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Les extraordinaires ambitions de Dubai sont issues d'une longue histoire de havre de contrebandiers, de marchands d'or et de pirates. A la fin de l'époque victorienne, un traité donna à Londres la mainmise sur les affaires extérieures de Dubai, à l'abri des ottomans et de leurs collecteurs d'impôts, tout en permettant à la dynastie al-Maktoum d'exploiter la propriété du seul port naturel en eaux profondes de ce qui était connu à l'époque comme la 'côte des pirates', longue de 600 km. La pêche aux perles et la contrebande étaient alors les principales ressources du domaine, jusqu'à ce que l'exploitation régionale de l'or noir encourage l'utilisation des facilités commerciales et portuaires du lieu. Jusqu'en 1956, quand le premier bâtiment en béton a été construit, toute la population vivait dans des bâtisses traditionnelles 'barastri' en feuilles de palmier, puisait l'eau de puits communaux et tirait des chèvres par ses ruelles étroites (18)
Après le retraitt des britanniques de l'est de Suez en 1968, Sheikh Rashid s'est entendu avec le dirigeant d'Abu Dhabi Sheikh Zayed, pour fonder les Emirats Arabes Unis en 1971, une fédération féodale instaurée par crainte des marxistes d'Oman et ensuite, des islamistes d'Iran. Abu Dhabi possédait la plus grande partie des réserves de pétrole des E A U (presque un douzième des réserves mondiales assurées) mais Dubai était le port et le centre commercial le plus évident. Quand le port naturel s'est révélé trop petit pour le nouveau commerce, les dirigeants des E A U investirent une partie de leurs gains du premier 'choc pétrolier' dans la construction du plus grand port artificiel au monde, finalement terminé en 1976.
Après la révolution de Khomeini en 1979, Dubai est aussi devenu la Miami du Golfe Persique, fournissant un refuge à une grande communauté d'exilés iraniens, dont beaucoup se sont spécialisés dans la contrebande d'or, de cigarettes et d'alcool vers leur patrie désormais au régime sec, et vers l'Inde. Plus récemment, sous le regard tolérant de Téhéran, Dubai a attiré un grand nombre de riches iramiens qui se servent de cette base - plus semblable en cela à Hong Kong qu'à Miami - pour le commerce et des modes de vie bi-nationaux. On pense qu'ils gèrent désormais jusqu'à 30 pour cent du développement immobilier de Dubai. (19) Contruite sur ces relations clandestines, Dubai est devenue dans les années '80 et au début des années '90, le centre du blanchiment de l'argent sale du Golfe ainsi que le repaire de quelques uns parmi les plus célèbres gangsters et terroristes de la région. Le Wall Street Journal a décrit ainsi son monde souterrain :
Ses souks où l'on traite l'or et les diamants, ses maisons de change et ses facilités informelles de transfert d'argent liquide, ont permis d'y constituer un monde d'affaires louches fondé sur les contacts et les allégiances claniques. Les trafiquants d'armes, les dealers de marché noir, les terroristes financiers et les blanchisseurs d'argent ont exploité à fond ce milieu facile, même si la masse des échanges reste par ailleurs tout à fait régulière. (20)
Début 2006, le congrès US s'est enragé à l'annonce de la mainmise imminente par les Ports de Dubai, sur la P & O Cie de Londres, qui gère déjà les quais portuaires de New York à Miami. Malgré le soutien de l'administration Bush, Dubai s'est trouvée contrainte de retirer son offre, après une campagne des médias contre le danger supposé constitué par la cession de la gestion de ports commerciaux américains à un gouvernement du Moyen Orient. Une bonne partie de la controverse est due, certainement, à un sentiment anti-arabe (une grande partie des opérations portuaires sont déjà gérées par des entreprises étrangères), mais la 'Terrrorist connection" de Dubai, une extension à son rôle de Suisse du Golfe, a été largement documentée.
