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Trois axes nous aideront à éclaircir la situation :
• Contexte et moment où survint le séisme ;
• Certains dangers qui se présentent à nous ;
• Que faire pour relever un défi si énorme ? À partir de l’intérêt de quelle classe ?
Voir en ligne : Batay Ouvriye
On s’en rappelle, depuis un certain temps, le
gouvernement, avec la bourgeoisie et ses technocrates, parlaient
« d’une réactivation de l’économie du pays ». En réalité, ce sont ces
mêmes personnes qui, durant les années ’80 sous Jean-Claude Duvalier,
avaient critiqué vertement « le Plan Américain pour Haïti » qui,
aujourd’hui, viennent à le présenter comme planche de sauvetage,
parlant de l’appliquer – sans y changer une virgule ! De ce « plan »,
il faut savoir que non seulement il a échoué complètement (nous
conduisant au point où nous en sommes maintenant) mais, en outre, dans
son échec complet, les classes dominantes et son État réactionnaire
n’ont même pas pu l’appliquer correctement. Actuellement, avec
l’approfondissement de la crise, la situation s’est aggravée. Ce
marasme économique s’est empiré avec la dernière saison cyclonique de
2008 : non seulement la construction d’infrastructures annoncée n’a
jamais été effectuée mais le gouvernement n’a pas non plus pu expliquer
la disparition d’une quantité substantielle d’argent qui avait été
rassemblée pour résoudre la situation.
Une autre caractéristique du moment était la conjoncture politique :
nous étions toujours dans la même crise globale de représentativité et
de légitimité au sommet de l’État. Les élections sénatoriales d’avril
2009 et le taux ridicule de participation (autour de cinq pour cent) le
prouvent amplement. D’autres élections, pour les députés et maires,
tout aussi démagogiques, devaient se tenir fin février. Aujourd’hui,
elles ont été annulées, à point nommé ! Mais déjà de nombreux conflits
se dessinaient avec l’exécutif qui tentait d’obtenir une majorité
presque complète dans les deux chambres et ainsi assurer sa permanence,
en préparant alors les élections présidentielles de fin d’année avec un
appareil totalement acquis à sa cause. Un parti appelé « Unité »,
composé de vils représentants de la pire canaille mafieuse et
criminelle, était désigné par Préval pour confirmer la « continuité »
de ce processus de soumission totale au projet néo-libéral le plus
abject de l’impérialisme, où salaire minimum cruel (moins de 2 dollars
par jour !), chômage catastrophique et domination-répression extrême
figuraient parmi ses caractéristiques les plus évidentes. Pour défendre
et assurer la mise en œuvre de ce projet, face à l’incapacité chronique
des classes dominantes haïtiennes et leur État réactionnaire, les
forces militaires de l’ONU étaient ouvertement présentes et, sous
prétexte d’ « avoir été appelées » par les dirigeants haïtiens, avaient
déjà accompli 6 ans d’occupation concrète. Six ans ! où la répression
n’a cessé d’augmenter et le rôle de ces forces d’occupation devenait
chaque jour plus clair.
Cette « continuité » qu’assurait Préval venait à atteindre un point
d’antagonisme extrême entre les politiciens bourgeois qui défendaient
les différentes fractions dominantes, à tel point que plusieurs
organisations, partis ou plates-formes d’« opposition » projetaient de
boycotter les prochaines élections de février en arguant les fraudes
évidentes depuis le début du processus électoral. Le principal et
véritable « chef » de ce processus dominant, l’impérialisme
(particulièrement américain), avait certes quelques contradictions avec
la forme d’Etat si mafieuse et criminelle atteint par l’exécutif
prévaliste (surtout que ce dernier… visait encore plus !) mais au
moment du tremblement de terre, il le soutenait encore clairement,
assuré par la présence les militaires internationaux et de la
soumission tacite du commandement brésilien.
Tout ceci nous rappelle donc que nous étions à un
moment réellement explosif de véritable bataille politique entre les
fractions dominantes. Le séisme du 12 janvier, bien que masquant, d’une
certaine manière, ces contradictions, en réalité ne les élimine en
rien. Plusieurs de ces plates-formes d’« opposition », demandent déjà
en ce moment le renoncement de Préval ou, du moins, une « extension du
gouvernement ».
