Violence ou non-violence? La "révolution poétique" en pratique
SOMMAIRE
1-La « révolution poétique »
2-Pacifisme et non-violence
3-Deux modes d'action complémentaires
4-Dépassionner l’insurrection ?
5-Le principe de non-agression aux personnes et le recours à la violence
6-Au-delà de la violence : Renoncement et Révolution
Conclusion
extrait 1:
Il existe donc bien des variables « objectives » pour se révolter : inégalités
outrageusement croissantes, réchauffement climatique, multiplication des maladies dues aux
pollutions, extinction des espèces, problèmes alimentaires (notamment en eau), angoisse et
stress provoqués par des rythmes de vie insoutenables, misère affective, crise identitaire,
hypernomie et injonctions paradoxales etc. Mais surtout : pourquoi voulons-nous changer
les choses ? Parce que tout le monde est à bout, rouage inerte d’une Méga-machine qui
nous dépasse, spectateur complice d’une catastrophe perpétuelle. Las de vivre sans
jamais exister. Prise de conscience du vide dans sa vie : on s’ennuie, on n’a pas le moral.
Même quand « tout va bien », nous voilà rattrapés par les tracas quotidiens d’un monde
que l’on n’a pas choisi. Encore une fois, la culture avait un temps d’avance : le « no
future » provocateur des premiers punks est devenu expression normale partagée par
tous (au moins en privé). Le désastre s’est transformé en ressenti profond.
L’insurrection devient alors la plus saine des réactions.
extrait 2:
Manifs sauvages pour
nous montrer, blocages et sabotages pour enrayer la méga-machine capitaliste,
occupations pour mettre la pression et nous rassembler, dégradations de certains
symboles capitalistes (caméras de vidéo-surveillance, banques, assurances, quartiers des
affaires, horodateurs, panneaux publicitaires…) comme destruction créatrice, repousser
ou contenir les assauts des forces de l’ordre pour ne pas céder et continuer nos actions
(cette liste n’est bien sûr pas exhaustive)… A cela, ajoutons la ré-appropriation de l’espace (et
du temps) notamment à travers des squats politiques ou des communautés tournées vers
l’autosuffisance, puisque le capitalisme a soumis l’espace à travers ce mouvement général de
l’isolement qu’est l’urbanisme (qui n’est autre que la matérialisation de cet espace unifié et
abstrait qu’est le Marché). Mais aussi celle des richesses (par exemple en négociant le
remplissage de caddies, ou plus radicalement par le pillage), ou encore l’entrave à la
(in)Justice carcérale (par exemple en aidant les clandestins). Parfois en laissant éclater une
rage soudaine à la façon des émeutiers de Watts. Ou plus efficacement encore en organisant
une insurrection, comme à Oaxaca ou en Grèce. Mais soyons clairs : seule, la violence n’est
qu’un cri incompréhensible. L’affrontement ne doit jamais nous dispenser de la construction
du discours et d’autres formes de lutte autrement plus importantes. La Commune, ce n’est pas
seulement les affrontements.
extrait 3:
Donc d’aller à la marge,
de se séparer du monde spectaculaire en créant une société sinusoïdale, un Réseau de cartels à la
fois hors du monde et en son sein, capable de susciter une onde menant à la société autonome
et conviviale, de propager de manière délirante et pourtant méthodique le Chaos. Nous
sommes partout, anonymes au sein de la « foule solitaire » mais reliés en secret, dansant déjà
sur les ruines du cadavre ; nous sommes telles des sociétés secrètes, collectifs informels qui se
font et se défont pendant que les solidarités restent et se renforcent ; ombres furtives qui
s’agrègent pour ensuite disparaître chacun de son côté… pour se retrouver à la terrasse d’un
café peu de temps après. Et c’est en créant et diffusant des espace-temps subversifs que le
système peut être déconstruit, que le pouvoir local peut être réapproprié par le peuple. Cela
implique de se défaire un tant soit peu de l’aliénation de l’Empire.