Mieux encore : depuis le fameux 11 septembre, une littérature policière volumineuse a étudié le rôle de Dubai comme 'le centre financier de groupes militants islamistes', en particulier al Qaeda et les Talibans : 'toutes les routes mènent à Dubai quand il s'agit d'argent [terroriste]' affirme un éminent ancien fonctionnaire du ministère des Finances. On assure que Ben Laden a transféré d'importantes sommes par l'intermédiaire de la Banque (d'émirat) Islamique de Dubai, alors que les Talibans se servaient des marchés libres de l'or de la cité pour blanchir en dollars leurs taxes sur l'opium qui leur avaient été payées en lingots. (21) Dans son livre très diffusé Ghost Wars, Steve Coll affirme qu'après les attentats catastrophiques d'al Qaeda qui ont frappé les ambassades US de Nairobi et de Dar es Salaam, un complot de la CIA visant à attaquer un notable d'al Qaeda avec des missiles de croisière alors qu'il chassait au faucon dans le sud de l'Afganistan, a dû être annulé pour épargner quelque membre anonyme de la suite royale des Emirats qui l'accompagnait. Coll ajoute que la CIA suspectait aussi que des C-130 qui décollaient couramment de Dubai transportaient des armes pour les Talibans. (22)
Enfin, al-Maktoum a, pendant près de 10 ans, accordé un luxueux refuge à l'Al Capone de Bombay, le légendaire gangster Dawood Ibrahim. Sa présence dans le territoire était pourtant loin de passer inaperçue. 'Dubai', écrit Suketu Mehta, 'convenait bien à Dawood ; dans ses fêtes luxueuses, il y reproduisait Bombay d'où il invitait par avion nombre de vedettes de cinéma ou des champions de criquet, prenant même Mandakini, une starlette indienne, comme favorite'. (23) D'après le gouvernement indien, Dawood, aurait même, début 1993, et en collaboration avec des agents pakistanais, utilisé Dubai comme base logistique pour organiser l'infâme attentat à la bombe du 'Vendredi noir' qui a coûté la vie à 257 personnes. (24). Même si l'Inde a aussitôt demandé à Dubai d'arrêter Dawood, on permit à celui-ci de s'enfuir vers Karachi, où il est encore sous la protection du gouvernement pakistanais. Son organisation criminelle, 'D-Company', aurait ensuite continué ses activités dans le territoire. (25)
Dubai est maintenant bien considérée par Washington comme partenaire dans sa guerre contre la terreur et, en particulier, comme base pour espionner l'Iran (26). Il est probable pourtant que al-Maktoum, comme les autres dirigeants des Emirats, garde des contacts avec les islamistes radicaux. Si al Qaeda le voulait vraiment, il pourrait transformer le Burj Al Arab et autres Bâtiments de Dubai en autant de tours infernales, alors que Dubai est jusqu'ici l'une des rares villes de la région qui a évité les voitures piégées et les attaques aux touristes ; témoignage éloquent, on peut le supposer, de l'importance de la ville-état comme refuge de haut vol et laverie de fonds, telles Tanger dans les années '40 ou Macao dans les années '60. L'économie souterraine florissante de Dubai est sa police d'assurance contre les voitures piégées et les détournements d'avion.
Bizarrement, et suivant des détours compliqués, la prospérité de Dubai repose sur la peur. Son énorme complexe portuaire à Jebel Ali, par exemple, a tiré de considérables profits du commerce généré par l'invasion US de l'Irak, alors que le Terminal N°2 de son aéroport saturé d'employés de la Halliburton, de mercenaires privés et de soldats américains en route vers Bagdad ou Kaboul a été décrit comme 'le terminal commercial le plus actif du monde' en relation aux guerres américaines du Moyen Orient (27). Depuis le 11/9, le flux mondial des investissements intègre plus avantageusement encore la place de Dubai. Ainsi, après les attaques d'al Qaeda sur l'Amérique, les états pétroliers musulmans, traumatisés par la colère des chrétiens de Washington et les plaintes des survivants de la catastrophe du World Trade Center, n'ont plus considéré les Etats Unis comme le refuge le plus sûr pour leurs pétrodollars. On estime qu'à eux seuls, les Saudis paniqués auraient rapatrié au moins un tiers de leur portefeuille de valeurs de l'ordre du millier milliards de dollars. Même si, désormais, les esprits se sont calmés, Dubai a profité énormément de la tendance persistante des sheikhs pétroliers à investir dans la région plutôt qu'à l'extérieur. Comme l'a souligné Edward Chancellor, 'à l'inverse de ce qui s'est passé lors du dernier boom pétrolier des années '70, seule une petite proportion des nouveaux surplus pétroliers a été investie directement dans des actifs US ou même déposée dans le système banquier international. Cette fois, une bonne partie des fonds est restée dans la région où elle a pu répondre à une frénésie spéculative tout a fait classique. (28)
