une ennemie aux yeux de certains de ces milieux. Je suis également anti-spéciste vegan, ce qui à l’époque n’était franchement pas bien vu (peut-être les choses ont-elles changées ?).
On t'a vu au vort'n vis et au squatt le 13, qu'est ce qui te plaît dans le milieu alternatif ?
Juste pour précision, je préfère largement un lieu comme le 13 plutôt que d’autres comme le vort n’ vis car il n’y a pas de dimension marchande. Et les fréquentations y sont plus à mon goût. Un punk là-bas ne me prendra pas la tête alors qu’un gamin en baggy pourrait s’autoriser à le faire. Je suis issue de la scène punk, et c’est vrai que même s’il y a beaucoup de critiques à faire, je la trouve plus sincère et cohérente que la scène hardcore pour les raisons que je vais évoquer dans la question suivante.
Sinon j’y vais pour la musique puisque c’est dans ce genre d’endroit que se joue la musique que j’écoute. Et en plus j’ai un mode de vie straight edge, ce qui est également le cas de certaines personnes dans ce milieu. Sinon, les concerts en Belgique c’est bien car on peut s’y ravitailler en fromage vegan !
Dès que tu vas à un concert, toute la salle est au courant, c'est pas un peu lourd ? la célébrité te plaît-elle ?
Faire ce métier signifie subir une pression sociale quotidienne. Y compris dans le milieu dit « alternatif ». Surtout dans ce milieu, j’ajouterai. Jusqu’à présent je n’ai pas eu de problème grave, juste à une ou deux reprise où mon poing a faillit atterrir dans la face de quelques kids. Le fait que toute la salle soit au courant a des effets positifs et négatifs. Le positif c’est que ça facilite les discussions (on vient énormément me parler à chaque concert) qui peuvent parfois être intéressantes et déboucher (rarement, mais c’est déjà arrivé) sur une relation d’amitié ou de simple copinage.
Le négatif c’est que je dois prendre à chaque fois énormément de précautions pour prévenir tout dérapage (être toujours très entourée et protégée, etc). Il n’y a en général que des réactions positives de la part du public. Mais il n’est pas impossible qu’un jour un gros beauf coreux se sentent le droit de me draguer d’une manière insistante voire pire sous prétexte qu’il ne fera pas la différence entre film et réalité et imaginera que je suis une « fille facile ». Ce qui n’est franchement pas le cas. Il n’est pas non plus impossible que des militants ignorants se permettent de me prendre la tête en me recrachant leur discours appris par cœur à propos de la pornographie.
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Autre conséquence néfaste de la pression sociale au sein de ce milieu : vu que tout le monde se croit permis d’avoir un avis sur tout et que la scène hardcore est synonyme de « ragots de chiottes and co. », il arrive souvent que des rumeurs me reviennent jusqu’aux oreilles. On m’a déjà prêté des liaisons et autres histoires de coucheries avec des gens que parfois je ne connais même pas ! Je partage actuellement une relation émotionnelle forte avec quelqu’un impliqué dans ce milieu, et il n’a pas fallut plus d’une semaine pour que cela fasse le tour des concerts de toutes la France, par exemple…
Quelle est la différence selon toi entre un de tes films et un film porno classique ? pourquoi y-voit-on des scène de sexe hétéro et lesbien mais pas homosexuel ?
Dans Porno Manifesto j’ai écrit quelques pages sur mon deuxième film Lilith en y expliquant en quoi je le considère comme féministe pro-sexe.
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J’essaie de faire des films qui me correspondent (la première scène sexuelle du film est une longue scène hétéro, où les deux partenaires jouissent, mais où il n’y a pas de pénétration, ce qui est rare dans les autres films. L’éjaculation de l’homme arrive au milieu de la scène et non à la fin, histoire de montrer que la relation sexuelle ne se limite pas à l’éjaculation. C’est un exemple, le reste du film est de ce type). Cela dit, il existe des tas de films de très grande qualité et il y a également un cinéma pornographique féministe pro-sexe depuis plus de 20 ans. Je ne prétends donc pas révolutionner un cinéma qui ne m’a pas attendue pour exister !
Que penses-tu du parallèle souvent établi entre le métier d'acteur porno et celui de prostitué(e) ?
L’acteur et l’actrice de films pornographiques sont des comédiens. Cela signifie qu’ils participent à la construction d’un spectacle et non d’une réalité. Ils ne vendent pas un service comme le/la prostitué/e mais une image. Lorsque je fais un film, je ne vends pas ma force de travail (je ne suis pas payée à la pratique ni au temps ou que sais-je encore) mais je vends le droit d’autorisation de mon image et fixe un cachet en fonction de ce qu’elle va rapporter. Je vends exactement la même chose que n’importe quel autre type de comédien (une scène de sexe n’est pas une réalité mais une scène de comédie. Cela prend en général plusieurs heures à tourner pour environ 5/10 minutes gardées au montage. Cela relève de techniques cinématographiques, aussi misérables les gens peuvent-ils les trouver).
