Connu pour avoir créé, en 1997, la site Internet « L'Éphéméride anarchiste », Eric Coulaud est aussi un « anartiste ». À l'occasion d'une exposition de ses collages à Publico, il nous parle de son travail créatif. Eric Coulaud exposera quelques-uns de ses collages à Publico,145 rue Amelot, 75011 Paris, à partir du 18 mars 2005, à 18 heuresCathy: Quand as-tu fait tes premiers collages?Éric: Il y a une dizaine d'années, je crois. Quand j'ai cessé de travailler en atelier où j'avais la possibilité de créer des objets. Comme je ne pouvais plus le faire dans mon nouveau poste de travail, j'ai transposé ce besoin créatif dans les collages.
Cathy: Tu es donc passé d'une création en trois dimensions, à une création en deux dimensions. Est-ce que cela ne te manque pas?Éric: Non, ce qui manquait, c'est l'opportunité de créer. Cela dit, je n'exclus pas un support par rapport à un autre. C'est vrai que j'aime bien fabriquer des choses avec mes mains. Dernièrement, je me suis mis à sculpter des noyaux d'avocats. Un collage, c'est quand même plus pratique, il suffit d'avoir une paire de ciseaux, de la colle ...Tout le monde peut s'y essayer.
Cathy: Dans une sculpture comme dans les collages, quelle est la place du hasard?Éric: Dans une sculpture, je réfléchis à ce que je veux faire avant, et dans certains cas cela nécessite des calculs. Le résultat final est parfois différent de ce que j'avais imaginé, mais je commence toujours avec une idée précise de ce que je veux faire. Dans les collages, il y a une plus grande part de hasard, on est tributaire de ce qu'on a sous la main. L'idée vient souvent en cours d'élaboration.
Cathy: Y a-t-il des artistes qui t'ont inspiré?Éric: Oui, bien sûr, et je voudrais rendre hommage à Jacques Prévert. La découverte de ces collages a été un déclic pour moi. J'ai essayé de l'imiter, dans l'esprit.
Quand j'ai réalisé Bénédiction champêtre, par exemple, où l'on voit une image de Dieu sur un vieux tracteur, je pense que je suis vraiment dans l'esprit de Prévert. Ce qui me plaît dans ses collages,. c'est leur humour, leur côté transgressif, antireligieux et subversif. Si j'ai fait des choses totalement différentes par la suite, j'ai essayé de garder ce fil conducteur. Une autre influence très importante a été celle du surréalisme. Le collage est vraiment un outil surréaliste par excellence, où l'inconscient joue à plein.
Cathy: Tes oeuvres sont très différentes les unes des autres, y a-t-il une raison à cela?Éric: Tout dépend de l'élément de départ... Quand je suis tombé sur de vieilles gravures du XIXe siècle, j'ai créé toute une série de collages en y incorporant des images couleurs et modernes, en jouant sur le décalage et le contraste. Si j'utilise des images tirées de magazines féminins, les choses seront forcément très différentes au final.
Cathy: La nudité et la sexualité sont des thèmes très présents dans tes collages...Eric: Oui. Comme chez les surréalistes! Je pense que tout processus créatif est intimement lié et inspiré par la sexualité. S'il y a beaucoup de corps nus dans mes collages, c'est peut-être parce que je suis naturiste et que j'aime la nudité et la liberté des corps.
Cathy: Peux-tu nous expliquer comment tu procèdes?Eric : Je commence par feuilleter des revues, je découpe des photos, au cutter ou à la paire de ciseaux, soit pour leur qualité esthétique, soit parce que j'y vois une possibilité d'en détourner le sens. J'essaye alors d'associer les formes, les couleurs, les contrastes, de trouver des éléments qui permettent de créer une nouvelle image. Contrairement à des collages qui seraient faits par ordinateur, je ne peux pas modifier la taille des éléments. C'est une contrainte, mais cette contrainte fait partie de la création. Dans une sculpture, ça peut être la dureté des matériaux, dans les collages, ce sont les couleurs, les dimensions, etc. Il y a aussi le mode d'exécution. Certaines réalisations nécessitent des découpages très minutieux. J'ai notamment des collages sur timbres postes, ou sur cartes postales. D'autres s'apparentent davantage à de l'art brut, avec des éléments déchirés.
Cathy: Sculptures, collages, tu t'intéresses également à la photographie... Mais tu n'as jamais exposé ton oeuvre, pour quelle raison?Éric: Je considère que créer fait partie de la vie. Mais une fois la création réalisée, je n'éprouve pas le besoin de la montrer, sinon mes amis. Et aussi parce que je ne veux pas rentrer dans une logique marchande. Un jour, Sébastien Doubinsky m'a demandé des collages pour illustrer un de ses recueils de poèmes. Puis, grâce à André Robèr, j'ai commencé à collaborer à la revue Anartiste. Je vais prochainement exposer à Publico, mais c'est encore, pour moi, comme partager mes réalisations avec des amis.
Éphéméride anarchiste:
http://ytak.club.fr/index.htmlQuelques collages d'Éric peuvent être vus sur
http://ytak.club.fr/ericpage1.htmlLe Monde libertaire #1388 du 3 au 9 mars 2005