Face à tout ceci, se trouvaient les masses populaires.
En diverses occasions, elles ont démontré que l’objet de telles
tractations et contradictions secondaires au centre ou autour du
pouvoir n’étaient nullement de ses intérêts. Son absence dédaigneuse et
forte dans les dernières élections d’avril le 2009 a été suprêmement
claire. Elle démontrait ainsi une parfaite compréhension des divers
« jeux » dominants, posés loin d’elles. Et, peu avant le 12 janvier, à
l’exception de quelques opportunistes qui appuyaient le processus
dominant, la grande majorité des travailleurs et des masses populaires
en général se préparait, en silence, au boycott, pareillement.
Cette attitude, toutefois, portait certaines contradictions de poids.
D’une part on voyait clairement que l’exécutif ne pouvait pas continuer
à gouverner de cette manière, mais on comprenait aussi que l’engrenage
où il se trouvait ne lui permettait pas de s’en sortir. Donc : Etat,
impérialistes et classes dominantes n’avaient pas de solution ! Et ils
étaient, conséquemment, finis ! Et cette putréfaction arrivait à être
définitive. Mais, pour ce qui les concernait, les masses se rendaient
en même temps bien compte que cette putréfaction poussait le pays - et
elles surtout – vers l’abîme. Le manque d’une capacité subjective de
s’opposer était alors manifeste.
Malgré cela, dans la mesure du possible, d’une manière certainement
encore partielle et atomisée, mais décidée, elles combattaient. Et ceci
était l’une des caractéristiques les plus importantes de ce moment : le
renouveau de la MOBILISATION. Il y eut la mobilisation brutale de la
faim en avril 2008, la forte mobilisation des travailleurs du textile
pour l’augmentation du salaire minimum quotidien à 200 gourdes, celle
des victimes ayant perdu argent et propriétés dans les coopératives
frauduleuses, la mobilisation des employés des services publics pour
salaires non-perçus depuis des mois, les fougueuses mobilisations des
étudiants, et les fortes mobilisations générales, tant face au
processus de privatisation des services publics que contre
l’occupation… Face à toutes ces revendications aussi légitimes que
justes, le pouvoir n’a eu d’autre réponse que, toujours : la
répression ! Que ce soit par la police nationale, ou par la Minustah,
une seule réponse : RÉPRESSION ! Une autre réaction de plus qui nous
enseignait le degré d’aboutissement où se trouvait ce pouvoir,
maintenant complètement réactionnaire. Et, immédiatement,
réapparaissait à nouveau, l’époque des assassinats si liés à la période
duvaliériste, les meurtres politiques de militants progressistes qui
dirigeaient les différentes luttes de l’époque.
Nous devons clairement nous rappeler de ce contexte dans lequel se
trouvait la formation sociale haïtienne quand survint le séisme du 12
janvier. Et savoir qu’actuellement, bien que toujours frappés par la
douleur et la peine, le chaos et l’incapacité pour nous autres du
peuple de voir… entrevoir la journée présente, voire parler du
lendemain, il n’a pas pour autant disparu.
En même temps, nous devons être conscients des contradictions du camp
ennemi qu’ils utiliseront à coup sur pour, encore une fois, pour tenter
de nous mystifier, pour précisément, tenter d’étouffer les
contradictions essentielles qui nous différencient fondamentalement
d’eux. Bien que la contradiction Lavalas-GNB ait pratiquement
complètement disparue, bien que celle Lavalas-Lespwa se soit évanouie,
bien que la dite « opposition » bourgeoise n’est plus aussi active face
a cette catastrophe « commune », bien qu’aujourd’hui l’ennemi a des
difficultés pour en construire d’autre… ils auront toujours à en
établir de nouvelles pour nous diviser. Et le populisme, naturellement
fera de nouveau fonctionner ses tares.
Les contradictions des masses populaires face à ses ennemis de classe,
malgré la déviation objective entraînée par le tremblement de terre,
demeurent EXPLOSIVES au sein de la formation sociale haïtienne. A tout
moment, un SOULÈVEMENT est POSSIBLE !