En 2004, on pense que les Saudiens (dont on estime que 500,000 visitent Dubai au moins une fois par an) ont placé au moins 7 milliards de dollars dans les plus grands projets de al Maktoum. Les Saoudiens, avec des investisseurs d'Abu Dhabi, du Kuwait, d'Iran et même de Qatar la concurrente, financent le prétentieux Dubailand (développé officiellement par des milliardaires de Dubai : les frères Galadari) et quelques autres projets fantaisistes gigantesques. (29) Même si des économistes insistent sur l'importance primordiale des investissements sur titres dans le boom actuel du Golfe, la région regorge également de crédit bancaires bon marché grâce à une augmentation de 60% des dépots de garantie et à la politique de credit facile de la Réserve Fédérale ; 'les devises du Golfe sont toutes accrochées au dollar'. (30)
Une bonne partie de ces fonds, évidemment, danse sur le rythme d'accords anciens. 'Une majorité des nouvelles propriétés de Dubai', explique Business Week, ‘sont acquises par spéculation, sur la base de dépôts minimes, souvent "lancés comme des dés" comme ils le font de nos jours à Miami.' (31) Mais ainsi que le prédisent certains économistes, ce qui est 'lancé' peut aussi bien s'écraser. Et peut être que Dubai tombera un jour du ciel quand ce ballon immobilier éclatera, ou bien un pétrole déclinant laissera-t-il ce Laputa du désert surnager un jour sur les contradictions de l'économie mondiale ? Al Maktoum affiche l'assurance d'une montagne : 'je dirai aux capitalistes que Dubai n'a pas besoin d'investisseurs ; ce sont les investisseurs qui ont besoin de Dubai. Et j'ajouterai que le risque ne réside pas dans le placement de votre argent ; il n'existe que si vous le laissez dormir.' (32)
Le roi-philosophe de Dubai (un des projets de l'énorme complexe offshore montrera l'un de ses épigrammes en écriture arabique) (33) se rend bien compte que la peur est aussi l'élément le plus dynamique pour accroître ces revenus pétroliers qui transforment ses dunes de sable en galeries marchandes et en gratte-ciels. A chaque fois que des rebelles font exploser un pipe-line dans le delta du Niger, qu'un martyr conduit son camion piégé dans un ensemble immobilier de Ryadh, ou que Washington et Tel Aviv menacent Téhéran, le prix du pétrole (et donc les revenus de Dubai en dernière analyse), croît avec l'émoi que connaît le très essentiel marché à terme. Autrement dit, les économies du Golfe ne parient pas seulement sur le prix du pétrole, mais sur la peur que son flux soit perturbé. Selon une étude récente des experts de Business Week, ‘le monde a payé aux états du Golfe un surplus de quelque 120 milliards de dollars, l'année dernière, pour la crainte de perturbations possibles dans la production du pétrole. Certains cyniques accueillent même cette crainte parce qu'elle augmente leurs revenus'. 'La peur', d'après l'un des principaux analystes consultés par le magazine, 'est un cadeau pour les producteurs de pétrole'. (34)
Mais c'est un cadeau que les riches pétroliers préféreraient courir dans un oasis fortifié. Avec sa sécurité garantie en fin de compte par les porte-avions nucléaires habituellement mouillés à Jebel Ali, et les marques d'étiquette (négociés à l'occasion de parcours de chasse en Afganistan ?) qui régissent les relations des émirats avec le terrorisme islamique, Dubai est un paradis pour la sécurité individuelle, avec ses lois bancaires à la suisse qui règlementent les secrets financiers, et ses armées de concierge, gardiens et garde du corps qui protègent ses santuaires du luxe. Les touristes sont couramment chassés sans ménagement par les gardes s'ils essaient de jeter un oeil clandestin sur les occupants du Burj al Arab. Les hôtes de l'hotel, bien sûr, arrivent en Rolls Royce.
La plage privée de Milton Friedman
Autrement dit, Dubai, est une grande communauté fermée, une enclave très protégée. Mais, plus encore que Singapour ou le Texas, elle représente le summum des valeurs néo-libérales du capitalisme contemporain : une société qui aurait pu être créée de toutes pièces par le département des Sciences économiques de l'Université de Chicago. Dubai a réussi ce que les réactionnaires américains ne faisaient qu'imaginer : un oasis de la libre entreprise sans impôts sur le revenu, sans syndicats et sans partis d'opposition (pas d'élections). Comme il sied à un paradis de la consommation, sa fête nationale non officielle, comme son symbole mondial, c'est son fameux Shopping Festival d'un mois, une célébration sponsorisée par les 25 galeries de la cité-état, commençant le 12 janvier et attirant quelque 4 millions d'acheteurs de haut vol, originaires surtout du Moyen Orient et de l'Asie du Sud (35).
