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LU SUR rebellyon.info : " REPÈRES Au jour le jour, quelques points de repères historiques ne sont pas inutiles, surtout quand on ne les trouvent pas dans nos manuels d’histoire. Des évènements souvent méconnus, lointains ou plus récents, des révoltes, des alternatives sociales qui ont eu lieu à Lyon et aux alentours... formeront à cha peu [1] l’Almanach de Myrelingue (c’est le surnom de Lyon qui veut dire mille langues ; c’était en effet une babylone à la Renaissance). Nous y trouverons aussi d’autres évènements occultés dans l’histoire officielle, comme certains désastres de la colonisation, ainsi que d’autres luttes...
C’est ainsi que le 8 janvier 1883, à Lyon, débute le procès dit "des 66". Il est reproché aux accusés « d’avoir (...) été affiliés ou fait acte d’affiliation à une société internationale, ayant pour but de provoquer à la suspension du travail, à l’abolition du droit de propriété, de la famille, de la patrie, de la religion, et d’avoir ainsi commis un attentat contre la paix publique. »
Et c’est le 19 janvier que les prévenus liront devant le Tribunal correctionnel de Lyon la déclaration suivante, devenue aujourd’hui texte primordial de référence :
« Ce qu’est l’anarchie, ce que sont les anarchistes, nous allons le dire : les anarchistes, messieurs, sont des citoyens qui, dans un siècle où l’on prêche partout la liberté des opinions, ont cru de leur devoir de se recommander de la liberté illimitée. Oui, messieurs, nous sommes, de par le monde, quelques milliers, quelques millions peut-être - car nous n’avons d’autre mérite que de dire tout haut ce que la foule pense tout bas - nous sommes quelques millers de travailleurs qui revendiquons la liberté absolue, rien que la liberté, toute la liberté !
Nous voulons la liberté, c’est-à-dire que nous réclamons pour tout être humain le droit et le moyen de faire tout ce qui lui plaît, et ne faire que ce qui lui plaît ; de satisfaire intégralement tous ses besoins, sans autre limite que les impossibilités naturelles et les besoins de ses voisins également respectables.
Nous voulons la liberté, et nous croyons son existence incompatible avec l’existence d’un pouvoir quelconque, quelles que soient son origine et sa forme, qu’il soit élu ou imposé, monarchique ou républicain, qu’il s’inspire du droit divin ou du droit populaire, de la Sainte-Ampoule ou du suffrage universel.
C’est que l’histoire est là pour nous apprendre que tous les gouvernements se ressemblent et se valent. Les meilleurs sont les pires. Plus de cynisme chez les uns, plus d’hypocrisie chez les autres ! Au fond, toujours les mêmes procédés, toujours la même intolérance. Il n’est pas jusqu’aux libéraux en apparence qui n’aient en réserve, sous la poussière des arsenaux législatifs, quelque bonne petite loi sur l’Internationale, à l’usage des oppositions gênantes. Le mal, en d’autres termes, aux yeux des anarchistes, ne réside pas dans telle forme de gouvernement plutôt que dans telle autre. Il est dans l’idée gouvernementale elle-même ; il est dans le principe d’autorité.
La substitution, en un mot, dans les rapports humains, du libre contrat, perpétuellement révisable et résoluble, à la tutelle administrative et légale, à la discipline imposée ; tel est notre idéal. Les anarchistes se proposent donc d’apprendre au peuple à se passer du gouvernement comme il commence à apprendre à se passer de Dieu.
Il apprendra également à se passer de propriétaires. Le pire des tyrans, en effet, ce n’est pas celui qui nous embastille, c’est celui qui nous affame ; ce n’est pas celui qui nous prend au collet, c’est celui qui nous prend au ventre.
Pas de liberté sans égalité ! Pas de liberté dans une société où le capital est monopolisé entre les mains d’une minorité qui va se réduisant tous les jours et où rien n’est également réparti, pas même l’éducation publique, payée cependant des deniers de tous.
Nous croyons nous, que le capital, patrimoine commun de l’humanité, puisqu’il est le fruit de la collaboration des générations passées et des générations contemporaines, doit être à la disposition de tous, de telle sorte que nul ne puisse en être exclu ; que personne, en revanche, ne puisse accaparer une part au détriment du reste.
Nous voulons, en un mot, l’égalité ; l’égalité de fait, comme corollaire ou plutôt comme condition primordiale de la liberté. De chacun selon ses facultés, à chacun selon ses besoins ; voilà ce que nous voulons sincèrement, énergiquement ; voilà ce qui sera, car il n’est point de prescription qui puisse prévaloir contre les revendications à la fois légitimes et nécessaires. Voilà pourquoi l’on veut nous vouer à toutes les flétrissures.
Scélérats que nous sommes ! Nous réclamons le pain pour tous, le travail pour tous ; pour tous aussi l’indépendance et la justice. »
De très dures condamnations seront prononcées contre les inculpés : 4 ans de prison pour les "meneurs", tel Pierre Kropotkine, Émile Gautier, Joseph Bernard, Pierre Martin [1], Toussaint Bordat [2]... et de six mois à trois ans pour 39 autres de leurs compagnons.
Pour découvrir de nombreux textes anarchistes, voir Bibliolib, la bibliothèque libertaire en ligne, et pour découvrir les acteurs et actrices du mouvement libertaire d’hier et d’aujourd’hui, consulter l’Éphéméride Anarchiste ou encore l’Encyclopédie sur l’Anarchisme.