Dans ce cadre, tout comme le séisme a aplani le terrain pour permettre
l’’emergence de NOUVELLES ALTERNATIVES POLITIQUES, similairement, sans
même sans rendre compte, le pourrissement, s’il persiste, entraînera la
formation sociale haïtienne vers des abîmes infinis. Le retard pourrait
alors être fatal !
C’EST DANS CE CONTEXTE AUSSI COMPLEXE - ET COMPLIQUÉ - QUE, EN MOINS
D’UNE MINUTE, LE SÉISME ET SA DÉVASTATION SURGIRENT… DOUBLE SITUATION.
Dans le cadre de la situation générale que nous venons
de rappeler, dans le cadre du projet de domination et d’exploitation
sans limite qu’ont l’impérialisme et les classes dominantes (TOUJOURS
LÀ !), malgré toutes les formes d’« aide » dont on parle, la misère ira
en augmentant ! Quelques usines textiles, par exemple, ont rouvert
leurs portes et là, avec le même salaire, ont doublé les tarifs de
production, car selon les propriétaires : « il y a du retard » !
Certains commerces, services et entreprises locales profitent de la
situation pour ne pas payer le salaire minimal correspondant, en
alléguant qu’ils « ne peuvent pas » !
Pendant ce temps, l’IMPÉRIALISME ENVAHIT CHAQUE JOUR PLUS ET AVEC
DAVANTAGE DE FORCE, sous la providentielle couverture d’« aide
humanitaire ». Certainement, dans les conditions où se trouve le pays,
nous avons besoin d’une aide « humanitaire ». Toutefois, ce dont nous
aurions besoin vraiment, c’est d’une SOLIDARITÉ réelle. De nos jours,
tel qu’il est, le monde ne permet pas de se révéler à cette hauteur -
si naturelle - d’humanité, mais, cependant, elle existe. De nombreux
camarades de notre classe, de notre camp, sont mobilisés et continuent
à se mobiliser dans le cadre de cette solidarité dont nous parlons.
Celles-ci s’accompagnent de positions politiques claires sur ce qui
globalement se passe, la manière dont cela arrive et, ainsi, elles
prennent part activement davantage encore à la clarification de la
situation.
L’« aide humanitaire » actuelle retrouve les morts, traite les malades,
s’occupe des enfants… ; pour cela, envoyant médecins, médicaments,
repas, eau… Mais ceci est la couverture. Sérieusement et à long terme,
il s’agit d’une « aide » utilisée à la consolidation et
l’approfondissement de leur domination. Les Etats-Unis, par exemple,
principal protagoniste de cet « humanitaire », sont arrivés avec une
force militaire extraordinaire ! Plus de 16 mille combattants ! Sur
terre ou en navires de guerre, avec matériels de guerre ils arrivent,
émergeant de porte-avions. Porte-avions ! - qui signifie, autrement
dit : bombardement possible à tout moment… Ils patrouillent de jour
comme de nuit et, sous prétexte de porter une « sécurité », ils
contrôlent toutes les réunions dans les espaces publics, surtout les
quartiers populaires.
En même temps, il est clair que cette « aide » - disons mieux, cette
mainmise du contrôle territorial - correspond aux objectifs
géopolitiques de ces impérialistes dans le cadre de leur plan de
contrôle de la région, comme le laissent clairement comprendre tant la
permanence des différentes bases en Amérique latine, que la
réactivation de la Quatrième flotte, ou encore les derniers accords
signés par Obama avec Uribe en Colombie. Haïti arrive à représenter un
point clé inopiné (bien que depuis longtemps aspiré), central. En
passant par la dépendance qu’ils développent dans le peuple au moyen de
ce processus finalement si déshumanisant, ils transforment ouvertement
l’occupation en une tutelle qu’ils prétendent définitive (le temps
« utile », disent-ils maintenant). En ce sens, les mots du premier
ministre fantoche : « c’est vrai, nous perdons ‘un peu’ de notre
souveraineté », sont nettement mensongers. De nos jours, Haïti a tout
simplement perdu TOUTE SA SOUVERAINETÉ ! Rappelons aussi que cette
domination a déjà échouée entièrement et lamentablement. C’est ELLE
précisément qui nous a conduit à la situation chaotique actuelle.
