Dans les discours officiel, en particulier des dirigeants allemands et français, il n’est question que de « plan de sauvetage de la Grèce »…or, c’est un peu comme si dans un naufrage, on essayait de sauver le bâtiment en laissant périr l’ensemble des passagers,… sauf le capitaine et son entourage immédiat.
Ce qui se passe actuellement en Grèce, laisse la plupart des peuples
européens sans réaction, quand il ne s’agit pas d’indifférence.
Pourtant ce pays n’est que l’élément – le plus faible (?) – d’un
ensemble qui est entrain de se déliter : la zone euro…. et par voie
de conséquence toute une conception – libérale – de l’Europe.
LA MISE A MORT ÉCONOMIQUE
Sur injonction du Fonds monétaire international de la Commission
européenne et de la Banque centrale européenne, réunion présidée par
le 1er ministre grec, ce dernier, Luckas Papademos a indiqué que la
coalition gouvernementale était d’accord pour la réduction des
dépenses publiques (1,5% du PIB)… une telle réduction devant être
obtenue par une réduction des salaires et des charges sociales.
Ce nouveau plan de rigueur permettra à la Grèce de recevoir en
échange 130 milliards d’euros de la communauté européenne.
Une telle décision a provoqué une levée de boucliers des deux
principaux syndicats grecs qui ont appelé à la grève… ce qui a n’en
pas douter ne changera rien !
Le 20 mars, date à laquelle arrivent à échéance 14,4 milliards
d’obligations, si les mesures mentionnées ne sont pas prises, c’est
le défaut de paiement avec toutes ses conséquences dans le milieu
bancaire européen. Défaut de paiement, déclenchant les CDS (Crédit
Défaut Swap) – véritables bombes à retardement - dont le rôle est de
justement assurer contre tout défaut de paiement sur la dette
grecque (entre autres) et dont on sait les dégâts qu’ils
provoqueraient en cas de déclenchement dans le système bancaire.
Mais ce n’est pas tout. Sans doute férues de mythologie grecque, la
France et l’Allemagne – avec le soutien de la commission européenne,
ont décidé qu’une partie des aides européennes accordées à la Grèce,
serait versée sur un compte particulier qui garantirait le
remboursement de la dette du pays… reproduisant ainsi le mythe de
l’épée de Damoclès.
L’infrastructure de l’économie grecque est ainsi éventrée sur
l’autel de la finance internationale. Les privatisations massives,
censées booster l’économie, vont en fait engraisser un secteur
privé, national et international qui n’en finit pas de s’abreuver
aux sources de la dette. L’économie grecque est dépecée et
confisquée.
On assiste aujourd’hui à l’acte final de la liquidation de
l’économie grecque en tant que puissance économique en Europe.
Le FMI dit vouloir éviter la « faillite de la Grèce »… formule d’un
cynisme absolu car ne faisant référence qu’aux aspects financiers…
Faillite il y a, non seulement sur le plan économique, mais aussi
sur le plan social et politique.
LA MISE A MORT SOCIALE
On l’aura compris, les milieux financiers, les fonds de pensions,
les banques, les Hedges Funds, se paient sur la bête,… autrement dit
sur le peuple grec. Dans la mesure où la « règle du jeu » consiste
à protéger les intérêts financiers, à assurer l’ordre économique
européen, et au-delà mondial, à exiger que l’endettement de l’Etat
passe par le portillon ruineux de l’emprunt sur les marchés
financiers, d’ailleurs devenus impossibles – de part le taux
d’intérêt obligataire inaccessible… il ne reste plus au peuple grec
qu’à payer l’addition. C’est tout le sens et le contenu des mesures
imposées par l’Europe et par le Gouvernement grec qui, de toute
manière, n’a pas de choix pour quelques uns d’entre ses membres,…
quant au reste ils sont consentants.