L'absolutisme féodal - la famille Maktoum est propriétaire des terres de Dubai - a été remis à la mode pour déterminer ce qu'on fait de mieux en terme d'administration intelligente de l'entreprise capitaliste, et le domaine politique a été officiellement intégré dans le gestionnaire. 'Les gens parlent du prince héritier comme du grand patron de Dubai. Parce que, réellement, il gère le gouvernement comme une boîte privée dans le bien du secteur privé, et non pas pour le bien de l'état', affirme Saeed al-Muntafiq, responsable du Département de Développement et d'Investissement de Dubai. Mieux encore, si le pays n'est en fait qu'une unique entreprise, comme le proclame al-Maktoum, un 'gouvernement représentatif' ne sert à rien : après tout, General Electric ou Exxon ne sont pas des démocraties, et personne - sauf, bien sûr, les socialistes indécrottables - ne s'attend à ce qu'il en soit autrement.
L'état, donc, est pratiquement l'équivalent d'une entreprise privée. Les plus hauts dirigeants de Dubai - choisis pour leurs capacacités, et non pour leur rang dans l'aristocratie - occupent des positions stratégiques dans le gouvernement tout en participant à la gestion d'une des plus grandes entreprises de promotion immobilière appartenant à al-Maktoum. Le 'Gouvernement' est en fait une équipe de gestionnaires des actifs, dirigée par 3 gros joueurs qui se font concurrence pour faire gagner à al-Maktoum un maximum de revenus (voir tableau n° 2). 'Dans un tel système', écrit William Wallis, 'l'idée d'un conflit d'intérêts est à peine considéré' (36). Parce que le pays n'a, en dernière analyse, qu'un seul propriétaire, et que des myriades de flux de revenus mobiliers convergent vers un seul bénéficiaire, Dubai peut se passer des taxes habituelles sur les ventes, les douanes et les revenus nécessaires aux autres gouvernements. Seule une charge fiscale minime grève à son tour la vente ou la location des sables dorés de Dubai. Et Abou Dhabi, avec sa richesse pétrolière subventionne de son côté les autres fonctions de l'état, y compris les Affaires étrangères et la Défense, dont la responsabilité incombe à l'administration fédérale des Emirats - qui constituent eux-mêmes une copropriété des Sheikhs au pouvoir et de leur famille.
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Tableau 2 - Le Triumvirat
PUBLIC PRIVE'
Mohammed al Gergawi Conseil exécutif Dubai Holdings
Mohammed Alabbar Dept du dévoppment écon. Emaar
Sultan Ahmed bin Sulayem Port de Jebel Ali Nakheel
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De la même manière, les libertés individuelles à Dubai découlent uniquement du plan économique, pas du tout d'une constitution et surtout pas de 'droits inaliénables'. Al-Maktoum et ses cadres doivent arbitrer entre un pouvoir d'origine aristocratique et la loi islamique, d'une part, et la culture occidentale des affaires et une certaine décadence récréationnelle de l'autre. Leur solution ingénieuse est un régime de ce que l'on peut appeler des 'libertés modulaires' basées sur une ségrégation spatiale rigoureuse de fonctions économiques et des classes sociales ethniquement circonscrites. Pour comprendre comment cela fonctionne en pratique, il faut brièvement analyser la stratégie globale de déveoloppement de Dubai.
Même ce qui 'bouge' à Dubai est dû essentiellement à l'afflux touristique et à ses excés, la ville-état est aussi extraordinairement ambitieuse dans son désir d'accroître sa valeur ajoutée par la création de quartiers franchisés et de zones économiques à haut niveau technologique.
