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Lu sur GenderTrouble.org :
Je ne pense pas que l’ « irresponsabilité affective » soit que l’apologie des hommes, mais je pense que cette notion d’ir-responsabilité est « genrée ». Plus exactement, je pense qu’elle se situe dans un rapport de pouvoir social, de domination où le mot homme peut être remplacé par dominant et le mot femme peut être remplacé par dominée. Être sensible aux émotions des autres, se préoccuper de l’état de la relation n’est en rien de « l’intuition féminine » - de même que la logique, la rationalité, la spontanéité et la prise de risque ne sont pas les traits naturels du bon mâle - mais se retrouvent dans tout rapport hiérarchisé : patron-ne/empoyé-e, colonisateur-trice/ descendant-e d’ex-colonisé-e, valide/handi, jeune, vieux et vielles/ adulte, etc. Lorsqu’on est dans une position où l’on dépend du dominant-e et qu’on nous a appris à se percevoir ainsi, on a de bonnes raisons de faire attention à l’autre, de se soucier de comment ille vit la relation, et de réfléchir à l’état des relations pour que tout le monde se sente bien.
Pour parler plus de moi (c’est à dire du rapport de domination homme/femme étant blanche, sans enfant, hétérosexuelle, de milieu intellectuel et valide), dès toute petite, mon rôle dans la famille était de comprendre/ d’analyser/ d’expliquer à tout le monde - plus particulièrement à mon père et à mon frère - ce qui n’allait pas dans leur vie relationnelle. J’ai donc appris très tôt, comme une bonne petite femme, à prendre en charge le relationnel et à me préoccuper de l’état physique et affectif des personnes qui m’entourent. J’ai appris à ce que les gestes, les mimiques, les demi-mots aient du sens pour moi et de modifier ma pensée et mes actes en fonction. Ainsi, j’ai appris à me définir en fonction des hommes et à chercher le sens de ma vie en m’adaptant aux désirs masculins. Le fait que j’étais définie et me définissais (et me définis encore) par mes relations aux autres, fait que j’étais (je suis) dirigée par les autres plus que par moi-même. Ceci fait que je doute de moi, je recherche l’approbation des autres, mais aussi, absorbée dans les autres, ils ont le pouvoir de définir ma (la) réalité. Cette prise en charge du relationnel et cette attention aux autres, ne sont pas pour autant des pensées/ attitudes/ comportements que je ne veux plus avoir. Je cherche à ce que tout le monde se sentent responsables dans leurs relations aux autres, réfléchissent, agissent pour que tous et toutes on se sente bien et non que certain-e-s se laissent porter par le travail des dominé-e-s.
Contextes collectifs :
J’entends dire que ce n’est pas vrai que le relationnel, la gestion de la vie collective est moins valorisée et visibilisée que des actions plus « masculines » (écriture de textes théoriques, actions spectaculaires ...) dans les milieux squats autogérés. Expliquez-moi alors pourquoi, quand une personne « pète un câble » dans nos collectifs ou vient chercher du soutien, c’est à plus de 80% des femmes qui lâchent leurs activités en cours, changent leurs priorités pour gérer ces situations ? Expliquez-moi alors pourquoi ce sont les femmes qui se mobilisent pour trouver des solutions lors d’agressions sexuelles pour que les femmes se sentent pas oppressées et mal ; mais aussi pour que l’exclusion de l’agresseur de certains espaces ne se transforme pas en sanction punitive ? Expliquez-moi alors pourquoi on entend parler de comment une personne gère ses relations affectives qu’à partir du moment qu’ille a écrit un texte dessus (activité tout à fait masculine) et que des listes internet vont le/la refouler parce que c’est pas en rapport avec les squats ou l’anarchie ?
