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Lu sur Ressources sur l'utopie : "Le Happening ou communauté éphémère d’agitation culturelle et politique, réunissant un groupe pluraliste d’artistes, de militants, de provocateurs... a été théorisé par Allan KAPROW notamment dans son Assemblage, environnements and happenings publié à New York en 1966, et même avant lui, en 1965, par Wolf VOSTEL dans Happenings. Il renoue avec les performances artistiques provocatrices de toutes les avant-gardes de la fin du XIX° et du début du XX° siècle. Différentes formes artistiques vont s’en inspirer, comme le Concept Art (c’est aussi le titre d’un livre de Klaus HONNEF en 1971). Ces ouvrages des sixties sont contemporains de la vague beat et hippie, et ce n’est guère étonnant tant les Parades (celle des Diggers surtout), les festivals rocks, les sit-in, love-in, mud-in et autre be-in sont un des traits marquants de la période. En janvier 1967 les compères beats Gary SNYDER et Alan GINSBERG on réalisé le Gathering of the tribes ou World’s first human be-in. La déjà citée Digger’s death of money parade date d’octobre de la même année. Une ère est lancée, qui va culminer avec Woodstock et ses peut-être 500 000 participants. La fête hippie est bien une fête libertaire, collective, anti-hiérarchique, spontanéiste et ludique. Elle a souvent une portée contestataire, révoltée, et devient donc une expression de contre-société utopique, ne serait-ce que par dérision, par transgression. « Ainsi le refus des contraintes, même artistiques, la possibilité pour chacun de faire ce qu’il veut rejoignent les idées politiques de la gauche contestataire, à savoir ce rejet de la hiérarchie et de l’autorité sous toutes ses formes qui est l’une des différences majeures entre la gauche classique et la nouvelle gauche »1.
La notion de happening est très proche de celle de performance qui est utilisée surtout dans le milieu anglo-saxon des années 1960-1970. La performance définit une action artistique en liaison ou contre le public. Elle use volontiers du dialogue dérangeant, de la provocation et mise sur interactivité, spontanéité des échanges, règne de l’improvisation… Le terme aujourd’hui désigne la plupart des actions face au public, quel que soit le lieu, des divers mouvements d’Avant-gardes.
Il semble que le groupe GutaÏ au Japon a (re)lancé le mouvement du happening proprement dit depuis 1955.
Si on remonte encore
plus en avant dans le temps, un premier happening serait l’œuvre
dès 1952 de John CAGE dont les liens avec la pensée et
le mouvement anarchistes ont souvent été cités.
Le premier happening de KAPROW ne date lui que de 1959. John CAGE et
son compère CUNNINGHAM ont voulu mêler touts les arts,
sans aucun respect des normes et sans aucune hiérarchie, dans
un mélange de pluralité artistique et politique très
libertaire. CAGE définit la notion « d’anarchie
pratique » dans laquelle l’œuvre perd son statut
juridique et esthétique, où elle est reprise en mains,
recomposée par les compositeurs. Liberté
d’interprétation et liberté de présentation
s’enchevêtrent. Ce type d’activités artistiques qui
fait exploser tous les carcans va être la grande référence
de la « contre-culture ». 20 ans
plus tard, en 1978, CAGE poursuit encore ses recherches libertaires
et propose Il treno preparato lors de son voyage
italien. Désormais il n’est plus tout seul, sa méthode
a proliféré, notamment dans les Produktionprozesse
de D. SCHNEBEL ou dans le sens de « l’impromuz »
peaufiné par Ghédalia TAZARTÈS2.
À Metz en 1977, le festival est plein de références
explicites à ce compositeur libertaire, notamment dans le Sila
Silasphir de Josef Anton RIEDL.
Mais l’origine du
happening semble encore plus ancienne, si on se réfère
aux poèmes criés lors des manifestations littéraires
dans des cafés (le fameux Voltaire à Zurich),
véritables pré-happenings, des dadaïstes, comme
les décrit Tristan TZARA lui-même en 1916 dans Chronique
zurichoise. C’est Hugo BALL qui le premier leur donne une
constance forte. À Paris le dadaïsme poursuit ces
actions décapantes, notamment en janvier 1920 avec le fameux
« Vendredi de ‘’Littérature’’ »3
ou TZARA entouré par BRETON et ARAGON qui agitent des
sonnettes se lance dans une intervention provocatrice à partir
d’un texte de Léon DAUDET. Durant toute l’année
1920, les lectures publiques et agitées des manifestes
dadaïstes se multiplient, culminant peut-être en mai avec
le « festival Dada ». Beat generation
états-unienne et surréalisme vont généraliser
ses pratiques.
