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Wikipédia : "L'éthique minimale est une théorie morale contemporaine développée par le philosophe français Ruwen Ogien. Apparue en octobre 2003 dans un ouvrage d'éthique appliquée, cette conception propose de réduire la morale à simplement trois principes. Ces derniers dessinent le cadre d'une éthique d'inspiration libérale, se voulant non paternaliste. Si la formulation de cette théorie a évolué au cours de ses différentes présentations, elle reste axée sur le principe de non-nuisance et sur la considération égale de chacun.
Penser la Pornographie« Le porno blesse tout le monde » : exemple typique des positions récusées par l'éthique minimale
La première exposition de l'éthique minimale se fait en 2003, au chapitre 1 de Penser la pornographie. La conception n'est alors qu'esquissée, mais elle joue un rôle central dans l'ouvrage. C'est au regard de celle-ci que l'auteur étudie la valeur morale de pornographie. Penser la pornographie est en effet un essai d'éthique appliquée : s'attaquant à ce thème alors fort controversé en France[1], il soutient qu'il n'y a pas de problème moral dans la pornographie, et plus largement dans la prostitution ou le sado-masochisme. Délaissant une part des opposants à la pornographie, Ruwen Ogien s'intéresse uniquement aux détracteurs libéraux de cette dernière. Ce n'est pas les accusations d'« obscenité » qui sont l'objet de ses analyses, mais celles qui font de la pornographie une atteinte aux femmes, à la dignité humaine, ou un danger pour les mineurs. Selon lui, ces positions témoignent d'une incapacité à assumer les conséquences du libéralisme politique. Si de nombreux libéraux professent une opposition à la pornographie en tant que telle, c'est parce qu'ils n'assument pas l'« éthique minimale » que devrait admettre tout libéral conséquent. La théorie proposée par Ogien est donc au cœur de son livre, bien que n'étant que brièvement décrite dans les premières pages.
Cette morale minimale réside dans trois principes[2] :
1. La neutralité à l’égard des conceptions substantielles du bien.
2. Le principe négatif d’éviter de causer des dommages à autrui.
3. Le principe positif qui nous demande d’accorder la même valeur aux voix ou aux intérêts de chacun.
Aussi courts qu'ils puissent paraître, ils constituent pourtant l'essentiel du minimalisme. L'éthique d'Ogien tient dans ces trois éléments, leur explication, et leur justification.
Le principe de neutralité demande de rester neutre à l'égard des conceptions personnelles de la vie bonne. Dans Penser la pornographie il est utilisé relativement aux conceptions du bien sexuel. Il s'agit de rester neutre envers les orientations sexuelles des individus (le sado-masochisme, l'homosexualité) et envers la façon dont ils conçoivent une sexualité réussie. L'adoption d'une telle attitude neutre est justifiée par l'impossibilité de s'accorder raisonnablement sur ce qu'est une vie « bonne ». La neutralité prônée par Ogien s'explique donc de façon très classique, par le constat de désaccords irréductibles sur les conceptions du bien.
La seconde règle correspond au harm principle de John Stuart Mill. L'auteur l'entend dans un sens très étroit : « Il ne concerne qu'une classe très restreinte de dommages : physiques et psychologiques, sur des personnes particulières, lorsqu'ils peuvent être raisonnablement jugés évidents et importants »[3].
Enfin demander d'accorder la même valeur aux voix ou aux intérêts revient à exiger une certaine impartialité dans, si ce n'est la prise en compte, la considération accordée aux intérêts et voix de chacun. Il constitue une reprise et un élargissement du principe de considération égale des intérêts de chacun, notamment présent chez les utilitarites[4].
En guise de raison d'adopter ces trois éléments comme morale, Ogien affirme « qu'ils représentent le meilleur ensemble de principes moraux qui se dégagent de la confrontation rationnelle des trois théories morales les plus importantes : éthique des vertus d'inspiration aristotélicienne ; éthique déontologique d'inspiration kantienne ; éthique conséquentialiste, qui est un développement et un dépassement de l'utilitarisme classique »[5]. Sa théorie est donc présentée comme une forme de consensus sur des principes communs minimaux. Qu'il faille se limiter à ces règles minimales est par contre nettement moins consensuel, les morales minimales n'étant pas en philosophie parmi les plus défendues. La perspective générale n'est pas d'ailleurs moins contestable : l'auteur défend les principes fondamentaux du libéralisme politique, qu'il se borne à étendre au domaine moral. Les adversaires du premier n'auront donc a priori que peu d'attrait pour l'éthique minimale.
La panique moraleL'éthique minimale a ensuite été approfondie dans La panique morale en 2004. Là encore l'ouvrage n'avait pas pour thème principal cette théorie. Une place lui était toutefois dévolue au début du livre, où cette théorie est présentée plus en détails que dans Penser la pornographie.
Les principes ayant été remodelés, ils apparaissaient ainsi [6] :
1. Principe de considération égale, qui nous demande d’accorder la même valeur à la voix et aux intérêts de chacun.
2. Principe de neutralité à l’égard des conceptions du bien personnel.
3. Principe d’intervention limitée aux cas de torts flagrants causés à autrui.
On remarque immédiatement des changements : le principe d'égale considération, qui insiste sur l'importance des revendications des personnes a été mis en avant ; le principe de neutralité parle désormais de « conceptions du bien personnel » ; enfin le principe demandant d'éviter les dommages traite désormais « d'intervention limitée ».
Dans la vingtaine de pages consacrée à l'éthique minimale, Ruwen Ogien expose plus précisément le cadre et le contenu de sa théorie.
Le clonage fait partie des questions que l'éthique minimale considère comme des faux problèmes moraux
L'éthique minimale considère que les conceptions de la vie bonne, de la vie réussie, n'ont aucune valeur morale. Le terme d'« éthique » minimale n'est donc pas choisi par contraste avec « morale », les deux termes sont pleinement interchangeables dans le conception ogiennienne. C'est cette idée d'indifférence morale de la vie bonne qui appuie le "principe de neutralité" : si les modes de vie n'ont aucune importance morale, il nous faut alors rester neutre à leur égard.
La conception d'Ogien se distingue toutefois d'autres éthiques minimalistes. Ce n'est pas l'impossibilité de trouver un accord sur le contenu d'une vie bonne, réussie, "morale" qui mène l'éthique ogiennienne à se désintéresser de la conception de la vie bonne. C'est l'absence de valeur morale de ces conceptions. Même si l'on pouvait trouver un accord sur ce qu'est une vie bonne, Ruwen Ogien soutient que ça ne changerait rien : les modes de vies n'ont pas en eux-mêmes de valeur morale. Il y a donc un changement profond par rapport à la raison avancée dans Penser la pornographie.
Ce qui fait la valeur morale d'une action selon l'éthique minimale est sa contribution au juste. Ce qui est indépendant des contributions au juste n'a pas de valeur morale. L'éthique minimale refuse donc, dans La panique morale, que le bien puisse avoir une valeur morale.
La théorie morale ogiennienne s'inscrit dans un cadre libéral, mais Ogien refuse de la caractériser comme telle sans autres qualifications, étant donné que de nombreux libéraux sont en désaccord avec lui (sur la valeur morale de la vie bonne par exemple). Un aspect de ce désaccord est notamment l'utilisation du harm principle comme principe moral. La plupart des libéraux endossant le harm principle l'endossent en effet comme principe politique dit Ogien. Le considérer aussi comme un principe moral distingue donc encore un peu plus l'éthique minimale des autres positions libérales.
L'Éthique aujourd'huiPrévue dès 2004 chez Bayard[7] sous le titre L'Éthique minimale, soupçonnée pendant un temps chez Grasset[8], la présentation complète de l'éthique minimale paraît finalement chez Gallimard le 15 février 2007[9] sous le titre L'éthique aujourd'hui. La théorie a grandement évolué en deux ans[10], comme l'ont laissé paraître les conférences données quelques mois plus tôt par Ogien[11].
Notes
1. ↑ C'est à la même période que paraissent d'autres ouvrages et plusieurs articles sur le sujet dans le pays. Par exemple La Pornographie, ou l'épuisement du désir de Michela Marzano. Le thème de la pornographie avait été mis en avant dans les années précédentes, avec les « affaires » Baise-moi, ou Rose bonbon. Voir aussi Ogien, Penser la pornographie, note 1 p.6 pour les mesures législatives envisagées entre 2001 et 2003.
2. ↑ Ogien, Ruwen, Penser la pornographie, Paris, Puf, coll. Questions d’éthique, 2003, p. 12
3. ↑ Ogien, Penser la pornographie, p.15
4. ↑ Par exemple chez Peter Singer (Peter Singer, Questions d'éthique pratique, ch.2, et La liberation animale, ch.1)
5. ↑ Ogien, Penser la pornographie. p.14
6. ↑ Ogien, Ruwen, La panique morale, Paris, Grasset, 2004, p. 30
7. ↑ Voir la note 14, p.326, dans La panique morale
8. ↑ Voir Larmore, Charles, « L'éthique à sa place » in Critique, n°706, mars 2006, note 3 p. 213
9. ↑ Source : www.gallimard.fr [archive], à paraître, consultation : février 2007
10. ↑ La panique morale datant d'octobre 2004, il ne s'écoule pas vraiment trois ans entre la dernière présentation (2004) et L'éthique aujourd'hui (2007)
11. ↑ Conférence du 25 septembre 2006 sur l'éthique minimale et la panique morale, à la Maison de métallos (Paris). Conférence sur 28 octobre 2006 sur libéralisme moral, en Sorbonne.
Bibliographie
* Desjardin, A., Compte rendu de La panique morale
* Larmore, Charles, « L'éthique à sa place », in Critique, no 706, mars 2006, Éditions de Minuit.
* Marzano, Michela, Je consens, donc je suis, Paris, PUF, 2006, 261 p. (ISBN 2-13055-651-5)
* Mill, John Stuart, De la liberté (1859), trad. Laurence Langlet, Paris, Gallimard, coll. Folio Essais, 1990, 242 p. (ISBN 2-07032-536-9)
* Ogien, Ruwen, « À consommer avec moderation », Le Monde, 21 décembre 2001.
* Ogien, Ruwen, Penser la pornographie, Paris, PUF, coll. Questions d'éthique, 2003, 172 p. (ISBN 2-13053-867-3)
* Ogien, Ruwen, La panique morale, Paris, Grasset, 2004, 352 p. (ISBN 2-24666-211-7)
* Ogien, Ruwen, entretien dans le Mag philo, no 11, Automne 2004
* Ogien, Ruwen, Les crimes imaginaires de la pornographie, 2004. Attention : le texte est hébergé par un site pornographique.
* Ogien, Ruwen, « La justice, l'art et l'obscénité », Le Monde, 31 janvier 2005.
* Ogien, Ruwen, L'éthique aujourd'hui, Gallimard, coll. Folio Essais, 2007, 252 p. (ISBN 978-2-07034-357-7)
* Ogien, Ruwen, entretien dans Le Monde 2, no 159, supplément au Monde du 3 mars 2007
* Ogien, Ruwen, Penser la pornographie: Interview avec Ruwen Ogien, 2005. Une émission de Radio-Créum, les voix de l'éthique
* Ogien, Ruwen, « La masturbation est-elle condamnable ? », Philosophie magazine, no 7, mars 2007, p. 44
Voir aussi
* Ruwen Ogien
* Harm principle
* Panique morale
* De la liberté
Liens externes
* [1] La critique du mag philo sur Penser la pornographie
* [2] Commentaire critique sur Penser la pornographie.
* [3] Critique du mag philo sur La panique morale
* [4] Compte rendu de La panique morale
* [5] Dissertation critique de l'éthique minimale L'éthique minimale pour une place supérieure
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Catégories : Philosophie morale | Éthique
* Dernière modification de cette page le 6 juin 2010 à 07:11.
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