Plus particulièrement, je suis en colère contre les hommes de mon entourage qui ne sentent pas concernés par les situations de violences sexuelles que l’on subit par eux. Je parle de mes amIs qui ne se sont jamais posé la question de ce qu’ils pourraient mettre en place pour que ce ne soit pas que les femmes (ou presque) qui gèrent collectivement les situations d’agressions sexuelles visibilisées ; de mes amIs qui ne se posent aucune question (ou alors de façon très brève) sur leurs propres comportements lorsque des situations d’agressions sexuelles sont visibilisées (c’est plus facile d’avoir des boucs émissaires) ; de mes amIs qui disent qu’ils ne savent pas ce qu’ils pourraient faire parce qu’ils ne font pas partie du collectif où une situation d’agression sexuelle a été visibilisée (comme s’il ne se passait rien de similaire dans les autres collectifs et qu’il n’est pas nécessaire de réfléchir collectivement à ces situations quand elles ne sont pas visibilisées) ; de mes amIs qui font attention à leurs paroles et leurs actes que s’ils pensent que l’on va réagir et visibiliser leur comportements, mais qui ne vont pas se gêner de nous faire subir des violences s’ils sentent qu’il n’y aura aucune réaction ; de mes amIs qui vont se bouger qu’à partir du moment où leur amitié avec nous est en en jeu (il faut croire que travailler sur comment on oppresse les autres n’a pas de sens en soi) ; etc.
Ceci m’amène soit à éviter toutes discussions sur ces thèmes avec mes amIs car en continuant je n’arriverais plus à être amie avec eux, soit de pousser des coups de gueule en croyant qu’un autre monde est possible.
Relations amoureuses et/ou sexuelles :
Se conduire de façon « responsable » dans les relations amoureuses et/ou sexuelles - que ce soit d’un soir, quand l’on se croise, ou régulièrement - demande de l’énergie et donc du temps, et n’est pas toujours facile. Pour moi, être « responsable », c’est se questionner sur comment l’autre vit la relation, est-ce qu’elle satisfait tout le monde, si non : qu’est-ce qui peut être changé ou pas, quelles décisions prendre en fonction de cela ; c’est assumer que des choix feront souffrir l’autre ; c’est parler du type de relation qu’on a envie d’avoir avec l’autre dès le début ; c’est être clair sur le type de relation qu’on a avec l’autre, parler lorsque nos envies changent ; c’est respecter les règles de la relation que l’on a posées avec l’autre et en parler lorsqu’on ne les respecte pas ; etc.
Récemment, je me suis rendue compte que dans une relation amoureuse avec une personne responsable qui se soucie de l’état de la relation et y investit un minimum de réflexion (malheureusement cet effort n’a duré qu’un temps), je consacre moins de temps et d’énergie à essayer de comprendre l’état de la relation, à aborder certains sujets que face à des personnes irresponsables. De plus, je me sens plus indépendante de la relation car confiante. Ayant opté pour parler de l’état de la relation, notamment lorsque les désirs et envies changent - et faisant confiance à mon partenaire pour assumer cet engagement - ça m’avait permis d’être dans un état de confiance sans sentiment d’insécurité dû à la distance ou la présence d’autres relations privilégiées.
Petit formulaire « d’irresponsabilités affectives » :l’appréciation de la technique est marquée sous forme de ♥
NB : la plupart des exemples sortent de vécu personnel de relations amoureuses et sexuelles, mais aussi de relations amicales, familiales, ou de vie collective. Certains des exemples, sont aussi des histoires d’amiEs.
les pseudo-théories pour ne pas assumer la relation :
« tu sais on peut mourir demain, alors je sais pas ce que je veux vivre avec toi, je sais même pas si je serai encore vivant la semaine prochaine » ou « il faut arrêter de tout compliquer, il faut vivre au jour le jour » ♥♥♥ Ok, tu veux vivre au jour le jour, alors reste dans des relations sans lendemain. Et dans tous les cas, une relation affective et/ou sexuelle, ça implique de s’assurer qu’on est sur la même longueur d’ondes, que tout ce passe bien, et de prendre du temps quand il y a des problèmes. Par ailleurs, ce genre de discours dans des relations amoureuses sont parfaits pour rendre l’autre dépendant-e ! Nous, on prend en charge la relation et on ne sait jamais si, du jour au lendemain, tu ne vas pas nous dire que c’est fini, suivi d’un joli « carpe diem ». Alors on passe notre temps à chercher des signes annexes pour nous rassurer.