Ainsi, devons-nous nous demander : la dite « reconstruction », dans
quel intérêt sera-t-elle dirigée ? À la faveur de qui, de quels gens,
de quelles classes ? Pour nous, clairement : cette « reconstruction »
sera faite CONTRE NOUS ! Pour commencer, tout comme cela déjà se
produit parmi les bourgeois-gérants d’ici, ces incontournables
représentants des intérêts des multinationales, la « reconstruction »
se réalisera sur la base des mêmes salaires de misère que nous
connaissons. Clinton lui-même achève de se démasquer en clarifiant pour
les capitalistes que « c’est le moment de faire de l’argent en
Haïti ». ! ! ! … avec nos actuels salaires de misère et le pillage des
dernières réserves naturelles restant sur ce territoire tellement
détruit. Parallèlement, ils le feront en soutenant le sordide appareil
étatique en place. Avec la présence renforcée de leur force militaire,
c’est donc sur cette putréfaction extrême qu’ils s’appuieront, tout en
mettant en œuvre rapidement son remplacement par des coordinations
internationales. Combiné au souci moral qu’ils doivent ménager et
soutenus par une propagande mystificatrice de haut degré, ils
continuent à avancer dans ce projet historique qui participe de leur
nature. Considérant les contradictions qu’ils ont avec l’État mafieux
et criminel qu’à la fois ils supportent, on est alors à se demander :
quels sont les ajustements concrets en cours, quels sont les intérêts
précis articulés maintenant ? Sérieuse interrogation s’il en est.
Cette « aide » dispensée, avec l’agressivité tellement évidente de
l’Américain, entraîne des contradictions entre les différents pays
impérialistes. Certainement, l’hégémonie américaine tend à diminuer les
contradictions présentes. Mais ceci ne doit pas nous distraire. Il faut
les prendre pour ce qu’elles sont et se méfier d’elles. Danger
d’ampleur égale : au-delà des décisions des Haïtiens, les impérialistes
vont essayer de décider seulement entre eux, bien que chacun parle de
le faire « avec les institutions légales en place ».
À côté de l’État putréfié précisément « en place », ceci nous emmène
directement à l’utilisation des ONG. Elles, qui ont toujours dévié les
masses populaires de leurs mobilisations de lutte ; elles, qui ont
toujours eu une différenciation de salaire de leurs employés locaux, ce
qui aidait à les séparer progressivement de leurs origines de classe ;
elles, qui s’imposaient en tout, pour ce qui à trait à la santé,
l’éducation… le social en général, représentent de nos jours une autre
forme que prendra la tutelle. Pour relever ce défi si énorme qui se
présente à nous, il faudra prendre en considération tous ces dangers.
Dès les débuts de la période historique engagée au
départ de Jean-Claude Duvalier en 1986, la gageure était déjà énorme
pour les masses populaires, les travailleurs, la classe ouvrière. De
nos jours, elle l’est encore plus. Il est ainsi indispensable de faire
preuve de tout notre courage pour y faire face correctement.
Nous avons mentionné certains dangers importants. Pour les
contrecarrer, nous devons permettre de les comprendre rapidement et
bien. À l’heure actuelle, avec les conséquences terribles du séisme,
cela ne sera pas facile. Nous devrons trouver la meilleure façon pour
transmettre nos messages et les articuler avec la réalité vécue
concrète de chaque lieu, à chaque moment. Articuler la compréhension de
la situation avec l’obligation d’y faire face : aujourd’hui, plus que
jamais, articuler le mieux possible l’agitation et la propagande. La
meilleure manière trouvée devra viser à ce que les masses soient
disposées à comprendre la situation, dans le but qu’elles soient
disposées à y faire face.
Notre présence directe parmi les masses, la présence directe de tous
les travailleurs, des ouvriers les plus conscients, de chaque
progressiste conséquent, doit permettre d’avancer vers cet objectif. Il
ne doit pas y avoir d’« attente » statique par rapport à la dite
« aide », ni de découragement stérile. L’ennemi joue sur notre
découragement, il joue sur notre attentisme, sur la dépendance des
masses à leur égard, dépendance qui ne fera qu’augmenter si nous
laissons s’échapper de nous le contrôle de ce processus.