"Une des manières pour cette ville commerciale du fond d'une baie, de se reformuler en mégalopole" écrit un journaliste sur ABC News, "c'est en offrant tout et son contraire pour encourager les entreprises à investir et se relocaliser à Dubai. Il existe des zone franches où une propriété des parts est possible à 100 pour cent, sans impôts sur les sociétés, ni sur les personnes, et sans aucun droit de douane à l'export comme à l'import (37)". La première zone franche que fut le district portuaire de Jebel Ali accueille maintenant plusieurs milliers de sociétés commerciales et industrielles ; elle est désormais la base principale des transnationales américaines pour le vente de leurs produits sur les marchés d'Arabie Saoudite et du Golf Persique (38).
On s'attend cependant que la croissance future se développe surtout à l'intérieur d'un archipel de 'grappes' spécialisées. Les plus grandes de ces villes-dans-la ville sont : Internet City, déjà le principal moyau de TIC du monde arabe, avec des filiales locales de Dell, Hewlett-Packard, Microsoft et autres ; Media City, qui abrite le réseau satellite d'Al Arabyia ainsi que d'autres groupes de médias internationaux ; et le centre financier international de Dubai, qu'al-Maktoum le calculateur imagine déjà devenir la plus grande bourse entre l'Europe et l'Asia de l'est, où des investisseurs étrangers se précipiteraient avec leur immense gisement de revenus pétroliers
En plus de ces super-enclaves avec leurs milliers d'employés, Dubai accueille, ou se prépare à accueillir, la Cité de l'Humanitaire, comme base de distribution des aides aux sinistrés ; une zone franche dédiée à la vente de voitures d'occasion ; une bourse des métaux et des marchandises ; une Cité des Echecs", siège de l'association internationale des échecs dans un immense échiquier et deux tours-rois de 64 étages ; un village de santé de 6 milliards de dollars, monté en partenariat avec la Harvard Medical School, qui offrira aux classes riches du Golfe le nec plus ultra américain en termes de technologie médicale (39).
D'autres villes de la région, bien sûr, ont aussi des zones franches et des regroupements à haute technologie ; mais seule Dubai a permis à chacune de ses enclaves d'opérer à l'abri de parapluies légaux adaptés aux besoins spécifiques des capitaux étrangers et de leurs dirigeants de tous bords. "Avoir creusé des niches rentables avec leurs propres règles"affirme le Financial Times, "voici le fondement de la stratégie de développement de Dubai. (40)". Ainsi la censure est pratiquement inexistante dans Media City, l'accés à Internet (réglementé sur le reste du territoire) est absolument débridé dans Internet City. Les E A U ont autorisé Duabi à monter 'un système commercial à l'occidentale pour son district financier où l'on traite en dollars, et en anglais'. Malgré les critiques, Dubai a même fait venir des contrôleurs financiers et des juges à la retraite pour démontrer que le prince-gourou financier local joue le même jeu que les gens de Zurich, Londres et New York (41). Et, simultanément, afin de promouvoir les villas de Palm Jumeirah et des îles privées qui constituent le "monde des îles", al-Maktoum a annoncé en mai 2002 une "révolution immobilière", unique dans la zone, qui permettrait aux étrangers d'acheter des immeubles de luxe d'une manière définitive, et non suivant un bail limité à 99 ans (42).
En plus de ces régimes enclavés profitant d'une plus grande liberté de presse ou commerciale, Dubai est aussi renommée pour sa tolérance des vices occidentaux, hormis l'usage des drogues récréatives. A l'opposé de l'Arabie saoudite et de Kuwait, l'alcool coule à flot dans les hotels et les bars d'expatriés, et personne ne proteste à la vue de bikinis légers ou même de strings sur les plages. Dubai -- comme le signalera tout bon guide de voyage 'branché' - est aussi le "Bangkok du Moyen Orient", avec des milliers de prostituées russes, arméniennes, indiennes ou iraniennes encadrées par divers gangs ou mafias transationales. Les filles russes devant le bar sont la façade de charme d'un commerce sinistre construit sur l'abduction, l'esclavage et la violence sadique. Al-Maktoum et son régime ultra-moderne récusent toute collusion avec ce proxénétisme prospère, même si les initiés savent bien que les putains sont indispensables si l'on veut remplir les hotels 5 étoiles d'hommes d'affaires européens et arabes (43). Quand les 'expats' ventent "l'ouverture" unique de Dubai, c'est cette liberté de bringue et de débauche qu'ils exaltent le plus souvent.
(à suivre )
Mike Davis
Ce texte est la suite de Dubaï, entre la peur et l’opulence (I)
Texte traduit de l'anglais par Borogove et publié à l'origine sur NewLeft Review