Suite à une demande d’être rassuré sur ce que tu vis avec l’autre, ille te sort : « je ne vois pas de différence entre les relations amicales et amoureuses, aucune relation n’est comparable » ou encore « mais si !, si tu meurs je serai triste » suivi de « je suis triste à chaque fois que j’entends que des personnes meurent dans le monde » (celle-ci à l’avantage de faire rire tellement c’est absurde, du moins la première fois) ♥♥♥ On vient pour être rassurée et toi flippant d’être un minimum engagé-e dans une relation ou d’exprimer que tu as des sentiments particuliers pour nous au bout de 3 ans de relation régulière, tu nous théorise « non à l’amour », ou je ne sais quoi. Alors à nous de faire le choix pour gérer notre flip entre : croire ce que tu nous dis et alors arrêter la relation, ou, comme précédemment, passer notre temps à chercher des signes annexes pour nous rassurer. En face, toi, tu es tranquille en recevant plein de marques d’affection de notre part vu qu’on flippe de perdre cette relation privilégiée.
En posant la question « on en est où dans notre relation », on te répond (si on te répond) : « en te posant toutes ces questions sur notre relation, tu me fais peur ! J’ai l’impression que tu es dépendante de moi. Tu es trop attachée à moi. » (avec un « léger » sous-entendu que tu n’arrives pas à sortir de ta construction de femme soumise et dépendante)♥♥♥ mais qu’est-ce que tu crois, si on pose ces questions, c’est parce que toi, tu n’es pas prêt de les aborder ! Si tu prenais un peu plus en charge la relation, je paraîtrais beaucoup moins dépendante. Au lieu de te préoccuper de ma « construction féminine », préoccupe-toi de ta « construction masculine ». Ne jamais se poser aucune question sur la relation, ne jamais parler d’affect, mais toujours de « liberté », si ça c’est pas genré !
les tactiques et les discours pour ne pas gérer « les relations libres » :
« ha, je t’avais pas dit ? » ou « mais je pensais que tu avais compris. » ou encore « je pensais que toi aussi tu avais envie de ce type de relation ! »♥♥♥ c’est un peu facile de supposer que le concept d’amour libre était implicitement entendu. C’est vrai ce n’est pas toujours évident d’en parler direct, surtout qu’on sait pas toujours quel type de relation on veut avoir avec l’autre, mais s’engager dans ce type de relation c’est aussi assumer la complexité que ça engage et le fait que toute personne n’a pas forcement envie de ce genre de relation. Puis en en parlant dès le début, tu risques d’avoir beaucoup plus de refus. C’est sûr que lorsque ça fait 3 mois qu’on est dans une relation, c’est plus difficile de dire qu’on n’accepte pas ce genre de relation car on a déjà vécu des trucs chouettes. Alors on accepte ce qu’on ne voulait pas accepter.
« c’est comme ça » ou « je suis comme ça, alors si ça te va pas, tu n’as qu’à partir » ♥♥♥ tu oublies un peu vite qu’une relation c’est à deux et non la dictature de l’un-e sur l’autre/ les autres. L’instinct a parfois bon dos pour ne rien remettre en question et ne pas assumer que ces choix font souffrir d’autres personnes.