Les dadaïstes eux-mêmes s’inspiraient évidemment (via Hugo BALL notamment) des soirées expressionnistes, dont la plus marquante date du 12/05/1915 au Harmoniumsaal de Berlin.
Ils renouaient également avec les premiers happenings futuristes italiens d’avant la guerre de 1914, notamment dans l’avant-garde romaine4 qui fait irruption dans l’université sous des formes provocatrices et volontairement théâtrales. Depuis 1914, ils avaient organisé le peut être premier « teatro comportemento » provocateur en interrompant des cours dans l’université romaine, avec des militants déguisés selon les dessins de Giacomo BALLA5.
Et toujours plus avant, il est possible de parler de « premiers happenings »6 en évoquant les actions de « théâtre permanent » en divers lieux, surtout les cabarets, qu’en fin du XIXè siècle met en œuvre l’ancien communard Maxime LISBONNE. Dès l’amnistie du début des années 1880 il cherche à promouvoir les « tableaux vivants », aux visées didactiques, notamment contre les rigueurs du bagne, de l’enfermement… tableaux vivants que réutiliseront près de ¾ de siècle plus tard les surréalistes.
Cette action collective, ponctuelle, mouvante dans le temps et l’espace peut très bien utiliser la notion d’hétérotopie chère à FOUCAULT pour être mieux cernée. Elle se veut festive, sensuelle, sans limite, imaginative, cherchant à stimuler tous les sens des acteurs comme des spectateurs vis à vis de qui la frontière est désormais ténue. C’est une micro-utopie libertaire au sens propre du terme.
En France, mais aussi aux États-Unis, en Italie surtout, et dans de nombreux autres pays, cette pratique est assumée surtout par le polyvalent et omniprésent Jean-Jacques LEBEL7. Cet anarchiste né en 1936, lié par sa famille au milieu surréaliste et dadaïste (son père est biographe de DUCHAMP, lui-même très jeune entretient une relation compliquée avec André BRETON) se lie aux milieux d’extrême gauche anti-autoritaires dès les années 1950 : aux « lettristes », aux situationnistes (il rencontre DEBORD dès 1952 et connaît le peintre et architecte CONSTANT qui justement peint en 1973 Happening), aux marxistes critiques de Socialisme ou Barbarie, aux anarchistes ou conseillistes de Noir et Rouge et d’ICO - Correspondance Internationale Ouvrière... Il reste cependant inclassable, autonome, se brouille avec les situationnistes, est rejeté par son père spirituel BRETON en 1960...
Il réalise son
premier happening à Ibiza en 1958, et le premier en France à
Paris à La Galerie, en février 1960. Il est
alors lié à l’artiste-écrivain Daniel
POMMEREULE. Cependant l’activité de KAPROW au Bon Marché
en 1960 est une date également importante pour préciser
l’émergence en France de cette forme d’activisme. Au début
des sixties LEBEL rencontre d’ailleurs KAPROW et les membres de la
beat generation (il est très lié à Allen
GINSBERG et à Gregory CORSO), se trouve proche du Living
Theatre (il assume un rôle dans leur Poésie
Directe dans leur local de New York en 1962) et se nourrit de
culture contestataire et musicale (be-bop-jazz, DYLAN, Patti
SMITH...)... Il va théoriser tout cela plus tard avec ses amis
Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI qui lancent la décapante
idée « d’esthétique nomade »...
Lors de la Guerre
d’Algérie, il prône l’insoumission, se rallie au
Manifeste des 121, aide les déserteurs, s’exile
en Italie et à New York et lance ses premières grandes
séries d’activités collectives militantes. Après
l’épisode de Front Unique de 1956-1960, il
lance ses trois Anti-Procès contre la Guerre. Le
troisième à Milan (après Paris et Venise) en
1961, autour de l’oeuvre-manifeste à plusieurs mains (dont
l’anarchiste milanais Enrico BAJ) « Grand tableau
antifasciste collectif »8,
lui vaut l’arrestation à la demande des autorités
françaises. Les AntiProcès sont des
regroupements ou communautés temporaires d’artistes de toute
branche (cinéma, peinture, poésie, sculpteurs,
musiciens...) qui comptent selon les cas de 30 à 50
intervenants. Dans leur Manifeste de l’AntiProcès
n°3, Alain JOUFFROY et Jean-Jacques LEBEL affirment qu’il
s’agit « d’une manifestation antiautoritaire,
antimorale, dans laquelle les artistes revendiquent par des œuvres
la nécessité absolue de la liberté ».
Cette utopie artistique est bien décrite par le seul JOFFROY
dans Pour un dépassement de l’AntiProcès par
lui-même (Catalogue milanais de 1961) : « En
inventant une nouvelle forme de combat, l’AntiProcès
devient, non ‘’un mouvement’’, ni un ‘’groupe’’,
héritages surannés de l’histoire de l’art, mais
plus efficacement une ‘’prospective’’ ».