De la nécessité du conflit et de la désobéissance
Vers une société autonome et conviviale
SOMMAIRE
1-Le conflit relationnel
2-Le conflit social et politique
3-La désobéissance
4-La « société autonome » et conviviale comme projet
5-Les dimensions d’une possible « société » autonome et conviviale
extrait 1:
Plus que toute autre chose, l’avenir révolutionnaire est donc dans une attitude
personnelle partagée, une attitude de résistance et de création réussissant à atténuer les
compromis avec le système, une volonté farouche de vivre libre malgré tout, et une
capacité certaine de détachement vis-à-vis de toute obligation ou enjeu primordial, que
ce soient les institutions étatiques, les discours bien-pensants, la Révolution idéalisée, les
habitudes aliénées de tous les jours, ou je ne sais quoi d’autre (avec bien entendu une
bonne dose d’humour, en regardant avec un certain amusement l’agitation du monde).
Dans l’idée que ce qui prime sur toute fonction, sur tout « devoir », est l’existence. Dans
l’intégration identitaire de l’insoumission. Dans la liberté faite mode de vie. En restant
finalement un peu sauvage –et il n’y a rien de tel qu’une émeute pour s’affranchir de ses
dernières barrières mentales. Parce qu’au delà de la réussite de la révolution comme
idéologie, il s’agit de vivre -quitte à passer des compromis nécessaires, et tout en se
risquant à réussir. Au moins pouvons-nous être en accord avec nous-mêmes –ce qui
n’est surtout pas se donner bonne conscience. Savoir ce que l’on veut et réapprendre à
rêver : ce dont on rêve, c’est ce que l’on veut. Faire. Poétiser sa vie.
Lutter peut revêtir un engagement moral, au moins de principe (pour les
générations futures, pour les exclus, pour tous les autres etc.). Mais la volonté
révolutionnaire dépasse la dualité altruisme/égoïsme : on conteste et tend la main pour
soi parce que cela nous rend heureux (plus : cela nous semble aller de soi) ; mais être
heureux est impossible sans prise en compte d’autrui : son propre « intérêt », qui n’est
en fait que la réalisation de ce que nous sommes, passe par l’élaboration avec d’autres
d’une destinée collective. L’existence n’est pas dans la solitude. La liberté non plus : elle
surgit dans la relation.
Ainsi, notre état de grâce n’est pas conditionné à la réussite de notre but qu’est la
matérialisation de la révolution et la suppression de tout ce qui vient nous gêner dans la
poursuite de notre existence souhaitée. La désobéissance n’est pas un devoir au nom
d’une cause qui nous dépasse, elle est une attitude quotidienne et pourtant
exceptionnelle qui nous libère et apporte la joie. L’insoumission faite mode de vie, c’est
refuser avec d’autres d’être spectateur de sa propre existence. La révolution est alors
devenue utopie concrétisée.
extrait 2:
La société autonome et conviviale comme projet consiste à résoudre la mise en tension entre
les conditions matérielles d’existence, la contemplation, l’esthétique, et le politique, aussi bien
au niveau individuel que collectif. La convivialité se glisse quant à elle dans tous les
interstices de la vie quotidienne, au sein de toutes les activités, en réintroduisant de la
camaraderie, du rire et du jeu : c’est la condition fondamentale à l’instauration d’une
« bonne » société. La société émancipée n’est pourtant pas harmonieuse au sens d’absence de
conflits, mais une société relationnelle re-localisée, faite de collectifs autogestionnaires reliés
les uns aux autres ou imbriqués dans un ensemble plus vaste, revalorisant la richesse
symbolique et sociale par rapport aux richesses matérielles et économiques. Chaque localité
développant sa propre vision du monde. Une société permettant à l’individuation de surgir,
définissant un cadre institutionnel jamais institué souple et suscitant de l’autonomie créatrice.
Une société de dialogue, de joutes oratoires, de débats d’idées, parfois d’actions
désobéissantes et de situations insurrectionnelles. Il est probable que la réalisation de la
démocratie veuille dire révolution permanente. L’enjeu sera de mettre en tension transmission
des savoirs et de la culture avec leur remise en cause systématique ; harmonie et conflit, l’un
ne pouvant se passer de l’autre (bref, confronter une sensibilité anarchiste qui exalte la
critique et un certain sens « conservateur » orwellien). Accepter le conflit, ce n’est pas le créer
ou l’intensifier, c’est au contraire l’apaiser tout en lui donnant une positivité. Et permettre aux
existences de chacun d’émerger.
Les deux brochures sont téléchargeables sur:
http://subversite.anartoka.com/viewtopic.php?p=784#784