« t’as qu’à avoir d’autres relations » « tu fais aucun effort pour avoir d’autres relations » ♥♥♥ c’est vrai qu’avoir plusieurs relations change la donne. À partir du moment où j’ai eu deux relations simultanées, je me sentais moins dépendante d’une de mes relations, j’avais moins peur de ne pas être aimée par l’autre car je m’apercevais qu’avoir une relation avec une deuxième personne n’influençait pas beaucoup mes envies et mes sentiments pour la première personne. J’ai aussi mieux compris comment c’était compliqué d’être responsable dans les relations multiples et du temps que ça me prenait (surtout si on se retrouve quasiment tout-e seul-e à se conduire de façon responsable !). Pour autant, le fait d’avoir d’autres relations ne règle pas toutes les souffrances et si pour l’instant j’en ai pas, j’ai qu’à souffrir dans mon coin en fermant ma gueule ? C’est justement parce que avoir d’autres relations change la donne, qu’elle instaure une situation dissymétrique, qu’en face, la souffrance de l’autre doit être doublement prise en compte. En plus, c’est pas n’importe qui, qui a facilement des relations avec plusieurs personnes : plus les hommes que les femmes, les personnes centrales dans les collectifs que les personnes périphériques, les personnes valides que les handis,...
« c’est toi qui arrive pas à gérer tes sentiments, moi ça va, alors c’est ton problème » ♥♥♥ Ben voyons, pose-toi aucune question, c’est sûr tout-e-s tes partenaires doivent s’adapter à tes désirs et vivre la relation comme t’as envie qu’ille la vivent. Puis, si c’est pas le cas, c’est sûrement parce qu’on a un problème ! C’est vrai une relation ça se gère pas à deux. Puis la relation libre (surtout quand c’est que dans un sens) est tellement le modèle parfait, qu’il n’y a rien à remettre en question.
Ton amoureux/ses vient te voir tout-e gêné-e en te disant : « heu, là Y, elle a envie que j’aille la voir, alors je sais pas quoi faire... On devait se voir, mais elle aussi à besoin de moi... » ou « je vais voir Y mais j’avais peur que tu le vives mal, alors je viens te le dire pour que tu te sentes pas abandonnée. Ca va aller ? » ♥♥♥ tu veux qu’on dise quoi en face ? ben vas-y ! Et oui, on va pas bien le vivre, mais on va pas te retenir de force car en réalité ton choix tu l’as fait ! T’attends quoi, qu’on soit heureux/se que tu nous plantes. Tu cherches seulement à te rassurer, car tu assumes pas que ton acte va nous rendre triste, car tu te retrouves à faire des actes que tu n’aimerais pas qu’on te fasse. Prends tes décisions tout-e seul-e et assume qu’en décidant de faire passer une relation avant l’autre, tu crées de la souffrance.
la hiérarchisation des relations :
« mon temps est compté, tu sais, j’ai 3 autres relations à gérer, elles comptent sur moi elles aussi » : ♥♥♥ Parce que ça va être ma faute si elles te reprochent que tu passes pas assez de temps avec elles ! Il suffit que tu nous dises ça à toutes, nous on culpabilise et toi tu t’en sors indemne. Si t’arrives pas à consacrer du temps à toutes tes relations, pose-toi plutôt des questions sur ta capacité à avoir 4 relations en même temps et sur pourquoi tu as décidé de collectionner les relations amoureuses.
« Écoute, on a fait l’amour ensemble qu’une fois » ou « si tu l’as mal vécu je peux pas faire grand chose, j’ai déjà ma relation avec X à gérer et c’est déjà pas facile ! » ♥♥♥ ben voyons, c’est déjà tellement dur pour toi de te remettre en question dans une relation que tu ne veux pas perdre, alors celles dont tu en as rien à faire, tu peux les envoyer balader ! Puis c’est vrai que les violences sexuelles ça n’arrive que dans une relation centrale !
l’évitement des discutions et des explications :
« j’ai pas le temps de discuter, j’ai plein d’autres choses à faire, ou alors que ce soit bref. » (tu comprends, je suis un-e super activiste ) : ♥♥♥ Tu crois quoi : que nous on a rien d’autre à faire que de réfléchir à cette relation, de vivre mal des trucs et de nous batailler pour amener les discussions ! Si tu as temps de choses à faire et si peu de temps à consacrer à tes relations affectives quand c’est pas au plus beau fixe, alors décide de ne pas avoir de relations privilégiées. Mais quand tu en as, assume.