La Grèce en est à son septième plan d’austérité et de liquidation
des services publics, alors que les six précédents ont fait la
preuve de leur parfaite inefficacité,… aux conséquences sociales
dévastatrices :
Salaires et retraites amputés de 50 %, dans certains cas de 70% ;
Baisse de 22% du salaire minimum (650 euros soit 480 nets par
mois),
Abolition des conventions collectives ;
Chômage : 20% de la population et 45% des jeunes (49,5% pour les
jeunes femmes) ;
Nombre des lits d’hôpitaux réduit de 40%, pénurie de matériel
médical, des médicaments, prix exorbitants des soins, des
accouchements.
Déréglementation générale du marché du travail, autrement dit
précarisation généralisée de celles et ceux qui travaillent où
recherchent du travail.
Diminution des charges sociales dans le coût du travail de 14,3 % en
moyenne de 2010 à 2011.
12 % des Grecs vivent avec zéro revenu et 50% sont sous le seuil de
pauvreté.
Suppression de 15 000 emplois dans la fonction publique en 2012
Un jeune de moins de 25 ans sur deux est au chômage,… ce qui
entraîne un exode massif hors du pays,… souvent vers l’Allemagne où
ils vont faire pression, à la baisse, sur les salaires.
La faim fait son apparition dans les villes, les écoles.
Distribution de bons d’alimentation.
Nombreux handicapés, malades de maladies rares sont en danger de
mort.
Progression alarmante du nombre des suicides.
Malgré cette situation le FMI, la BCE , la Commission Européenne et
le couple Sakozy/Merkel, demandent encore un effort de rigueur (
?).
LA MISE A MORT POLITIQUE
Une telle situation ne peut qu’entraîner des conséquences politiques
redoutables. Outre le fait que la classe politique a perdu tout
crédit, l’Europe des marchés financiers est entrain d’humilier la
Grèce, autrement dit de semer les ferments de la renaissance d’un
nationalisme. L’extrême droite grecque ne s’y est pas trompée,
retirant ses représentants du gouvernement (quatre ministres), qui
est entrain d’imposer la nouvelle rigueur.
Le manque de perspective politique de ce que l’on hésite d’appeler
la Gauche ne peut qu’accélérer ce processus de radicalisation
nationaliste. Processus classique dans lequel l’extrême droite, en
l’absence de toute alternative, s’impose par la démagogie comme «
solution ». Laquelle extrême droite apparaît aussi aux classes
dirigeantes comme le moyen de « rétablir l’ordre » en limitant les
libertés publiques.
Ca ne vous rappelle-t-il rien ?
Sans vouloir faire une comparaison, qui ne pourrait être qu’abusive,
on ne peut cependant s’empêcher de songer aux conséquences de la
crise des années trente en Allemagne. Si le pays est différent, de
même que le contexte historique, les « eaux glacées du calcul
égoïste » du capital, creusent les mêmes sillons qui dévastent le
tissu social et politique…. Et en l’absence d’une alternative
politique crédible – ce qui est le cas en Grèce, mais aussi dans les
autres pays européens - c’est la porte ouverte à toutes les
aventures.
En effet, la Grèce n’est pas la seule dans cette situation. Tous les
pays de la zone euro, sont logés à la même enseigne. Tous subissent
la dictature des marchés financiers conséquence de la
déréglementation financière.
Les politiques de rigueur sont généralisées et ne sont que le type
de « pseudo solution » que connaissent les politiciens de Droite
comme de Gauche,… autrement dit, à court terme et dans le contexte
politique actuel, en Europe, aucune issue sérieuse n’est à envisager
pour « sortir de la crise ».
« Alarmisme » diront certains. Pas tant que ça ! Les politiciens de
tous poils nous endorment avec leurs discours et leurs promesses…
surtout quand se profilent des échéances électorales.
Le réveil va être rude !
Février 2012-02-12 Patrick MIGNARD
Voir aussi :
«
LA TENTATION NATIONALISTE »