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Lu sur Indymédia Nantes : "Lors de chaque mouvement de grève, dans les services publics, revient sur le tapis la question du « service minimum ». Appelé de ses vœux par la droite, gênant aux entournures la gauche, hérissant au delà du supportable les organisations syndicales, souhaité par une partie des usagers qui trépignent sur les quais de gare, les pouvoirs publics ne savent pas trop comment traiter le problème.
Coincée entre le droit de grève, qui est constitutionnel, et la continuité du service public, qui l'est aussi, la garantie de l'un risque de limiter l'exercice de l'autre. On ne voit pas très bien comment on pourrait assurer la continuité du service public sans limiter le droit de grève, puisque la grève c'est justement un « arrêt collectif du travail ayant pour but de faire pression sur l'employeur en bloquant la production ». Il y a donc là, et le gouvernement actuel l'a bien vu, un point de levier pour remettre en question le droit de grève, sinon totalement et dans son principe, du moins dans certains cas… ce qui peut évidemment constituer un début.
Cette situation existe depuis 1945, date à laquelle ont été créés les grands services publics mais, la situation a pris une réelle ampleur du fait, d'une part du développement colossal des transports publics, lié à l'éloignement toujours plus grand du lieu de travail par rapport au domicile mais aussi, du fait de la dégradation importante des entreprises de services publics lié à la marchandisation et rentabilisation de celles-ci. Une grève dans les chemins de fer ou le métro est devenu un phénomène social tellement elle est perturbante.
L'attitude du gouvernement dans cette situation de conflit est parfaitement logique. Il se doit de « gérer » le mécontentement des usagers (qui est une réalité que l'on aurait tort de négliger… je vais y revenir) qui sont les principaux gênés et ce d'autant plus qu'il est le premier concerné puisque garant de la gestion de ces entreprises il a des comptes à rendre sur les raisons du conflit, d'autant plus également que ce sont des électeurs-trices. Mais, et là est l'astuce, en mettant en avant le « mécontentement des usagers » il arrive à dévier le problème et à ne braquer les projecteurs que sur les conséquences et jamais sur les causes faisant ainsi assaut d'une démagogie d'une incontestable efficacité. Il en rajoute même (et pourquoi se gêner ?) en montrant du doigt ces « salariés-privilégiés-qui-ont-un-emploi-et-la-sécurité-de-cet-emploi ». Il peut ainsi dévier le coup porté par les grévistes et en faire une arme offensive contre eux.
C'est dans ce contexte que se pose, qu'il pose, la question, non pas de la « limitation du droit de grève » (vision négative), mais ce qui est, nous l'avons vu, de fait la même chose, la « garantie d'un service minimum » (vision positive). Aucun gouvernement n'avait osé s'attaquer de front à ce problème. La Droite par crainte d'une généralisation et d'un durcissement du conflit. La Gauche, pour préserver son fond de commerce électoral et pour ne pas être soupçonnée de faire une politique de Droite que la Droite n'a d'ailleurs jamais fait… jusqu'à présent.
Aujourd'hui le gouvernement C.R.S sait qu'il peut gagner sur des questions importantes et sensibles… l'exemple des « Retraites » a montré que la mobilisation sociale, dans sa forme actuelle, ne faisait pas le poids face à sa politique… et ce d'autant plus que le front syndical est brisé, la Gauche est devenue sénile, quand elle n'est pas « collabo », et que sur cette question (le « service minimum ») il aura de son côté une partie de l'opinion publique. C'est donc, pour lui, le moment ou jamais.
Les syndicats sont paraît-il décidés à aller au conflit dur sur cette question… faudra juger sur pièce !.. Ils sont il est vrai les premiers concernés, la grève, depuis la fin du 19e siècle est leur principale modalité d'action., c'est même leur « fond de commerce militant »… s'ils ne peuvent plus in fine, dans un conflit, menacer de la grève, on leur coupe les ailes ou on leur lime les dents.
Mais tout compte fait est ce si vrai que ça ? Méfions nous des évidences.
La grève c'est l' « arrêt collectif du travail pour faire pression sur l'employeur ». Il est vrai qu'au 19e siècle, dans un système marchand qui se structure, cette action est d'une efficacité qui peut-être, et qui est souvent, redoutable, surtout si elle est générale et à fortiori insurrectionnelle… et ce n'est pas un hasard si le mouvement ouvrier à absolument tenu à en faire un droit… c'était, et c'est demeuré durant des décennies, une garantie pour les salariés. Durant le 20e siècle c'est resté une arme efficace, surtout dans un système fondé sur des Etats-nation, c'est-à-dire ayant une relative indépendance économique.