Suite à une « pause » dans une relation amoureuse, au moment où tu devais en rediscuter, tu te rends compte que X à changé d’adresse et que tu n’as aucun moyen de le contacter, alors que lui si. 5 mois plus tard, le croisant (après avoir insisté pour qu’il te voie, bien que t’étais à 3 mètres devant lui) : « Salut ! Tu vas bien ! Je n’ai pas pu passer te voir, je me disais justement que je passerais demain, tu habites toujours à la même adresse ? » (sûrement est-il mort entre-temps car tu ne l’a jamais revu.) ♥♥♥ Difficile de ne pas avoir l’impression qu’on se fout de ta gueule ! L’excuse de « je pensais justement te contacter, te parler de ça, etc. » peut être très habile. Il suffit de tenir ce discours jusqu’au bout (de toute façon ça ne pourra jamais être vérifié), de nous faire culpabiliser d’avoir de mauvaises idées sur ton compte et tu peux arriver à ce que ce soit nous qui nous nous excusons !
Dans la même veine : tu vois Y, et tu restes à la fin du séjour sur les phrases « qu’il faut peut-être plus trop donner de l’importance à cette relation. Enfin non c’est quand même chouette, je sais pas. » Bref, c’est un peu flou, vous vous dites que vous en rediscutez la prochaine fois que vous vous verrez et d’ici là vous y réfléchissez. Mais la prochaine fois, elle n’arrive pas parce que tu es obligé-e de changer ton programme. Tu commences à faire de la place dans ton programme pour la période où vous pourrez vous voir, tout en te posant des questions sur la continuité de cette relation pour l’autre personne. Il répond pas aux mails : peut-être qu’il ne peut pas aller sur internet ; tu l’as au téléphone : vous parlez de banalités ; tu lui écris une lettre pour lui poser le problème d’où en est cette relation car tu sens que sinon c’est sûr elle va foirer quand vous vous recroiserez : pas de réponse, mais tu te dis que c’est normal il est impliqué dans une « action spectaculaire » ; tu l’appelles à la fin de l’action : il te dit qu’il avait l’intention de la lire dans l’après-midi puis il te rappelle (voir paragraphe précédent) ; tu lui laisses un message sur son répondeur 5 jours après pour lui dire que t’attends et tu stresses : il te rappelle le lendemain où il t’explique que « le téléphone c’est compliqué, c’est flou dans ma tête, puis avec la distance je sais pas...., j’ai qu’à réfléchir à ce que je veux et te rappeler ce soir. » Cela faisait deux mois (depuis que vous vous étiez revus) qu’il savait qu’il voulait arrêter la relation. ♥♥♥ c’est facile de s’investir dans une relation tant qu’elle a une importance pour toi ou tant qu’elle se passe bien et la zapper complètement lorsqu’elle t’intéresse plus ! Tu stresses pas trop car tu es au clair avec ce que cette relation va devenir (plus rien). Tu te poses surtout pas trop de questions sur comment on se sent en face. De toute façon, ça tu n’y pense plus, maintenant que tu n’a plus envie de cette relation. En plus, tu as d’autres préoccupations, des actions spectaculaires t’attendent. Puis c’est dur à assumer que tu as envie de mettre fin à cette relation, avec un peu de chance la personne en face va oublier que vous avez une relation ou la prochaine fois que vous vous verrez, ça se passera mal et ça deviendra évident pour tout le monde que cette relation ne pouvait que finir comme ça. De notre coté, nous, on fait le point sur l’importance que l’on veut donner à la relation, les choses que l’on a envie de modifier, etc. Dans la tête ça cogite, ça se retient d’avoir peur, et on dépense du temps et de l’énergie pour rien.
Les pseudo-excuses pour ne rien remettre en question :
« je suis désolé, faire ça c’est plus fort que moi ! » ♥♥♥ l’instinct à souvent bon dos pour ne pas se remettre en question et surtout ne pas perdre ses privilèges de dominant-e.
