Infos en soldes / 6 / Sans solution de continuité (j’aime bien cette expression qui suggère le contraire de ce qu’elle signifie)
Lundi 3 janvier 2005 / Anecdotique : D’après le ministère de l’Intérieur, les 333 véhicules incendiés durant la nuit de la Saint-Sylvestre « témoignent d’une stabilité des phénomènes de violence urbaine ».
Doux euphémisme pour reconnaître mezzo voce que le discours martial des
Sarkosy et Villepin n’a strictement rien changé aux manifestations
ponctuelles de la frustration sociale des « sauvageons » et autres «
cailleras ».
Ce qui a changé, en revanche, c’est que ce genre de fait-div’ qui
faisait il y a encore trois ans les choux gras de l’opposition
chiraquienne et de la presse à sa botte sur l’air de « socialistes,
tous laxistes », ne mérite plus aujourd’hui qu’une relégation discrète
en fin de journal accompagnée d’un petit sourire bienveillant de la
présentatrice qui annonce « ces traditionnels incendies du réveillon ».
Ou comment les « hordes barbares » se voient par la magie de la «
communication » transformées en « petits sacripants, va ! ». C’est plus
gentil, non ?
Retenez bien la leçon : la contestation, rien que du mauvais, la tradition, rien que du bon.
/ solidarité bien ordonnée
Devant le grand élan de solidarité des nantis à l’égard des sinistrés
d’Asie de l’Ouest, demeure interloqué celui qui a un peu vécu quelques
moments diffficiles et qui sait que dans notre système de compétition
permanente on ne peut compter, dans la meilleure hypothèse, que sur ses
parents, compagn(on)e et enfants en cas d’échec dans le quotidien
combat au couteau qui nous oppose au voisin, au patron, au collègue, à
l’ami même parfois.
- Ah ! mais ! attends, Delfe ! solidaire, ça veut dire charitable, ça ne veut pas dire partageux !
- D’accord, d’accord. Je pige mieux maintenant.
Mardi 4 janvier / Rien que de la gueule
Médiocrement pointé aux alentours* du douzième rang des principaux
donateurs aux régions sinistrées d’Asie à la suite de la catastophe que
l’on sait, soit très loin des premiers –le Japon, l’Allemagne et les
States- et même de l’Italie pourtant critiquée à domicile pour sa
pingrerie, l’Etat français est coincé du portefeuille mais pas avare en
commisération, trémolos et autres élans du cœur purement symboliques.
Cette fausse attention à l’autre, cette empathie hypocrite trempée dans
les manières patelines du catholicisme provincial, c’est tout le style
chiraco-raffarinien que le bon docteur Douste illustre particulièrement
bien avec tout son verbe pompier et son sens délicat de la publicité
personnelle.
*les chiffres fournis par l’agence Reuters sont assez flous, voire
contradictoires, et le demeureront sans doute longtemps puisque les
affaires d’argent conservent toujours une part d’ombre, néanmoins la
générosité publique française se classe largement derrière celle de
petits pays comme la Norvège, la Suède et le Danemark ou moins
prospères, comme l’Espagne.
/ Un simple malentendu
Après avoir libéré 14 des 75 dissidents condamnés en 2003 à des peines
grimpant jusqu’à 28 ans de geôle -ce qui en dit long sur la cohérence
de la justice castriste qui te condamne sans sourciller le bonhomme à,
disons, quinze ans de taule pour le relâcher douze mois plus tard- La
Havane, c’est-à-dire Fidel soi-même, a décidé de rouvrir les ponts, via
une commission Machin de l’Union européenne, avec les ambassades des
huit pays européens, dont la France, qui ont renoncé à inviter dans des
réceptions officielles les opposants au régime, pardon, « les
mercenaires payés et dirigés par les Etats-Unis ».
On ignore quel est le deal en échange : probablement conclure des
contrats juteux entre vieux copains réconciliés, à moins que Fidel se
soit engagé à ne plus recevoir les apparatchiks de ce qu’il reste des
PC européens*, « ces mercenaires payés et dirigés par la main de Moscou
» ?