On peut légitimement se poser la question de savoir si, la mondialisation marchande, telle que nous la connaissons aujourd'hui, n'a pas modifié la donne, autrement dit si de manière générale, les luttes traditionnelles des salariés et la grève en particulier, sont adaptées aux nouveaux développements du système. La réduction massive de la masse des salariés dans la production, l'élimination dans les pays développés des secteurs à forte proportion de main d'œuvre et la tendance générale à la délocalisation, relativisent grandement l'efficacité du recours à la grève. Dans les services publics, le recours à la grève perturbe plus la masse des usagers que l'Etat patron qui nous l'avons vu peut tactiquement utiliser la grève comme moyen de pression sur les salariés, via les usagers. D'autre part, les marges de manœuvres de plus en plus étroites du patronat et de l'Etat du fait de la concurrence mondiale les incitent à ne pas céder à ce genre de pression et à laisser pourrir la situation… ce qui est à peu prés le cas de tous les conflits actuels. Enfin, la « précarisation de l'emploi » et sa probable institutionnalisation dans les nouveaux contrats de travail conconctés par le gouvernement et le MEDEF sont rendre le recours à la grève de plus en plus difficile.
Ceci veut dire qu'il faille, tout en défendant bien sûr le principe du droit de grève qui est et demeure un acquis , « inventer » de nouvelles formes de luttes, adaptées aux nouvelles conditions de fonctionnement du système marchand.
Les bureaucraties des organisations syndicales traditionnelles sont bien évidemment incapables de « repenser » les formes de la lutte salariale. Totalement conservatrices et archaïques dans leurs objectifs et plus ou moins compromises dans la gestion du système, elles incitent et laissent se reproduire des formes de luttes qu'elles savent inefficaces, déconsidérant par là même le mouvement syndical en perte de vitesse dans tous les secteurs.
Quelles nouvelles formes pourraient prendre les luttes ?
Elles devraient répondre à deux objectifs : d'une part se référer aux mécanismes actuels du fonctionnement du système, d'autre part intégrer une dimension de changement social, enfin s'élaborer à l'échelle internationale.
1-Les mécanismes actuels du système : On assiste à une « marchandisation » généralisée, en particulier concernant les services publics, c'est donc à ce niveau qu'il faut agir. L'important n'est pas d'arrêter la production… ce qui ne changera rien, mais de rendre obsolète le statut de la marchandise en produisant non plus « pour vendre » mais « pour son usage ». En d'autre terme mettre à disposition gratuitement la production : dans les chemins de fer en faisans voyager gratuitement, avec l'électricité en, par exemple, tarifant au tarif de nuit durant toute la journée,… la lutte sera populaire et posera le vrai problème de fond.
2- Une dimension de changement social : de telles formes de luttes augurent du changement social en ce sens qu'elles remettent en question le « statut » marchandise de la production autrement que dans des discours de principe. S'il s'agit de lutter contre la marchandise c'est comme cela qu'il faut s'y prendre, pas en la reproduisant mécaniquement suivant le modèle que l'on conteste.
3- Coordonner ce genre de lutte internationalement pour des raisons évidentes liées à la mondialisation du système, au moins dans un premier temps à l'échelle européenne.
Ces luttes, ces nouvelles formes de luttes, ne peuvent se mener qu'avec, solidairement, les usagers, ce qui leur donne une dimension citoyenne nouvelle. Le rapport de force est d'une autre nature et porteur de nouvelles perspectives… y compris sur le plan politique. C'est bien sûr à chaque secteur, à chaque branche de réfléchir aux nouvelles modalités de luttes.
La mise en place de telles modalités de lutte ne se fera pas sans mal, du côté « syndical officiel » qui dans sa myopie criera à l'aventurisme, mais aussi de l'Etat et du patronat qui verra tout de suite le danger. Mais, de même que les salariés ont du, au 19e siècle, lutter dur pour faire reconnaître le droit de grève, la lutte sera dure pour imposer ces nouvelles formes de luttes sociales… mais comme nous venons de le dire, ce ne sera pas l'affaire des seuls salariés, mais une véritable action citoyenne.
Ce n'est qu'à cette seule condition que nous pourrons dépasser les divisions stériles et l'impuissance permanente du mouvement social. Alors oui, un autre monde sera possible.
Patrick MIGNARD
Janvier 2004
DROIT DE GREVE ET SERVICE PUBLIC (suite)
Repensons les luttes sociales en Europe
DROIT DE GREVE ET SERVICE PUBLIC (suite)
Le premier texte « DROIT DE GREVE ET SERVICE PUBLIC » a, sur quelques sites, entraîné un certain nombre de réactions. Réactions, pour la plupart positives, mais qui, pour certaines, n'en posaient pas moins des questions légitimes sur la faisabilité de telles actions, et les problèmes liés à la légalité de telles formes de luttes. Je n'ai évidemment pas la prétention d'avoir réponse à toutes les interrogations (c'est aussi et surtout dans la lutte et collectivement que l'on élabore) et encore moins à proposer un « modèle » d'action… l'Histoire a montré ce que valait ce type de d'ambition.