« je suis désolé, vraiment... Heu là, je suis pas d’accord quand tu dis que j’ai déjà eu des comportements similaires. Je pense que les situations ne se comparent pas. » ♥♥♥ souvent combiné avec la passivité plus ou moins totale (voir technique suivante), lorsqu’on dépasse un certain seuil d’analyse : c’est-à-dire que l’on fait entendre que leur comportement de dominant-e n’est pas que le fruit des circonstances ou qu’on ne pense pas qu’après les excuses tout va changer par miracle. Car il y a des privilèges à perdre dans la remise en question.
« Sur le moment, je ne voyais pas comment faire autrement, puis maintenant c’est trop tard, alors je m’excuse pas, ça sert à rien. » ♥♥♥ ben voyons prends même pas la peine de t’excuser, alors une remise en question plus profonde n’en parlons pas ! C’est sûr que des excuses pour te donner bonne conscience et recommencer la prochaine fois, tes excuses on ne les accepte pas. Mais, maintenant c’est trop tard de rien, surtout pas de réfléchir comment tu pourrais faire autrement une prochaine fois avec moi ou un-e autre.
La passivité totale :
« ha bon, il y a un problème » puis « je sais pas ce que j’en pense, j’ai jamais réfléchi à ça » ou « ha bon, on devait rediscuter de ça ? On en a déjà discuté ? On s’est dit quoi déjà ? (souvent transformé en : tu as dis quoi déjà ?) » ♥♥♥ En face, on fait l’animation : on amène les sujets, on pose des questions, on t’explique comment on vit les choses, on te demande ce que t’en pense [et toi en face : blanc ou re - « j’ai jamais réfléchi à ça »], on propose des solutions pouvant aller à tout le monde... bref on y passe une énergie de dingue, avec en plus le doute constant d’exagérer dans ce qu’on dit, vu qu’on pourrait dire un peu n’importe quoi, on recevra un « tu crois ? Si tu le dis ». Pendant ce temps, toi, tu fais l’économie de t’investir dans la relation, de passer du temps et de l’énergie pour que cette relation aille bien. Cette technique permet aussi de nous rendre dépendante car on n’a aucun repère sur comment, en face, tu vis la relation, sur ce que tu as vraiment envie : on reste dans l’insécurité, le doute. De plus, ça te permet de te désengager facilement des accords que nous avons conclus ensemble car en réalité on n’a discuté qu’avec nous-même (tu sauras nous le rappeler en temps utile).
Tu es face à ton amoureux, tu sens qu’il n’a qu’une envie, c’est de te prendre dans ses bras, ou que vous dormez ensemble, il dit des banalités, tourne autour du pot et finit par dire : « si t’as envie, on peut dormir ensemble » et là tu te rends compte qu’il n’a jamais formulé ces envies en terme de « J’AI envie de dormir avec toi, et toi ? ». Soit il attend que toi, tu dises tes envies, soit il te « suggère » tes envies. Par exemple, alors que tu n’as strictement rien exprimé (n’ayant pas envie de le/la voir ce soir là), ille te sort « là, je sens que tu as envie qu’on se voie, alors il faut que je change un ou deux trucs dans mon programme, on se retrouve dans une heure ? » ♥♥♥ C’est sûr c’est impliquant d’exprimer ses émotions et ses envies, ça pourrait vouloir dire que cette relation t’apporte quelque chose ! Tu as raison, il vaut mieux rester dans ton rôle d’humble serviteur, de chevalier-ère servant-e qui, bien sûr, est dans cette relation que parce que nous avons besoin d’un prince-sse charmant-e pour nous rassurer et que nous nous sentions moins seules. Dans ces conditions pourquoi te demanderait-on de prendre en charge la relation, si déjà c’est un acte altruiste ! Pas mal aussi pour nous rendre dépendant-e : on passe tout notre temps à essayer de décrypter si tu as envie de nous voir ou pas, on a l’impression de demander tout le temps et qu’on nous accorde une faveur, puis on culpabilise d’être si demandeureuse et dépendant-e...
