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N’ayant jamais été anarchiste, ce n’est pas moi qui vais
contredire l’auteur de cette remarque lapidaire. Mais alors pourquoi diable
rééditer de vieux textes, s’ils sont devenus ringards ?
D’abord et avant tout, parce que la revue Ni patrie ni frontières est, depuis sa
création en 2002, attachée à marteler une opinion simple : les luttes
sociales ont une histoire, les idées politiques actuelles ont un passé, quoi
qu’en disent les charlatans – sociaux-démocrates, néostaliniens, gauchistes ou
radicaux chics. Et rien n’est plus désespérant – pour qui a une petite culture
– que de voir resurgir – sous de nouveaux oripeaux « flashy » ou
alambiqués – de vieilles idéologies qui ont lamentablement fait faillite.
Qu’il s’agisse du mythe du communisme chrétien primitif (une
des sources de la fumeuse théologie de la libération), de la laïcité (que
certains voudraient « ouvrir » jusqu’à la vider de son contenu), du
matérialisme et de l’athéisme (honteux pour nombre de marxistes actuels), de la
lutte contre les religions (que la plupart des gauchistes et certains
libertaires ont lâchement abandonnée), du rôle de la raison et la réflexion
critique, les auteurs ringards au style vieillot de L’Encyclopédie
anarchiste ont encore pas mal de choses à
nous apprendre. Et d’abord et avant tout, à ne pas gober les yeux fermés toutes
les idées à la mode.
Loin de moi l’idée de défendre que les auteurs de L’Encyclopédie
anarchiste aient eu raison sur tout :
il suffit de lire ce qu’écrit l’un des auteurs à propos des
« israélites » : tout en dénonçant avec virulence
l’antisémitisme, il ne peut s’empêcher de souligner le caractère
« malin » des juifs et leur talent à faire du commerce ; de
même, on considérera avec le plus grand scepticisme, pour ne pas dire une
franche hilarité, le lien qu’établit Barbedette entre le climat et le contenu
des trois monothéismes.
Depuis quatre-vingts ans, les connaissances sur l’histoire
des religions se sont considérablement approfondies et nous devons en tenir
compte dans nos critiques des religions. Les athées et les rationalistes
auraient dû normalement sortir renforcés de ce progrès des connaissances, mais,
sur le terrain politique, cela n’est guère le cas, que ce soit parmi les
militants de la gauche réformiste, ceux des mouvements altermondialistes ou
d’extrême gauche. Curieusement, alors que le développement des connaissances
archéologiques, historiques, sociologiques et psychologiques devrait consolider
la critique des religions, les tenants d’un « autre monde possible »
font de plus en plus de concessions à l’obscurantisme religieux, que ce soit
celui des mouvements indigénistes d’Amérique latine, de la théologie de la libération,
des différentes tendances de l’islam politique dit anti-impérialiste, du
prétendu féminisme islamique, ou simplement des revendications religieuses au
sein des sociétés (plus ou moins) laïques occidentales.
Lire L’Encyclopédie anarchiste demande donc un minimum d’esprit critique, mais pas davantage que la
lecture d’auteurs branchés et « modernes « comme Onfray, Chomsky, ou
Foucault, qui, pour être plus contemporains, n’en ont pas moins proféré pas mal
d’âneries sur le plan politique.
Lire l’Encyclopédie anarchiste, c’est d’abord découvrir une pensée étonnamment diverse, les auteurs
venant de plusieurs courants (anarchisme individualiste, communisme libertaire,
syndicalisme révolutionnaire), même si les anarchistes individualistes dominent
plutôt ici. Tous les auteurs ne sont pas d’accord entre eux, loin de là, y
compris sur des questions philosophiques aussi épineuses que celles de la
définition du Bien ou du Mal, de la morale, ou l’appréciation de certaines
dimensions de la religion.
Celui qui ne connaît pas l’anarchisme découvrira un vaste
continent aux reliefs et aux climats contrastés et sera obligé de réfléchir, de
faire des choix, bref de ne pas agir en consommateur ou en fidèle borné. Cette
encyclopédie n’est pas un catéchisme… Les sectaires seront déçus.
Elle a été écrite par des militants qui s’efforçaient
d’établir un lien entre leurs idées, leur éthique, leur pratique politique et
une critique radicale de la société, de l’Etat, de l’exploitation et de
l’oppression. Ce n’est pas un hasard si, sur les 20 rédacteurs des articles
présentés dans cet ouvrage, au moins 9 d’entre eux ont été condamnés à des
peines de prison pour leurs écrits, leurs discours ou leurs actes, qu’il
s’agisse de propagande antimilitariste ou anticolonialiste, ou d’avortements clandestins.
Quelques lecteurs jugeront indigestes, trop longs ou trop
courts certains articles. D’autres trouveront lassantes les citations d’auteurs
classiques, au style suranné, ou bien d’universitaires tombés dans l’oubli.
D’autres estimeront que les auteurs ont un point de vue naïf sur la bonté
naturelle des animaux ou des êtres humains. Ou qu’ils pêchent parfois par
arrogance dans leur combat contre l’obscurantisme. Voire qu’ils tombent dans
les théories du complot (comme l’auteur du très long article sur les Jésuites,
que nous n’avons pas reproduit ici, faute de place).
