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Car quoi, pourquoi veut on changer le monde ? Pour quoi ?
Il faut dire que nous avons laissé notre militant dans une situation difficile. Quelque chose ne va pas. Le monde de va pas. Les autres ne vont pas. Et lui-même ne va pas. On ne va pas bien, et on ne va nulle part. Or si ce militant ne croit plus en Dieu, il croit sûrement encore au Diable : il y a un mal a éradiquer, il y a des mal-faiseurs à remettre dans le droit chemin.
On ne va pas tergiverser. Le fondement d’une éthique consiste en général à renoncer pour soi à un bienfait, ou tout au moins soit à le repousser dans le temps, soit à l’amoindrir dans l’immédiat. L’éthique se fonde sur le renoncement et l’inhibition, ce qui est dur à avaler dans un monde d’abondance et d’action. Sous cet aspect, l’éthique semble même incompatible avec la lutte pour/contre le pouvoir. Pourtant, parce qu’il n’y a qu’une quantité finie de matière dans le gâteau, si je veux que tous mes voisins puissent y goûter avec moi, il faut bien que je renonce à la grosse part qui me faisait tant envie. Dans une mesure plus grave, si un parent pour lequel j’ai de l’affection souffre trop de sa fin de vie, je vais devoir surmonter tout mon attachement pour le laisser partir. Etc., etc.
Oui, mais vous me direz : « - C’est
un peu un truc de faux-cul ton truc. »
Et je lis dans vos yeux que vous
rajoutez en pensant très fort dans votre tête : « - …comme tous les
trucs de curé. »
Mais vous ne le dites pas à voix
haute, par égard pour moi, et parce que mine de rien vous voulez savoir où je veux
en venir, si je vais m’enfoncer encore plus ou enfin sortir un argument digne d’intérêt.
Et puis surtout, parce que vous en avez une meilleure.
L’air indigné vous rajoutez :
« - Si un grand costaud débarque et fauche la moitié des parts de gâteau
rien que pour lui, personne osera lui dire quoi que ce soit, ou se fera péter
la gueule. Alors ta morale, tu la feras à la petite maigrichonne qui dit rien dans
son coin ! »
« - …et puis si ça se trouve
elle parle même pas français, et c’est elle qu’aura fait le gâteau, en plus. »
rajoutez-vous, essayant de capter du coin de l’œil l’effet que vous
avez provoqué sur les témoins de votre victoire par K.O.
Certes.
Il n’est pas question de discuter ici l’indéniable : les maigrichonEs doivent s’unir pour faire comprendre au grand costaud qu’il abuse un peu, et que le partage équitable des richesses c’est comme ça, et pas autrement. Le problème pratique qui s’impose à nous aujourd’hui, c’est qu’on est pas beaucoup de maigrichonEs à dire ça, et que les autres maigrichonEs, même pas ils écoutent. Et qu’est-ce qu’on raconte nous les maigrichonEs ? Que l’envie du faible est toujours légitime, aussi déraisonnable soit-elle, aussi mal-fondée (c'est-à-dire non fondée sur une éthique claire) soit-elle. Ce n’est pas grave, car de toute façon son garde fou, c’est sa faiblesse (mais ça c’est rare que nous osions l’avouer). Au fond, je suis sûr qu’aux yeux du « bon peuple », nous passons pour des envieux. Oh, cette envie ne concerne pas que les biens matériels. Nous envions aussi le pouvoir comme capacité, le pouvoir de vivre comme nous le voulons, fût-ce à poil au beau milieu des forêts. Et en fin de compte, nous ne faisons pas envie aux gens.
Oui, les envieux ne font pas envie. Notre arrogance, c’est que la seule chose que nous savons proposer, c’est une promesse. Que si seulement … alors les richesses (des quelques autres), seraient à tous. Et encore, quand on ne commence pas à expliquer que même des trucs qu’on possède quand on est pauvre (voiture, télé, portable, etc.), ben, faudra songer à s’en passer. Qu’avons-nous à proposer tout de suite pour montrer que commercer avec nous est avantageux ? Où est cette richesse humaine que nous opposerons à la misère humaine ? Où sont les faces rayonnantes et chaleureuses de la bien-faisance ? La fraternité/sororité ? L’abondance non de nos biens mais de notre générosité ? Notre accueil ? Notre écoute ?
Si nous sommes des gens qui faisont envie, alors nous n’auront même pas besoin de nous poser la question de savoir comment se faire des amis. Un être est sensible en ce qu’il se dirige vers « ce qui » lui procure une expérience positive et fuit « ce qui » le conduit à une expérience négative. Un anarchiste ne voudrait pas retirer à l’individu le droit d’être seul appréciateur de sa sensibilité ? Parce que les humains sont des êtres sensibles. Des moyens considérables sont mobilisés pour jouer de cette sensibilité. Nous n’avons pas beaucoup de moyens, mais nous pouvons, sinon devons, aller sur le terrain où les moyens ne sont rien, celui de la vraie humanité. Terrain/terreau qu’on évite, et dont on se laisse distraire assez complaisamment, parce que c’est aussi le terrain de l’éthique, du renoncement de soi…
Le terreau, c’est une terre noire, de putréfaction. Parce que renoncer à soi, c’est dangereux à plus d’un titre… un anarchiste ne joue pas facilement à ce petit jeu là… mais après, peut être serons-nous prêt à apprendre à accueillir…
Commentaires :
Cercamon |
Précisions IID’aucuns trouverons que je force vraiment le trait,
là. Sûrement. Je tiens à préciser que si
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à 00:36