l’autoflagélation :
« je suis nul, je suis trop nul, je suis nul, nul nul... » parfois suivi de « pourras-tu me pardonner un jour ? »♥♥♥ À force de l’entendre s’accuser, tu le/la rassures, le/la console : « c’est pas grave, ça arrive... ». Alors ille a réussi à inverser les rôles : le fait de dire que des actes qu’ille a fait t’ont fait souffrir, le/la rend triste et donc tu le/la consoles. C’est-à-dire que tu le/la consoles de dire/de visibiliser en quoi l’autre a été injuste, a été oppressant...
« j’arrive si peu à réfléchir à notre relation, je suis vraiment trop nul, je me suis construit comme ça et j’arrive pas à changer. Puis je trouve si peu de garçons avec qui en discuter. » ♥♥♥ j’ai dans mon entourage 5 hommes (se connaissant) qui me disent qu’ils ne savent pas avec quels autres hommes discuter pour avancer leurs réflexions sur les relations affectives, pour être moins pris en charges par les femmes... Peut-être que vous n’êtes pas les meilleurs amis du monde, peut-être qu’il vous faut chercher d’autres pistes que les pratiques féministes, et sûrement qu’il vous faut plus d’efforts que nous pour parler car on a cette habitude de parler et de réfléchir sur nos relations et nos affects avec les autres depuis longtemps ; mais parfois j’ai l’impression que tu oublies que ça demande d’investir du temps et de l’énergie et que les premières personnes qui en pâtissent de
la flatterie :
« tu comprends tellement bien les choses, tu sais ! Vraiment, je t’admire ! » ou « Heureusement que tu es là pour m’aider ! , qu’est ce que je ferais sans toi. » ou encore « tu es vraiment super courageuse de vouloir continuer une relation avec moi. Comment tu peux encore avoir envie d’une relation avec moi. » ♥♥♥ tactique du renforcement positif, très subtile. On se sent valorisé-e, aimé-e, mais concrètement en face, tu es bien content qu’on passe toute notre énergie à résoudre les problèmes relationnels et qu’on te libère du temps pour des activités plus valorisées socialement et dans des sphères de pouvoir. Bref, tu n’es pas prêt d’avoir réellement envie de changer les rôles. Tactique souvent complétée par l’autoflagélation ou la passivité totale.
Ces différentes techniques se retrouvent souvent combinées ensemble ou l’une est plus utilisée dans une relation et une autre dans une autre... et un petit mélange dans les contextes collectifs.
NB 1 : J’ai fini par mettre le même nombre de ♥ partout, parce que dans telle situation, tel comportement peut te toucher énormément, alors que dans une autre situation, tu te dis juste que la/les personne-s est un-e/des connard-s/connasse-s.
NB 2 : peut-être que tu te dis que je vais un peu loin et que tu ne penses pas tout ça quand tu as tel ou tel comportement irresponsable. Je ne pense pas que tu te dis tout ça consciemment, de façon calculée ; pour autant, je refuse l’idée que c’est fait de manière inconsciente, ce qui enlèverait toute part de responsabilité (« c’est pas ma faute, c’est ma construction masculine »). Je pense que vous en avez une certaine conscience car ces comportements vous amènent des avantages que vous ne lâchez pas comme ça.
Ça fait trois jours que j’écris ce texte, alors je
commence vraiment à saturer. Je veux juste finir en vous disant que si
j’ai écris tout ça, c’est parce que je suis en colère. Pour autant, mon
but ce n’est pas (que) de me défouler et de faire du rentre-dedans,
mais que certain-e-s (et surtout certains) réfléchissent un peu plus à
leur comportements et pourquoi illes ont tels comportements : dans
leurs relations amoureuses et sexuelles, mais pas que !
Colaire