*on remarquera que, pourtant contestataires sur le terrain du
capitalisme libéral, ni Robert Hue, ni Marie-George Buffet n’ont jamais
été condamnés, même à des peines légères, pour intelligence avec le
collectivisme bureaucratique et autoritaire.
/ Pisser dans un violon
Belle collection de clichés éculés, de pieuses exhortations et
d’espérances vaines*, exercice verbeux dans lequel il excelle, à
l’occasion des vœux de Jacques Chirac aux « forces vives » de la Nation.
Les forces mortes, vous et moi, apprécieront.
* stagnation du PIB au troisième trimestre : pas de quoi prétendre que
tout va mieux (dans une optique bourgeoise) grâce aux remèdes des
professeurs Sarkosy et Seillière.
On se permettra de proposer au Président de se faire l’apôtre de la
décroissance, ce qui le fera enfin entrer échevelé dans la
post-modernité tout en renouvelant sans frais la manifestement
irréductible « fracture sociale ».
Mercredi 5 janvier / Saturax
Médecins Sans Frontières croule sous les dons pécuniers relatifs au
Tsunamithon et n’en veut plus. Stop ! on a du blé à ne plus savoir
qu’en faire ! filez-le à n’importe qui, même à des pauvres, mais
lâchez-nous, par pitié, sinon au prochain big crunch mondialiste, vous
ne cracherez plus rien, cons que vous êtes !
Si l’ami Libertad rebaptisait L’En Dehors, mettons, Militants Sans
Famille, les chèques aux initiales MSF trouveraient une bonne œuvre à
renflouer, et pas la plus bête !
Jeudi 6 janvier / Vive le déclin !
Divers plumitifs, politiciens de seconde zone, analystes à la petite
semaine et autres barons du syndicalisme patronal se donnent beaucoup
de peine pour convaincre les foules que tout le mal français vient du «
déclin », lui-même lié au fait que les Français, lobotomisés par trois
lustres d’enfer socialiste, ne sont que des gros fainéants assistés.
Tout va mal ! comme dirait mon voisin en claquant d’un pied las la
portière de sa Mercedes dernier millésime, un écran TV plasma géant
dans les bras.
Insensibles à ce discours pessimiste, les cours du marché immobilier,
déjà extravagants, ont grimpé de plus de 15% en 2004, et cela sans
effet négatif notable sur les transactions.
Moralité ? Décideurs pharisiens qui gémissez beaucoup et souffrez très
peu, les gros fainéants étant bourrés de fric, pourquoi voudriez-vous
qu’ils mouillent la chemise ?
Vendredi 7 janvier / Pas de chance
Selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), aucune épidémie ne
s’est déclarée dans la zone ravagée par les tsunamis du 26 décembre
dernier, ainsi que votre perspicace rédacteur le suggérait dès le
lendemain*.
Manque de bol pour les médias de masses qui, pour bien rajouter du
drame au drame et de la trouille à la trouille, prophétisaient
lugubrement une déferlante de maladies horribles sur les pays touchés
par la Grande vague et se ruaient toutes caméras dehors au moindre
signe de dérangement intestinal.
Faudra trouver autre chose pour faire du chiffre, les gars, comme par
exemple mettre l’accent sur les pillages, les viols, les détournements
de fonds et les trafics d’orphelins.
C’est déjà fait ? bon, alors je n’ai rien dit.
*voir les soldes de la semaine dernière
/ Quand c’est fini, ça recommence
Quelqu’un disposerait-il d’une bonne photo de Florence Aubenas, notre
journaliste de Libé, disparue à Bagdad depuis mercredi ? c’est en vue
de réaliser un agrandissement géant pour la façade de l’hôtel de ville,
chez moi, à Paris.
Merci d’avance.
Bertrand D.
Je suis aussi preneur ; pour l’Elysée, et en plus grand.
Jacques C.
Mathias Delfe