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Lorsque éclate au grand jour la vacuité du « la réforme était dans le programme de X, X a été élu démocratiquement, donc s’opposer à la réforme est antidémocratique », le pouvoir nous rabâche souvent que « les sondages nous révèlent que l’opinion publique est en faveur de cette réforme, s’y opposer c’est être antidémocratique. » CQFD [1].
L’espace d’un instant, supposons que l’on ait réglé les problèmes patents qui font des sondages une farce plus qu’un véritable outil scientifique. Supposons ainsi que les instituts de sondage ne soient pas des entreprises privées soumises aux pressions du marché capitaliste, dépourvues de transparence financière et présentant des conflits d’intérêt financiers avec leurs commanditaires. Supposons aussi que les problèmes techniques des sondages aient été résolus : la sempiternelle question de la représentativité de l’échantillon, le fait que moins il y a de réponses possibles et plus les gens se prononcent, le fait que l’on réponde plus facilement par l’affirmative que par la négative, le biais que représente le nombre croissant de gens refusant de répondre aux sondages, l’interprétation de ces non réponses et enfin le fait que les gens puissent tout simplement ne pas dire la vérité aux questions posées [2].
Même dans ce conte de fées, les sondages seraient tout sauf démocratiques et amèneraient la disparition de la démocratie représentative telle qu’on la connaît. Dans ces conditions, pour que les sondages aient une valeur démocratique, il faudrait encore que les interrogé-e-s aient un libre accès aux informations nécessaires pour répondre. De plus, ils et elles devraient facilement pouvoir confronter leur opinion à celles d’autres personnes au sein d’un débat public. Il est facile de voir que pour des raisons d’organisation, aucune de ces conditions n’est remplie pour la majorité de la population de notre société.
Mais là où la démonstration devient « drôle », c’est si l’on suppose que chaque personne ait effectivement l’envie et la possibilité matérielle de donner une réponse mûrement réfléchie. En effet, cette dernière hypothèse rend superflu le principe socialement structurant de la démocratie parlementaire selon lequel c’est à une minorité de trancher des questions politiques qui affecteront des millions de personnes. Ainsi les amoureux des chiffres et de « l’opinion publique » se retrouvent face à un dilemme : choisir entre reconnaître le caractère non démocratique des sondages ou bien leur accorder un caractère démocratique, ce qui supposerait d’en finir avec le mandat représentatif. CQFD bis !
Rémi (AL Paris Sud)
[1] 1. Ne seront pas considérés ici les sondages d’intentions de votes avant des élections qui souffrent d’autres types de problèmes : se référer au site www.acrimed.org pour plus d’informations.
[2] 2. Pour plus de précisions sur ces différents points voir l’article de Daniel Gaxie, « Au-delà des apparences » sur www.persee.fr
Pour une étude approfondie, voir Loïc Blondiaux, La fabrique de l’opinion. Une histoire sociale des sondages.Seuil, 1998.