Mais le lecteur aurait tort de se limiter à ces quelques
réserves ou critiques, aussi fondées soient-elles. De nombreux articles
touchent juste, car leurs auteurs tentent de faire appel à la raison, au savoir
historique, aux connaissances scientifiques, contre les approximations, le
dogmatisme, ou les bons sentiments.
En cette époque où les émotions nourrissent le marketing
politique de ceux qui se présentent aux élections. Où l’image choc est
manipulée par tous les partis et les groupuscules (il suffit de jeter un œil
sur Daily Motion ou You Tube), il peut être utile de réhabiliter la Raison, la
discussion argumentée, la lecture et l’analyse des points de vue de nos
adversaires politiques ou idéologiques.
L’Encyclopédie anarchiste contient, bien sûr, des inexactitudes, des proclamations
triomphalistes, des envolées lyriques un peu creuses. Mais sa démarche est pour
l’essentiel radicale, au sens qu’elle prend les choses – ici les religions, les
questions philosophiques et éthiques – à la racine et que ses auteurs discutent
pied à pied de la validité de toutes les thèses religieuses ou idéalistes de
leur époque, et même des époques précédentes.
Des marxistes dogmatiques (mais si, cela existe !) nous
objecteront que les anarchistes se focalisent trop sur les idées religieuses,
et pas assez sur leur soubassement matériel. D’une part, ce reproche n’est pas
fondé puisque de nombreux articles soulignent l’entrelacement entre politique et
religion, oppression étatique et oppression religieuse, intérêts économiques
des Eglises et soumission des fidèles ; et d’autre part, c’est tout à
l’honneur des auteurs de s’être penché minutieusement sur les écrits des
penseurs qu’ils critiquent avant d’émettre une opinion. Les trotskystes et les
altermondialistes qui ont soutenu Tariq Ramadan n’ont certainement jamais pris
la peine de lire l’un des livres de ce bigot réactionnaire, avant de s’exprimer
à son sujet.
Ce goût du combat pour des idées est effectivement ringard à
une époque qui promeut l’idéologie du « vivre ensemble », des
« droits de l’homme » désincarnés (accompagnés d’interventions
militaires « humanitaires »). Où l’on place toutes les idées sur le
même plan, chacun ayant le droit de « penser ce qu’il veut », au
Grand Supermarché des Idées Jetables et Interchangeables. Où l’on considère que
seuls les « extrémistes religieux » seraient dangereux, oubliant que
toute religion est un système de contrainte, de pression et de répression sur
l’individu, et que tout groupe religieux sera tenté de faire de la politique et
d’imposer ses conceptions dans le champ social et dans l’espace public, et pas
seulement dans ses lieux de culte ou entre les murs du foyer familial.
Les auteurs de l’Encyclopédie anarchiste n’avaient pas pour ambition de devenir les chouchous
des médias, de dîner avec des hommes politiques, des chanteurs ou des actrices
célèbres, ou de faire commerce de leurs livres ou de leurs conférences sous
forme de DVD : ils voulaient changer le monde, libérer l’Humanité et
démolir, pulvériser, toutes les idées réactionnaires qui contribuent à
maintenir le Capital et l’Etat en place.
À vous, lectrices et lecteurs, de décider si leur démarche
radicale a encore un sens aujourd’hui….
484 pages, 12 euros
Ame – Athéisme – Bible – Bien – Bonté – Cléricalisme
– Confession – Coran – Création/Créationnisme – Création – Cultes –
Déchristianisation – Dieu – Eglise – Esprit – Eternité – Evangile – Finalité –
Foi – Genèse – Gnosticisme – Iconoclaste – Idéalisme et matérialisme –
Idolâtrie – Immortalité – Incrédulité – Inquisition – Israélite – Jésus –
Judaïsme – Judéo-chrétiens (communisme des) – Laïcisation – Laïque – Libre-pensée
– Mahométisme ou islamisme – Mal – Manichéisme – Martyr – Matérialisme individualiste
Miracle – Miracle – Mission – Morale (recherche d’une règle de vie) – Morale
(éthique individuelle et sociale) – Morale : ses bases illusoires sa
duperie actuelle – Morale : Origines et évolution ; Les religions et la morale ;
La morale et les mœurs ; Morale individuelle et morale collective – La
morale et l’individualisme anarchiste – Noël – Paganisme – Paradis – Prêtre –
Prière – Providence – Purgatoire– Religion – Religion – Sacerdoce – Saint Siège
– Scolastique -– Trinité – Trinité – Vertu et Vice
* Auteurs : E.
Armand, L. Barbedette, C. Berneri, G. Brocher, R. Collino (Ixigrec), E. Cotte,
S. Faure, A. Lapeyre, A. Lorulot, S. Mac Say, E. Malatesta, J. Marestan, Han
Ryner, R. Odin, M. Pelletier, M. Pierrot, E. Rothen, Ryskine, F. Stackelberg,
P. Vigné d’Octon .
Pour toute commande (les
frais de port sont compris dans le prix)
Yves Coleman
10 rue Jean-Dolent 75014
ou