Ayant lancé la réflexion et le débat je me dois cependant d'apporter quelques précisions et éléments de réponse qui n'ont pas d'autre prétention que d'être les miennes et d'alimenter le débat.
Sur la légalité
C'est effectivement une question importante. Les luttes traditionnelles actuelles sont généralement « codifiées ». fruits des luttes du mouvement ouvrier depuis le 19e siècle, elles ont acquis un cadre légal. Certes des dérapages existent, comme par exemple l' »occupation des locaux », voire « séquestration de la direction »… Généralement ces dérapages sont « tolérés » dans une certaine mesure, se négocient, voire sont réprimés « en douceur » (généralement évacuation par les flics avec plus ou moins de frictions). Dans ces formes d'actions illégales les pouvoirs publics et le patronat, savent apprécier, la portée de telles actions et savent que, dans la plupart des cas elles sont ponctuelles, syndicalement encadrées et… sans issues… il n'est pas utile, pour lui , politiquement, de réprimer brutalement.
Dans le cas d'actions dont il est question dans le texte et qui portent atteinte au fondement même de la marchandise, comme par exemple l'instauration de la gratuité dans les transports publics, en lieu et place d'un arrêt du travail, autrement dit de la grève classique, il est certains que les pouvoirs publics réagiront autrement. Pourquoi ? Parce qu'il vont tout de suite sentir le danger politique de telles actions, surtout si elles sont menées en concertation avec les usagers et de manière unitaire avec les autres secteurs de l'activité économique (je reviendrai sur ce point plus loin). Ces actions parfaitement pacifiques et ne portant absolument pas atteinte à la continuité du service public, aux personnes et aux biens seront et sont qualifiées de sabotage… rien que ça ! Ce qui en dit long sur les craintes qu'elles inspirent aux gouvernements. Elles sont effectivement qualifiées d'illégales, comme le fut la grève en son temps.
Se pose alors un problème de motivation à l'action… car il y a effectivement des risques à prendre. Il est sûr que le gouvernement et le MEDEF, ne feront aucun cadeau à celles et ceux qui luttent de cette manière. Tout sera fait pour briser ce mode d'action… il est bien trop dangereux. Encore que la mobilisation et le rapport de force vont jouer un rôle essentiel dans les marges de manœuvres dont ils disposeront. C'est là qu'intervient la coordination et la solidarité des autres salariés et des usagers. S'engager seuls dans cette voie est suicidaire… ce qui est le cas pour toute lutte. Il est donc nécessaire de préparer collectivement ce type d'action et de s'assurer des soutiens en vue de l'action… c'est ce que l'on appelle créer un rapport de force… ce n'est pas nouveau, mais dans ce type de configuration,… oui.
Sur la faisabilité
Il faut reconnaître que le problème n'est pas non plus simple techniquement puisque les pouvoirs publics (de gauche comme de droite) ont (par exemple dans le cas des chemins de fer), sectorisés les différentes parties de l'entreprise pour éviter ce genre d'action.(diviser pour régner). L'action doit donc faire l'objet d'une préparation minutieuse par les salariés de l'entreprise. Mais rien n'est impossible en matière de luttes sociales.
Il est bien évident d'autre part qu'il n'y a pas qu'un seul modèle d'action. Un enseignant ne peut pas agir comme une infirmière, une infirmière comme un caissière de supermarché, ou comme un cheminot. A chaque branche à trouver ses formes d'action, en sachant tout de même que nous sommes toutes et tous interconnectés par nos activités et solidaires quand à nos revendications… et que donc la concertation est la règle et la solidarité le moyen de vaincre. Là il y a une gros travail à fournir… qui n'est aujourd'hui évidemment pas fait… chacun se démerdant dans son coin dans la totale ignorance des autres.
Quant à l'unanimité que souhaiteraient certains ou, dit autrement, le fait qu'il y ai des individus qui « ne marchent pas » dans ce genre d'action… c'est une évidence, mais ça ce n'est pas nouveau et ça se pose toujours dés qu'il y a des combats à mener. Ce ne sont pas ces cas qui empêcheront la marche de l'Histoire ou alors ce serait nouveau…
Ce que veulent finalement les pouvoirs publics et le MEDEF, ce sont de bonnes vieilles actions, bien classiques, bien maîtrisées par les syndicats et les directions, qui donnent l'illusion aux grévistes d'être efficaces, qui emmerdent au maximum les usagers et dont on sait quelles sont sans lendemain… ce qu'est effectivement la grève aujourd'hui.
Si l'on veut qu'un autre monde soit possible (autrement que dans les discours des forums et autres grandes messes médiatico militantes) il va bien falloir innover dans notre manière de lutter et commencer dès à présent à s'en donner les moyens.
Patrick MIGNARD
Auteur: anonymous ( Patrick MIGNARD )
mercredi 28 janvier 2004
Commentaires :
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thanking@yahoo.comYour blog is really very interesting.
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à 04:00