Certainement, nous devons vivre, il nous faut VIVRE ! Plus encore après
une catastrophe aussi terrible. Mais notre vie en tant que
travailleurs, en tant que peuple, est aussi faite de LUTTE ! Plus
encore après une catastrophe aussi terrible. Dans notre stratégie de
vie, dans notre stratégie pour appliquer la ligne correcte du moment de
lutte, nous devons donner une grande importance aux dangers que nous
mentionnions précédemment. Nous devons permettre de comprendre les
véritables « enjeux » qui y sont liés, de toutes les manières
possibles, par notre présence directe dans les quartiers encore
existant, dans les places publiques occupées, dans les usines et
industries fonctionnant, dans la presse, au sein de nos familles … dans
tous ces lieux nous devons faire savoir et dénoncer cette aussi
terrible catastrophe qui nous attend et qui se propose de détruire ce
qui reste de notre pays en tant que tel.
Comme nous le disions, beaucoup de choses négatives se trament. Pour
leur faire face, il faut avoir comme axe central les intérêts des
travailleurs, d’une manière positive. IL FAUDRA TRANSFORMER LE NÉGATIF
EN POSITIF. Pour cela, encore une fois, les intérêts des travailleurs
doivent être placés à l’avant-plan. Cela exige une compréhension de
comment ces intérêts seront affectés par la catastrophe, ce qui nous
exige d’étudier les conséquences matérielles, économiques et politiques
du séisme, ainsi que comment les classes ennemies prétendent et
s’organisent pour en tirer profit. Notre présence militante parmi les
masses doit, enfin, s’exposer rapidement et avec beaucoup de force sur
la scène politique même. Entre-temps et durant tous les temps à venir,
parmi nous des masses, il doit exister et se développer encore plus une
SOLIDARITÉ continue et de forme diverse. Ceci nous dicte de prendre des
INITIATIVES, à l’intérieur du pays comme à l’extérieur. Et, à son tour,
ceci nous requiert de pouvoir recevoir la solidarité provenant de nos
camarades, amis, alliés. Nous devons nous organiser à cette fin. Encore
une fois, nous distinguerons très clairement cette solidarité de
l’« aide » impérialiste. Sans aucun doute, cette solidarité
représentera très peu par rapport à l’« aide » qui arrive mais elle
reste fondamentale. Nous devons la considérer dans un esprit de LUTTE,
avec l’objectif de construire le Camp du Peuple, seul camp capable de
sortir le pays de l’abîme où il se trouve, unique camp capable de
sortir notre formation sociale, tout comme l’humanité entière de la
tragédie qui est la nôtre aujourd’hui.
Malgré tout, tout en sachant tous les problèmes qu’entraîne cette
« aide », tout en étant conscients des déviations qu’elle véhicule, il
nous faut trouver une manière pour qu’elle soit rentable pour nous
autres des masses populaires. Là encore, il faut qu’on se batte pour
qu’elle arrive dans les lieux où nous sommes, dans tous les lieux où
elle est nécessitée. Puis nous devons être préparés à la recevoir
nous-mêmes, la distribuer nous-mêmes et de la meilleure forme possible.
Dans chaque lieu, il doit y avoir des COMITES à cette fin. Ces comités
doivent être autonomes. Égrenant ainsi les bases pour la
construction-développement d’organisations autonomes des masses
populaires. Là aussi, nous devrons combattre ceux qui s’organisent pour
leur bénéfice propre uniquement, ceux qui se sont toujours montrés être
les voleurs de toujours. Dans les présentes circonstances tellement
terribles, dans la mesure du possible, il faut convaincre ceux qui
peuvent l’être d’avoir une certaine conscience, qu’il n’est pas correct
d’intégrer de telles pratiques dans notre processus et, vis-à-vis de
ceux qui insistent, les battre dans leurs actions, correctement. Nos
comités doivent être honnêtes, sérieux, clairs, collectifs, organisés
de la meilleure manière, fermes, dynamiques et combatifs. Combatifs
puisque, outre les négatives tractations du moment entre des membres
aliénés des masses elles-mêmes, nous devrons faire face, surtout, à
l’offensive des classes dominantes, dans le cadre de leur projet de
domination-exploitation qui ENCORE - et peut-être plus que jamais - EST
SUR PIED. Pour cela, nos comités de réception de l’« aide », doivent
consciemment se transformer en comités de LUTTE. Soit comme brigades de
résistance face aux voleurs, soit, encore une fois et surtout, face aux
manœuvres des classes dominantes et leur État réactionnaire qui, par
exemple - nous le savons - projettent déjà de nous déplacer dans des
« camps de sinistrés », loin de la ville, loin d’où nous vivions, sans
préoccupation de comment ni où nous travaillerons, sans écoles, voire
parler d’université ou autres centres sociaux nécessaires… sans aucune
préoccupation de comment nous allons VIVRE.