D'après ton expérience que penses-tu de la manière qu'on les médias officiels de parler du X ?
Comme je l’ai écrit dans mon livre, « la télévision remplit ces deux fonctions : elle est à la fois pute et flic ». Elle vend du sexe, mais continue à normaliser la sexualité des spectateurs afin que ceux-ci ne vivent plus qu’une sexualité médiatisée et non une sexualité réelle. Elle crée des faux désirs et des phénomènes de mode (échangisme, soirées SM, etc).
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Par rapport au cinéma pornographique, elle ne fait que véhiculer des clichés mensongers. Elle se donne bonne conscience en nous critiquant, ce qui lui permet de continuer à vendre du sexe en toute impunité. Elle dit : « nous vendons du sexe, mais c’est toujours moins pire que ce que vendent les abominables exploiteurs de chair fraîche du X ».
Tu es chez marc Dorcel, tu n'a pas l'impression des fois d'être sa caution intellectuelle ? les films produit chez lui sont souvent loin d'être des monuments de féminisme, ça t'embête pas ? t'as jamais pensé à monter ta propre boîte ?
Je ne suis plus chez Marc Dorcel. Je suis à la recherche d’un nouveau producteur (pour info c’est moi qui suit partie).
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Je ne suis pas sa caution intellectuelle puisque il n’y a aucune dimension intellectuelle explicite dans mes films. Marc a apprécié mon travail, il ne faut pas chercher plus loin que ça. En plus il se contrefiche d’une quelconque acceptation sociale par la dimension intello. A la rigueur s’il y en a qui se servent de moi de cette manière, ce sont les médias qui m’invitent pour parler de mon discours sur la pornographie mais surtout pas de mes films comme le ferait n’importe qu’elle autre comédienne.
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Je n’ai jamais monté ma propre boîte car je ne suis pas une business woman. En plus je me casserais la gueule économiquement car le cinéma pornographique européen est moribond.
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Tu as des clauses bien précises dans ton contrat, peux-tu les rappeler ? Ont-elles été dures à faire accepter ? (Ovidie m’a recontactée suite à cette question, en me précisant qu’elle n’avait jamais travaillé sous contrat, même en tant que réalisatrice)
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Je n’accepte que les rôles qui me conviennent. Je participe en général à la construction de la scène. Je tourne exclusivement en safe sex (préservatif, contrôle HIV toutes les trois semaines, pas d’éjaculation sur les zones à risque, pas d’anal sauf avec objet).
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Toutes ces conditions ne m’ont pas empêchée de tourner dans 45 films !
Tu aimes les films Z, en quoi ça te plait et en quoi cela influence tes films ? ça te dirait pas de jouer dans un film Z ? (avec le pape du genre Jean Rollin par exemple?)
C’est une éventualité. Pour moi, un film est un film, qu’il soit porno ou Z. Mon rêve serait de tourner dans un film chinois.
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Le mariage est pour moi une institution très patriarcale et archaïque, pourquoi t'être mariée alors que ça semble assez contraire à tes convictions ? Que pense-tu du sentiment de possession, souvent inhérent au couple ?
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Ce mariage aurait pu simplement être un mariage wicca. Il était le symbole de ce qui a été un amour intense et passionné. Il n’était ni un mariage selon les valeurs de la république ni selon celles de l’église. Et donc pas selon celles du patriarcat. Par ailleurs nous avons signé un contrat de mariage extrêmement rare que beaucoup de notaires ont refusé de nous faire signer car c’est le seul qui permettent une gestion totalement libre de notre couple aux yeux de l’ Etat.
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Quels sont tes projets ?
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J’écris un second livre. Il porte sur la critique du cinéma d’auteur et de l’industrie hollywoodienne au profit de ce que l’on juge comme étant du mauvais cinéma.
Quelque chose à rajouter ?
Arrêtez de condamner sans connaître (je pense essentiellement à la pornographie). »
A lire aussi « RADICALE SLUT : ENTRETIEN AVEC OVIDIE »
Commentaires :
Rakshasa |
ok, mais..."Même si l’on ne doit pas faire que des actes révolutionnaires (ça peut-être plaisant de chanter des textes politiques sur de la musique ou être dans un bar autogéré avec des copains), il est indispensable de ne pas s’illusionner sur la pseudo-dimension subversive de nos actes. Ces actes-là ne sont pas subversifs, mais simplement plaisants." Entièrement d'accord, mais Ovidie oublie que ces activités non-subversive sont aussi des espaces ou des moments de pratique de la démocratie directe et qu'en cela ils ne sont pas simplement des clubs de bridge pour prolo (un club de bridge autogéré...hum...). Que ces réalisations sont donc aussi des sujets de réflexion sur le pouvoir, l'organisation d'une collectivité, la place de l'individu dans celle-ci, et aussi le plaisir. Donc, pas subversifs ok, plaisants ok, mais pas seulement. Répondre à ce commentaire
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à 20:35