De 1964 à 1967 il
reprend ses activités avec les provocateurs Festivals de
la Libre expression, où la nudité (celle de
Yoko ONO non encore célèbre est particulièrement
connue désormais) et la pornographie servent de moteur à
la dénonciation des valeurs des sociétés
occidentales ; c’est surtout le cas en 1966 avec 120 minutes
dédiées au divin marquis. La période
autour de mai 1968 le trouve plus activiste que jamais, et souvent au
service des libertaires comme avec ses amis italiens, avec la CNT
espagnole en exil (Meeting de la Mutualité en avril 1969) ou
avec l’Internationale Anarchiste à Carrara en 1968... La
photo le montrant en tête de manifestation avec une jeune
héritière états-unienne sur les épaules
est bien connue, trop pour la jeune femme qui fut vraisemblablement
déshéritée à cause de cela !
De 1979 à la fin des années 1980, son groupement POLYPHONIX et ses Festivals de Poésie Directe, co-fondés par Julien BLAINE et François DUFRÊNE forment une sorte de communauté utopique internationale, sans frontières, et sont un des rares prolongements libertaires et contestataires fidèles à l’esprit de 1968.
Par son talent, sa participation à d’innombrables expositions et happenings9, les multiples mouvements et influences qu’il fait converger, le libertaire Jean-Jacques LEBEL est un des plus impressionnants personnages aptes à incarner l’esprit de révolte, d’agitation culturelle, de dénonciation de la société de consommation... qui culmine dans les années soixante, et bien au-delà. Il permet au groupe Panique de se développer (Cf. ci-dessous) et est proche des spectacles psychédéliques de la vague hippie, qui sont cependant moins engagés politiquement. Le premier qui touche la France semble être « La fenêtre rose » de 1967 au Palais des Sports.
Michel Anthony
1 SAINT-JEAN-PAULIN Christiane La contre-culture. États Unis années 60 : la naissance de nouvelles utopies Paris, Autrement, Mémoires n°47, 217p,1997, p.77
2 STOIANOVA Ivanka Pratiques utopiques et recherches artistiques actuelles, -in-Stratégies de l’utopie, 1979
3 DUROZOI Gérard Histoire du mouvement surréaliste, Paris, Hazan, 1997
4 SALARIS Claudia La Roma delle avanguardie – dal futurismo all’undergroud, Roma, Riuniti, 256p, 1999
5 SALARIS Claudia Controcultura e « arte contro » in Italia,-in-RSDA, Pisa, BFS, a.9, n°2(18), luglio-dicembre 2002
6 GRANIER Caroline « Nous sommes tous des briseurs de formule » : les écrivains anarchistes en France à la fin du XIXè siècle, Vincennes-St-Denis, Thèse en Lettres Modernes à Paris VIII, 1400p, décembre 2003, p.337
7 LABELLE-ROJOUX Arnaud/LEBEL Jean Jacques Poésie directe. Happenings, interventions, Paris, Opus International, 1990
8 Collectif Grand tableau antifasciste collectif, Paris, Dagorno, 134p, 2000
9 Centre Culturel Français de Milan Jean-Jacques LEBEL, Milano, 1999
Pour une mise à jour éventuelle, voir (http://missiontice.ac-besancon.fr/hg/grenier/Autres/Utopies/utopies.htm ) ou la page d'origine Microsociétés "artistiques"
*titre original : "Hétérotopies des happenings... autour de Jean-Jacques LEBEL" (NDLR)
Lire aussi le dossier sur les origines de mai 1968
Commentaires :
gepetino |
Soirée Happening ! autour de Jean-Jacques Lebel 5 novembre 2008Le peuple qui manque organise, dans le cadre de son cycle de films Insurgés du corps ! (art en action), le Mercredi 5 novembre 2008, une soirée Happening ! consacrée à Jean-Jacques Lebel, au cinéma Le Méliès de Montreuil. En présence de Jean-Jacques Lebel et Jean-Michel Humeau
Projections de plusieurs films inédits et de Hé Viva Dada (1965) du documentariste Jean-Michel Humeau autour du 2ème Festival de La Libre Expression, organisé par Jean-Jacques Lebel en 1965 au Centre américain des Artistes. Mercredi 5 novembre 2008 à 20h : Cinéma le Méliès, 7 avenue de la Résistance, Montreuil 93100 M° Croix-de-Chavaux (ligne 9, sortie 3). Tarifs 5,50 euros/réduit 4,35 euros + d'informations sur la soirée : http://www.lepeuplequimanque.org/corps-insurges/mercredi-5-novembre-2008 Répondre à ce commentaire
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à 01:44