Vu tout cela, en plus de mettre sur pied le plus rapidement possible
nos comités, il faudra bien concevoir une coordination effective entre
eux, dans le cadre de notre BATAILLE. Actuellement de même que pour le
futur. Pour tout cela, les principaux responsables, dûment choisis par
tous, auront à centraliser et synthétiser les requêtes, désirs et
revendications de tous et les retourner de manière organisée, de
nouveau, à tous, à présent plus avancés et en projets. Ainsi, nous
rendrons notre pratique interne plus dynamique de telle sorte que, dès
que mieux organisés et forts, nous puissions faire face correctement à
l’ennemi et son projet adverse.
Il faut que nous soyons conscients aussi que, dans leur logique
rachitique, les classes dominantes ont exprimé que : Port-au-Prince est
détruit, cela veut dire que « le pays est détruit » ! Il ne faut pas
s’y prendre ! Cette logique, en plus de se baser sur l’incapacité de
l’Etat, tend à favoriser encore plus son désir de centralisation du
pouvoir, son objectif de maintenir son pouvoir, grâce aux forces armées
étrangères de tout type plus concentrées à la capitale. Il ne faut pas
y croire ! Nous autres devons diffuser et appliquer notre compréhension
de la situation et notre conception de l’action à travers le pays
entier, sur tout le territoire ! Les militants et travailleurs
conscients doivent profiter du mouvement centrifuge des grandes masses
pour amener partout la compréhension et la mobilisation adéquate.
Conjointement, nous devons, le plus tôt possible, avancer à nouveau
dans les luttes globales qui nous reviennent et qui plus que jamais
doivent être en vigueur. Contre la privatisation, contre la domination…
CONTRE L’OCCUPATION ! Parallèlement, et en même temps, retourner, dès
que possible, avec les principales revendications de chaque classe de
notre Camp, de chaque secteur des masses populaires. De fait, la
réforme agraire doit s’effecteur dès à présent et solidement, les
écoles doivent évoluer de manière totalement positive pour nous, de
même l’université, nos quartiers, nos salaires, les salaires publiques
que nous percevons… … … Et pour commencer : TOUS CEUX QUI LE SOUHAITENT
DOIVENT POUVOIR TRAVAILLER ! De sorte que tous puissent trouver un
revenu assuré, dans le cadre d’un plan général et bien articulé entre
le travail agricole, industriel, de services et technique. Un plan
général basé sur les intérêts des travailleurs assurés et de manière
adéquate, SOUS LE CONTRÔLE DES TRAVAILLEURS, SOUS NOTRE CONTRÔLE.
Pour tout cela, nous devons clairement déjà savoir que : l’Etat actuel
ne pourra pas le faire, ne voudra pas le faire ce n’est pas notre Etat,
ce n’est pas l’Etat des travailleurs. Au contraire : c’est un Etat
bourgeois, un Etat des classes dominantes, un Etat pro-impérialiste, un
Etat ANTI-TRAVAILLEURS, ANTI-PEUPLE, ANTI-NATIONAL. Dans le contexte
d’où nous tire le séisme et que nous avons rappelé plus haut, cela est
clairement évident. Cet Etat n’existe pas pour réaliser nos intérêts,
nous permettre d’atteindre nos objectif, même de façon minimale. Si
nous voulons pouvoir concrètement réaliser nos intérêts à court, moyen
et long terme, il nous faut UN AUTRE ETAT ! Il faut NOTRE ÉTAT À NOUS !