[1] Pierre Martin dit "Le bossu" : militant anarchiste, antimilitariste et pacifiste. Il naît le 16 août 1856 à Vienne (Isère), et travaille dès l’âge de 6 ans dans l’industrie textile. En 1879, il prend part à une très dure grève de 5 mois, et dès lors devient un militant important du mouvement anarchiste. Orateur de talent, intelligent et généreux, il suscite l’enthousiasme des ouvriers. En 1880, à Vevey, il prend part à une réunion de la "Fédération jurassienne" et participe l’année suivante au congrès de Londres. Mais après l’agitation sociale des mineurs de Monceau-les-Mines et l’attentat de la place Bellecour à Lyon, en octobre 1882, il est arrêté avec de nombreux autres compagnons, dont Kropotkine. Au total ce sont 66 militants anarchistes qui comparaissent le 8 janvier 1883, devant le tribunal de Lyon. Ils sont accusés d’avoir fait acte d’affiliation à l’Internationale (alors interdite en France).Condamné à 4 ans de prison, Pierre Martin est interné à la centrale de Clairvaux. Libéré en janvier 1886, il reprend ses activités militantes. Arrêté de nouveau avec 18 autres anarchistes (hommes et femmes) après les émeutes du 1er mai 1890, à Vienne, il est condamné à 5 ans de prison qui seront réduites en appel à 3 ans, mais qui altèrent gravement sa santé. Libéré en août 1893, il se fixe un temps à Romans où il milite avec sa compagne Fanny CHAUMARET (anarchiste comme lui) dans les groupes de la Drôme. En 1894, après le vote des "lois scélérates", il est une nouvelle fois arrêté comme anarchiste mais finalement libéré après 3 mois de prison. Interdit de séjour dans la Drôme, il devient photographe ambulant. En 1906, il est encore inquiété par la justice après avoir signé une affiche antimilitariste ; en 1910, durant la grève des chemins-de-fer ; en 1912, pour incitation à la désobéissance, etc. A Paris, où il se fixe, il devient administrateur du "Libertaire". Inscrit au "Carnet B", il s’oppose durant la guerre à "l’union sacré" et au "Manifeste des 16", participant aux côtés de Sébastien Faure et de Louis Lecoin à l’action pacifiste, et ce jusqu’à sa mort survenue le 6 août 1916 au siège du "Libertaire" à Paris.
[2] Toussaint Bordat : militant anarchiste lyonnais né le 11 juillet 1854 à Chassenard (Allier). Engagé à 16 ans, il participe aux combats de l’armée de la Loire en 1870. Il se fixe ensuite à Lyon et y devient canut (ouvrier tisseur) de la Croix-Rousse. Son engagement politique se situe alors au sein du "Parti ouvrier socialiste" dont il est une figure marquante. Mais, en désaccord avec la ligne guesdiste (marxiste et électoraliste), il crée en 1881, le "Parti d’action révolutionnaire", qui se rallie à l’anarchisme. Le 18 juin 1882, lors d’une manifestation en souvenir de la sanglante répression des mineurs de la Ricamarie, il est condamné suite aux violences qui s’y déroulent à un mois de prison. En 1882, il collabore au journal anarchiste lyonnais "Le Droit social" puis à "L’Etendard révolutionnaire" qui lui succède. Partisan de l’action directe, il justifie, par l’écrit et la parole, les actions de la "Bande noire" de Montceau-les-Mines contre les édifices religieux. Le 14 octobre 1882, il est arrêté et inculpé avec d’autres militants de "reconstitution d’une internationale révolutionnaire". Le procès monstre dit des "66" se déroule début 1883, il y est condamnée à 4 ans de prison et à une forte amende. Il ne sort qu’en janvier 1886, pour reprendre ses activités révolutionnaires qui lui valent à nouveau quelques mois de prison et une interdiction de séjour. Il se fixe alors à Vienne puis à Narbonne où il organise, en 1897, les conférences de Sébastien Faure.
Commentaires :
Anonyme 19-01-07
à 23:16 |
Re:En même temps, cela ne fait que souligner par contraste l'état moribond de l'anarchisme en 2007. Ressasser encore et encore les écrits des grands anciens est certes revigorant, mais où sont les Kropotkine du XXIe siècle qui nous parleraient du monde d'aujourd'hui, où le capitalisme a pris une ampleur encore plus dévastatrice...
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ibubolo 20-01-07
à 10:30 |
Re: Re:si tu veux un kropotkine rétabli d'abord la monarchie
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Anonyme 21-01-07
à 09:55 |
Re: Re: Re:ibibolo, n'écris pas n'importe quoi, en 1883 c'était la 3e république.
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ibubolo 21-01-07
à 10:36 |
Re: Re: Re: Re:kropotkine était prince...
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flippy 22-01-07
à 15:27 |
Re: Re: Re: Re: Re:et alors ? en matière de révolte il n'ya pas besoin d'ancêtres
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ibubolo 22-01-07
à 15:50 |
Re: Re: Re: Re: Re: Re:nan, mais des situations, oui
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ibubolo 23-01-07
à 21:07 |
Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re:j'ai l'impression que les anarchistes ont trop souvent de la peine à se vivre au quotidien.
La solution la plus efficace est de se réfugier dans un passé romantique et dans des défaites héroïques. Il est urgent de faire vivre de nouvelles formes d'anarchisme, faute de quoi, on peut déjà commencer à cotiser pour un musée grévin libertaire. Répondre à ce commentaire
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à 16:12