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Sur pression de la métropole, une partie du patronat guadeloupéen a finalement accepté de signer les accords « Jacques-Bino » [1] qui prévoit un système d’augmentation substantiel des salaires. En contrepartie, le Medef local obtient que le surcoût salarial généré par ces accords soit pris en charge pour trois ans par les collectivités locales et l’Etat. Au terme de ce délai, les entreprises doivent pouvoir faire face à l’ensemble de leurs charges. Deux mille entreprises, représentant 40 000 salariés, ont signé l’accord, y compris certains grands groupes, comme Hayot, Despointes, Carrefour, Destreland, Champion, Boisripeaux, M. Bricolage, les groupes hôteliers et ceux de l’industrie sucrière et distilleries.
Ce dispositif d’augmentation des salaires est étendu d’emblée aux entreprises qui n’ont pas signé les accords. Mais ces dernières pourront, dès la fin des subventions, ramener les salaires à leur taux initial. Les salariés guadeloupéens se trouvent donc répartis en deux catégories : ceux pour qui la majoration de salaires est acquise, et ceux qui se retrouveront à la case départ dans trois ans. Cette situation nourrit un fort sentiment d’injustice et donne un goût d’inachevé après 44 jours de grève. Les salariés des entreprises non signataires multiplient les grèves pour faire plier les patrons et le LKP (Liyannaj Kont Pwofitasyon) met tout son poids dans la balance. Le collectif tourne dans toutes les villes de l’île, et organise chaque vendredi un meeting pour faire le point sur les entreprises qui ont signé. La mobilisation reste très présente même si elle a pris une tournure nouvelle, moins spectaculaire, sans le regard constant des médias nationaux. La manifestation du 1er mai à Petit-Canal s’annonce massive, et marquera une étape importante dans l’histoire de ce combat.
Pendant que le LKP travaille pied à pied à élargir le nombre des signataires des accords, l’Etat français a lancé ses « Etats généraux de l’Outre-Mer ». Le LKP de Guadeloupe n’y participe pas (le comité du 5 janvier de Martinique non plus). Le LKP fait remarquer que les accords signés sont un compromis ne portant que sur les salaires. Le collectif pense avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour ouvrir aussi le dialogue sur les autres questions (logement, transport, développement du territoire, environnement, conditions de vie…). La composition du mouvement qui a duré des semaines en témoigne. Toutes les catégories ou couches de la société guadeloupéenne y ont participé : retraités, enseignants, producteurs, ouvriers, écologistes, artistes, commerçants... Mais l’Etat français n’a pas donné suite, pressé d’en finir avec la grève, inquiet d’une possible propagation en métropole. Dès lors, les Etats généraux apparaissent au LKP comme une diversion, une volonté de Sarkozy de reprendre la situation en main.
La diaspora guadeloupéenne en France semble plus disposée à participer aux Etats généraux. Et pour plusieurs raisons. Elle a le sentiment d’avoir joué un rôle important dans cette lutte : elle a contribué à donner de l’ampleur au mouvement en métropole en la soutenant et en la popularisant, en organisant aussi une solidarité politique, et elle n’est pas étrangère à l’immense sympathie qui s’est manifestée en métropole. Les accords « Jacques-Bino », même imparfaits, auraient-ils été signés sans cela ? Il faut se rappeler l’hostilité du Medef de Laurence Parisot. Et puis l’avenir de la Guadeloupe intéresse tous les Guadeloupéens, qu’ils vivent dans l’île ou en métropole, au Canada ou aux Etats-Unis. Pour nombre de ceux qui vivent en métropole, l’ouverture des Etats généraux représentent une certaine victoire : l’Etat a été obligé de convoquer une structure de concertation après avoir refusé de discuter pendant des mois. Certains ont donc décidé d’y participer, même s’ils n’en attendent pas grand-chose. Bien des problèmes ne trouveront pas de solutions, ni même d’ébauche de solutions dans ce cadre. Mais avec l’ouverture des Etats généraux, les ultramarins marquent un point, il faut savoir en prendre acte.
Françoise Galland
[1] du nom du syndicaliste tué par balle dans la nuit du 17 au 18 février 2009 à Pointe-à-Pitre alors qu’il rentrait d’une réunion.