Tel qu’il est clair, tout ceci nous exige de nous BATTRE. La
« reconstruction » dont on parle est un terrain politique national
concret. Nous le disions déjà, les classes dominantes, liées à
l’impérialisme, œuvrent à créer les conditions de consolidation de leur
propre politique. Elles n’ont aucun intérêt à ce que la
« reconstruction » se fasse en dehors de ce plan, avec nos intérêts à
l’avant-plan. Ce sont ELLES qui, pendant déjà plus de deux cent ans,
ont « construit » cette saleté d’aujourd’hui. Nous devons, nous autres,
poser la construction de notre pays avec nos intérêts à l’avant plan, A
PARTIR DES INTÉRÊTS DES MASSES POPULAIRES, DES INTERETS DES
TRAVAILLEURS. Ceci n’a JAMAIS eu lieu dans ce pays. Et c’est CELA qui
représente l’unique solution pour nous sortir de l’abime où ces
sanguinaires nous ont entraîné.
Pour cela, nous devrons avoir et développer notre LIGNE stratégique et
tactique. Sortir nos revendications du jour, indiquant nos objectifs à
long terme, avec ligne tactique et articulation précise. Par exemple,
si nous souhaitons obtenir le contrôle des travailleurs dont nous
parlons et que nous tous désirons, est-ce que, après une si terrible
catastrophe, nous pouvons accepter dans le textile de recevoir les
misérables 125 gourdes qu’ils nous infligent ? Et les autres
travailleurs : accepteront-ils de retourner aux misérables 200 gourdes
imposés ? NON ! Dès maintenant, le salaire ne peut être de misère comme
antérieurement ! Pour pouvoir nous sortir nous-mêmes de cette situation
de calamité où nous nous trouvons, nous devrons LUTTER ! Lutter pour en
sortir de nous-mêmes, sans attendre que nous parvienne « l’aide ». Bien
que nous puissions, par nécessité extrême, accepter de la recevoir
aujourd’hui, il ne faut pas que notre vie continue ainsi éternellement,
sans salaire de vie minimale, où nous sommes réduits à la mendicité, où
les bourgeois font de nous ce qu’ils veulent, où l’Etat est leur seul
correspondant soutenu ! Et c’est pareil pour toutes nos autres
revendications : LEVONS NOUS POUR LES REVENDIQUER. Ainsi et dans ce
processus même, nous nous organiserons de mieux en mieux pour mieux
affronter l’avenir.
Ouvriers, travailleurs et progressistes conséquents doivent œuvrer sans
relâche pour que toutes les masses populaires s’intéressent à ces
questions fondamentales et s’engagent, décidément, à les résoudre, en
se dégageant, dès le départ, de la logique attentiste qui se développe
chez nous bien que clairement nous nous rendions compte – nous le
savons bien, car nous étions en train de le vérifier lors de la période
antérieure au séisme – que leur plan, partiel ou général, n’était pas
le nôtre.
En sachant clairement (et en le posant dès le départ) que notre
construction-reconstruction réelle se situe principalement au plan
stratégique, nous ne pouvons pas non plus ne pas être présents dans
cette question IMMÉDIATE et laisser simplement que les impérialistes
avec la putréfaction étatique en place se chargent de la développer eux
seuls et, ainsi, facilement véhiculer uniquement leur point de vue.
Nous devons poser de suite que cette reconstruction doit être non
seulement physique (infrastructures, services qu’on doit nous
restituer, habitat convenable et correct, transport adéquat, relations
étudiées et fluides entre les différentes parties de la ville qui nous
touchent, nous travailleurs…) ; mais aussi et surtout de relations
SOCIALES : le projet de reconstruction est avant tout un projet SOCIAL.
Avec une nouvelle conception du développement agricole et industriel,
ses articulations, où un État fort et capable décidera de manière
autonome des formes concrètes de mobilisation du Capital, avec une
politique étrangère aussi récemment et radicalement différente, en
commençant par la DÉSOCCUPATION du pays, récupérant ainsi sa
SOUVERAINETÉ COMPLÈTE : souveraineté administrative, alimentaire,
souveraineté complète dans le cadre de nos décisions fondamentales…
SOUVERAINETÉ POLITIQUE !
