DE L'INCUBATION À L'ÉPIDÉMIE
--> Changement de perspective
L'insistance permanente et obsessionnelle du spectacle médiatique à nous foutre la trouille par tous les moyens, nous pousserait à nous recroqueviller chacun "chez soi", embourbé par nos habitudes casanières et solitaires. Leur solution se limite à une vaccination douteuse coût que coût, qui pourrait s'avérer pire que de ne rien faire. Les mafias affairistes s'agrippent à la grippe. Combien de victimes seront emportées par cette cupidité maladive. Le danger désigné serait le contact avec les autres, la propagation de mouvements autonomes en dérive, les interactions ludiques sur les règles du jeu imposées, l'emballement incontrôlable du cours des relations incertaines, l'émergence d'auto-organisations sauvages sans temps mort et sans entrave...
Le matraquage répétitif et permanent de la propagande de cette réalité
des choses marchandes, déforme nos perceptions et notre compréhension
de la situation. Nous ne sommes pas informés, mais "mis en forme".
"Nous percevons une réalité qui nous est perceptible dans la vision du
monde qui nous est propre. Nos perceptions sont des choix, non des
faits objectifs. Nous sélectionnons les faits qui sont en cohérence
avec notre vision du moment, en nous enfermant dans une seule lecture
limitante de la réalité et dans un seul langage pour l’appréhender et
l’interpréter. La réalité n’est pas prédéterminée, nous la
reconstruisons constamment.
Notre croyance en l’objectivité entrave la compréhension que nous avons
de nous-mêmes et des autres. L’objectivité du monde n’est qu’apparente.
Le lien de cause à effet n’est pas dans la réalité mais dans une
explication de la réalité. C’est l’opération de distinction qui fait
distinguer les choses. La réalité est une construction de l’esprit,
elle est ce que nous en faisons. La question n’est plus de savoir ce
qui est vrai mais de chercher ce qui est utile pour agir selon nos
désirs."
(Stratagèmes du changement*)
Le concept de cause, tel que le définit le scientisme réaliste, se
fonde sur les présuppositions qu'ont peut expliquer n'importe quel
phénomène en le réduisant à ses parties et qu'aucun autre élément
n'entre en jeu. L'erreur commise par ce réductionnisme aveugle est de
ne pas reconnaître avoir détruit le système des relations et
interactions qui forme un tout en effectuant ces dissections et
découpages arbitraires. Cette conception schizophrène d'un monde
fragmenté ne mène jamais qu'à un obscurantisme sans devenir, un blocage
des possibles.
Les éléments ou les individus sont liés les uns aux autres, c'est ainsi qu'ils sont liés à la totalité.
Ce réalisme qui considère qu'une cause génère son effet, en dehors de
tout contexte et de toute interaction, est-il scientifique ? La science
peut se décrire comme un mode de perception, d'organisation et
d'attribution de sens aux observations, qui construit par là-même des
théories subjectives dont la valeur n'est pas définitive.
Aucune science ne saura jamais proposer une explication de la réalité
absolument vraie et inaltérable. Il n'y a pas une seule, mais de
multiples réalités, selon le point de vue de l'observateur et des
instruments qu'il utilise à des fins d'observation. Ainsi est réfuté
tout modèle d'interprétation présupposant une explication de la nature
et du comportement de l'Homme qui se veut absolument vraie et
définitive, parce qu'un tel modèle tombe inévitablement dans le piège
idéologique d'auto-référenciation, sorte de discours qui génère sa
propre justification, construite sur ses hypothèses de départ.
Le système doit être étudié dans sa totalité car la totalité représente
davantage que la simple somme de ses parties ; elle est autre et bien
plus que le total. Toute tentative d'étudier les composantes de façon
isolée détruirait la totalité et produirait des résultats qui
altéreraient la compréhension du système ou de la société.
"Le comportement d’un mouvement social est la contrepartie externe de
la danse des relations internes des éléments qui le composent. Le
système social est un système en changement structural continuel. Ces
changements se produisent dans les caractéristiques des relations
locales, dans la circularité de la communication co-évolutive de ses
éléments. De ces changements particuliers surgissent des changements
d’efficacité des interactions en mouvement pouvant modifier
radicalement le fonctionnement de l’ensemble". *
Un mouvement de transformation sociale peut alors se comprendre comme
une congruence remarquable d'une danse synchrone de coordinations
d'actions, d'où émerge une évolution comportementale dans de nouveaux
rapports relationnels, au cours de dérives individuelles et collectives
sans plan préétabli. Les règles de la concurrence, la loi du plus fort,
la hiérarchie, l'exploitation et la prédation feront place à l'entraide
interactive, la coopération sociale, l'association fédérative, la
commune à échelle humaine.
Les réseaux d'éléments autonomes sont à la base de comportements
émergents non prévisibles, car ils sont non déductibles à partir de ses
parties singulières. L'auto-organisation émergente de cet effet réseau,
est précisément l'agrandissement de l'espace de possibilités d'une
nouvelle globalité issue d'une histoire d'interactions entre des
éléments différents et hétérogènes. Lorsque la richesse de ces
interactions franchit un certain seuil, le mouvement global produit de
façon discontinue de nouveaux comportements d'ensemble tout à fait
imprévisibles à partir de la somme des apports de chaque individu ou
groupe d'individus, et même inconcevables. Ces groupes de relations, en
interaction temporaire avec d'autres groupes, peuvent développer dans
de brèves périodes, des capacités et des propriétés nouvelles
imprévisibles, parce que non-déductibles.
En s'autorisant à libérer nos positions des préjugés déterminés par les
certitudes conventionnelles, et en développant nos capacités
relationnelles par l'intelligence situationnelle du moment, nous
devenons indéterminables et imprédictibles, donc incontrôlables,
changeant continuellement nos règles de transformation selon nos
relations dans l'action et nos points de vue qui en émergent.
Abandonner nos logiques intransigeantes et autoritaires nous ouvre de
nouveaux horizons plus libres, nous donnant de nouvelles possibilités
propices au changement.
Faire surgir des doutes peut rompre la rigidité
perceptivo-réactionnelle habituelle en entamant l'armure cognitive et
la carapace comportementale. Faire naître un doute sur l'explication
logique et rationnelle est particulièrement propre à débloquer des
structures mentales rigides et fermées. Semer le doute concernant la
logique d'un raisonnement, introduit un petit ver qui mobilise
l'entropie du système, amorçant une réaction en chaîne qui est lente
mais dont les effets n'en sont pas moins dévastateurs, et qui peut
produire des changements dans le système tout entier.
Il s'agit d'abandonner l'état de foi du réalisme, pour adopter le doute
et le scepticisme du chercheur. Il nous appartient de choisir de nous
considérer comme des pions dans un jeu dont les règles seraient d'après
nous une réalité qui s'impose d'elle-même, ou bien comme des joueurs
qui ont compris que les règles ne sont réelles que dans la mesure où
nous les avons acceptées et que nous pouvons tout aussi bien jouer avec
elles, et ainsi les changer.
"Le possible est plus riche que le réel. (...) Le futur n’est plus donné. