Et l'antimilitarisme ?
La barque folle du monde navigue de guerre en guerre, celles d'Afghanistan et d'Irak ne sont même pas terminées que déjà on nous annonce la suivante, du coté de l'Iran si l'on en croit la rumeur. Au milieu de tous ces massacres évoluent des personnages de kaki vêtus dont on ne parle plus beaucoup : les militaires.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, de l'Italie à la France en passant par le Japon et la Belgique, une lassitude des carnages se faisait sentir, il faut dire que le dernier avait compté double. Mais comme ce fut le cas après la première guerre mondiale, "la der des der", le risque était grand qu'à ce moment de scepticisme face aux boucheries collectives ne succède ici ou là une nouvelle montée du militarisme, d'autant plus que sitôt la seconde hécatombe mondiale achevée démarraient presque simultanément guerre "froide" et guerres de décolonisation. Les vaincus de 39-45 avaient de l'avance, Allemagne, Japon et Italie, entamèrent dès la fin de "la" guerre une période de leur histoire ou le kaki n'était plus une couleur à la mode, les militaires sortaient peu des casernes, ils se faisaient discrets. Des années 50 aux années 70, la succession de mésaventures que connurent les armées occidentales dans le tiers-monde acheva la réunification : de Tokyo à Paris les militaires ne faisaient plus recette.
Comme le veut la tradition de bien des contestations ou le mineur l'emporte souvent sur l'essentiel, le gros des forces vives de l'antimilitarisme enfourcha dans divers pays un quasi-unique cheval de bataille : le service militaire.
Par un concours de circonstances, malheureux pour nous mais heureux pour d'autres, cela coïncida avec le moment ou les armées décidèrent que l'heure était venue de rompre définitivement avec la tradition antique de la guerre pour s'orienter vers la technologie. Il est vrai que d'un point de vue militaire il est préférable d'être un pilote de bombardier arrosant les paysans du Cambodge ou du Liban, que d'être un fantassin dans les tranchées de 14-18 ou les neiges de Stalingrad.
Les armées et les militaires du monde doivent beaucoup à un pays : les Etats-Unis.
Tandis que la jeunesse, surtout masculine, de l'Occident, s'évertuait à trouver le moyen d'échapper au long et pénible séjour "citoyen" dans les casernes, les militaires de leur coté se posaient surtout une question : comment redorer le blason de l'institution, de ses fonctionnaires, de leurs équipements, et, disons-le, des guerres.
De tout l'Occident, un seul grand pays n'avait pas encore eu sa ration historique de carnages, Verdun, Dresde, Stalingrad, Hiroshima, Hanoi, certes tout cela était bien triste, mais l'action se passait loin du Texas ou de l'Arizona, et du Vietnam l'Amérique déduisit surtout qu'il suffisait
d'éviter la conscription et le tour était joué : on pouvait redémarrer tout de suite la propagande militariste. Hélas pour nous, l'Amérique n'est pas le Portugal ou le Danemark, elle a les moyens et de l'ambition.
En France et dans l'Occident en général, l'hiver des militaires, notre été à nous, bien que court et peu perceptible, prit définitivement fin il y a une quinzaine d'années lors de la première guerre du Golfe. Les Etats-Unis avaient bien préparé le terrain, chez eux l'activité ne s'était
jamais vraiment interrompue, aussi bien dans la réalité que dans le virtuel des studios hollywoodiens qui déversèrent pendant les années 80 un flot ininterrompu de fictions militaristes.
Au moment de la première guerre du Golfe, en France l'armée était encore sous le coup des rizières et des oueds, et ce n'était pas seulement par manque de moyens financiers que notre Hollywood à nous hésitait à produire du Rambo hexagonal. Les gouvernements de France et d'ailleurs, toujours à l'affût d'une opportunité pour renouer avec ce qui faisait les gros chapitres glorieux des livres d'histoire d'autrefois, se dirent qu'étant donné que les chevelus s'étaient fait couper les cheveux depuis longtemps, que les révolutionnaires s'étaient pour la plupart recyclés, et que Stallone remplissait les salles, la perspective d'une petite guerre sans risques dans des déserts lointains était peut-être une occasion inespérée pour enfin remettre armées et militaires au menu quotidien.
Mitterrand, connu pour son faible à l'égard des aventures outre-mer, avait, encore une fois, vu juste, car en effet la France était prête, ainsi qu'en atteste la faible opposition populaire à cette première guerre du Golfe, le peuple était mur pour applaudir devant une bonne ration de tanks et de bombardiers sur ses écrans de télévision. Et le militaire commençait à rêver qu'il allait bientôt pouvoir sortir de son école, changer à la Motte-Picquet et faire une petite promenade à Odéon.
Chaque pays a son rythme, certains furent plus lents que la France, en Italie il fallut attendre l'ex-Yougoslavie pour que le kaki revienne à la mode, au Japon seule la guerre, planétaire, "contre la terreur", permit aux militaires de retrouver espoir en agitant, à défaut de dangers islamiques locaux convaincants, quelques épouvantails coréens ou chinois.
Et la France a joué son rôle de "grande puissance", car pendant que les américains astiquaient les canons et les bobines cinématographiques, la France a beaucoup contribué à peaufiner le discours militariste à usage moderne ou post-moderne, et si bombes et bombardements sont devenus humanitaires c'est un peu grâce à la France, et l'Amérique en conserve quelque gratitude.
Quoiqu'il en soit le résultat est là : la mondialisation a bien fonctionné là aussi et les guerres se portent bien, les armées et les militaires ont partout le vent en poupe, les galonnés défilent sur les écrans, et pourtant les antimilitaristes ont...gagné !
L'antimilitariste a "gagné" car aujourd'hui ce n'est plus lui qui fait la guerre, la besogne est affaire de professionnels désormais. Pourtant dans leur naïveté bien des "antimilitaristes" devraient avoir l'enthousiasme prudent, en effet les militaires ont de leur coté découvert que les bombardements c'est bien, on ne s'en lasse pas, mais que parfois il faut du monde sur le terrain pour concrétiser la "victoire", et l'avenir dira si les civils français pourront toujours se contenter d'admirer leurs fonctionnaires des armes se dégourdir les pattes dans tel ou tel pays lointain sans risquer eux-mêmes un jour... Et déjà avec l'Iran certains jeunes américains s'inquiètent...
L'antimilitarisme, le vrai, ce n'est pas se vautrer devant son poste de télévision en laissant faire le boulot aux autres, c'est se battre pour que l'humanité rompe avec l'habitude de la guerre, c'est se battre pour que les militaires et leurs équipements disparaissent de la planète, les premiers en devenant des civils, les seconds en partant à la casse.
Inutile de dire que nous sommes à l'heure actuelle bien loin d'un mouvement antimilitariste international, massif, et déterminé, c'est tout juste si l'on arrive parfois à entendre des voix contre les guerres, et alors remettre en question les armées et les militaires, ça oui : nous en sommes vraiment encore loin.
Et si l'ennemi nous...
Un des grands problèmes que rencontre l'antimilitarisme aujourd'hui est qu'il lui faut faire preuve de lucidité, comprendre qu'il ne saurait y avoir de vrai mouvement antimilitariste qu'international, rationnel et pragmatique. Mais le travail commence ici, chez nous, et il ne faut certainement pas attendre qu'il commence aussi "là-bas", surtout si le "là-bas" en question est un endroit qui vit sous la menace, la notre bien souvent.
L'Amérique, qui vit encore au rythme du 19ème siècle, redoute beaucoup l'antimilitarisme, et elle sait bien que pour garantir une éternité de militarisme, et donc de guerres, il est impératif qu'il y ait en permanence un grand nombre de pays vivant sous la menace afin qu'ils soient contraints de participer à la course aux armements, promesse de bonnes guerres, avec destructions et reconstructions profitables, et de bonne santé du secteur militaro-industriel.
Le ménage commence donc chez nous. Nous sommes hélas encore dans un monde divisé en nations et il faut en tenir compte. On ne peut pas aujourd'hui dire à des pays comme le Venezuela, l'Iran, la Corée du Nord, la Syrie, la Bolivie, la Chine : désarmez et nous désarmerons ensuite. Ce n'est pas l'Amérique qui vit sous la menace du Venezuela, c'est l'inverse. Le Venezuela n'est pas libertaire, c'est un fait, mais s'il l'était pourrait-il prendre le risque de désarmer unilatéralement ? Soyons assurés que non.
Tout le monde parle de l'Iran, et s'il est vrai qu'il est difficile d'éprouver beaucoup de sympathie pour cette théocratie, teintée comme nous de démocratie, la liste des attaques militaires lancées en 1000 ans par ce pays, sous diverses dénominations, contre d'autres, étant le dixième de celles menées en 50 ans seulement par les Etats-Unis un peu partout, un antimilitarisme conséquent se doit d'établir une hiérarchie objective dans ses priorités. Lancer un mouvement antimilitariste au Bhoutan n'est pas aussi urgent que de le lancer aux Etats-Unis, et en Occident en général.
Par ailleurs démilitariser la planète ne peut que passer par un long processus qui ne peut que s'exprimer dans une, ou des, institutions ; pour le moment on peut penser, ou rêver, à l'ONU et ses filiales, et il va sans dire qu'un appel à un désarmement global lancé conjointement par le Honduras et le Laos aurait moins d'impact que s'il était lancé par les Etats-Unis et la France.
Nous le voyons bien, les Etats-Unis ont complètement perdu les pédales, et cela peut nous arriver aussi, l'Histoire en témoigne, d'ailleurs nous en sommes aujourd'hui à refuser à un pays "la bombe" alors que nos arsenaux à nous en regorgent, la situation est si absurde que tout citoyen du tiers-monde de plus de 8 ans ne peut que sourire aux "arguments" avancés par la "communauté internationale" - lire l'Occident -, et non contents de nous livrer à une propagande d'une incohérence risible nous en sommes également à discuter, c'est à dire commencer à accepter, l'idée que nous pourrions , 60 ans après Nagasaki, utiliser un peu d'Uranium pour régler nos différents.
La bombe ? Les "armes de destruction massive" ? Ah oui vraiment : nous sommes bien placés pour faire la morale aux autres...il suffit de comparer les arsenaux. Encore que les civils occidentaux, bombardés d'une propagande continue adaptée à leur ignorance croissante des choses militaires, finissent par confondre et mettre sur un pied d'égalité une kalachnikov et un avion de combat, un pistolet à grenaille et un tank dernier cri.
Au train ou vont les choses, vous verrez que dans 20 ou 30 ans, l'arme nucléaire sera, si c'est nous qui l'utilisons, rebaptisée "bombe humanitaire", le mouvement vers cet effarant avenir est déjà bien amorcé.
Cet avenir est sombre, surtout si l'antimilitarisme stagne, car tous les pays du monde ont intérêt, aujourd'hui plus que jamais, à foncer dans la course aux armements, leur survie peut être à ce prix, en particulier si leur politique déplait du coté de Washington, de Londres ou de Paris. Et ils peuvent compter sur "nous" pour leur forcer le pas, et sur "nos" entreprises pour leur fourguer de l'illusion de seconde main.
En bref, l'heure n'est plus aujourd'hui à se contenter de crier "non à la guerre" - avec une vigueur très variable selon les lieux et les guerres - mais à dire aussi "non aux armées", "non aux militaires", "non aux armements", et à le dire avec force.
Et n'attendons rien des gouvernements et politiques, qu'ils soient américains , français, chinois ou iraniens, ce n'est que par une pression populaire massive, croissante, et continue, qu'il nous reste encore un vague espoir que le 21ème siècle soit un peu moins meurtrier que le précèdent.
Rokakpuos
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rackhamlenoir
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Le service militaire n' existe plus mais l'armée " COMMUNIQUE" . Cette "respectable" institution propose entre autres aux jeunes un ...métier ! Avant la" vie professionnelle" l'armée est présente dans les écoles pour expliquer ses actions...humanitaires ! La majorité des enseignants supportent trés bien cette présence... La guerre est toujours "valorisée" dans les manuels d' histoire et les profs anti militaristes ne sont pas légion... Les jeunes , n'etant plus contraints au service militaire ont moins de sentiments anti militaristes . Bon faudrait des adultes pour leur expliquer que l' institution policiere est l' armée de l'interieur mais que leur explique t on à l' école aujourd'hui ? Ce qu' on leur a toujours expliqué mais en mieux ( ou pire c' est comme vous le sentez). La guerre , l'armée sont banalisées par les médias, de plus en plus puissants dans la manipulation ainsi l' horreur devient normalité...
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metaflo
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Ce problème est d'autant plus important que, en ces périodes de chomage et de précarité, nombreux sont ceux qui, après un an de glande et deux ou trois d'intérim et de chomage alterné, se disent que l'armée (ou la police d'ailleurs) est encore le dernier endroit où l'on offre une carrière à des jeunes sans qualifications.
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Anonyme
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Oui, et avec des passe-droits en plus. Les avantages en nature: drogue, putes, bakshish...
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à 13:23