Dans et pour tout ceci, il est besoin de nouvelles relations sociales
dans la production et dans la vie en général. Si le nouvel État alors
en fonctionnement continue d’avoir besoin d’une « aide » qui pourrait,
peut-être, devoir continuer à arriver, cela sera fait selon une
nouvelle conception où la pratique en cours sera, comme nous l’avons
déjà dit, de SOLIDARITÉ RÉELLE, celle qui existe entre les
travailleurs, entre les peuples naturellement frères.
Sans cette BATAILLE, l’État au « pouvoir » sera toujours laquais et
vil. Avec notamment celui en place actuellement, la « reconstruction »
se fera dans le cadre d’une dépendance mortelle, sous une occupation
effective, transformée peu à peu en tutelle objective, laquelle
augmentera de jour en jour, malgré tous les mots mystificateurs des
« dirigeants », lesquels expriment simplement qu’ils n’ont pas encore
reçu la quantité attendue pour lubrifier leurs poches.
Avec les intérêts des travailleurs toujours à l’avant, nous du Camp du
Peuple, effectuerons ensemble la reconstruction nécessaire. À Batay
Ouvriye, c’est dans ce sens que nous travaillons. Notre pratique face à
la catastrophe doit ensemble nous emmener sur la scène politique. De
manière égale, nos pratiques face à la catastrophe doivent être
intégrées dans celles que nous avions toujours, pendant que ces
dernières doivent émerger à nouveau : double mouvement, seule manière
d’envahir cette scène politique de manière réellement autonome. Prendre
l’ennemi en tenaille : c’est de cela qu’il s’agit !
Avec la même conception dialectique, la pratique de lutte doit en même
temps être portée au niveau international. Bien articulées, elles
doivent toutes retrouver le rythme « en phase » qui commençait à être
le leur. Toutes les organisations progressistes devraient considérer de
faire de même, étudier les propositions transitoires que nous apportons
aujourd’hui et, dans la mesure du possible, commencer à appliquer ce
qu’elles trouveront adéquates. Une coordination effective sera alors
nécessaire, respectant l’autonomie de chaque organisation mais
clairement viser à effectuer un pas additionnel dans la construction du
Camp du Peuple.
Nous devons préciser que cette pratique est déjà en cours, non
seulement sur le terrain mais également au niveau international. La
solidarité réelle est en marche en Amérique Latine, en Europe, en
Afrique… et aux Etats-Unis mêmes. Elle se réalise, conjointement avec
des rapprochements politiques, des débuts ou confirmant ceux déjà mis
sur pied. Ensemble, avec tous nos camarades solidaires, nous avançons
fermement.
Entre-temps, dans notre pays même, nous ouvriers, travailleurs de tout
type, progressistes conséquents, IL NOUS FAUT AVANCER CONCRÈTEMENT !
Dans la LUTTE concrète actuelle, dans le cadre de notre objectif
qu’alimentent nos aspirations les plus profondes.
La capacité répressive de l’ennemi a énormément augmentée, grâce à
l’envoi de toutes ces forces armées qui nous ont envahi sans demander
notre avis, avec le prétexte de l’ « aide humanitaire » que nous
connaissons. Mais, justement, pour arriver à continuer d’exister
politiquement, c’est seulement en avançant que nous garantirons cette
capacité.
Sans relâche et avec force, nous devons clairement exposer ce que nous REFUSONS !
Sans relâche et avec force, nous devons clairement exposer CE POUR QUOI NOUS LUTTONS !
Sans relâche et avec force, MAINTENANT !
Rapidement et toujours, nous devons exposer clairement nos actions
Pendant que nous travaillions à ce que plus de gens y adhèrent
De manière structurée et bien organisée
Sans relâche et avec force, luttons POUR LA VICTOIRE !
Si, réellement, nous subissons une situation atroce !
Ajoutant à nos déboires déjà si indicibles
Notre vie faite de travail et de lutte Doit aujourd’hui avoir un objectif clair : GUÉRIR LE PAYS UNE FOIS POUR TOUTES !
Batay Ouvriye
Port-au-Prince, ce 7 février 2010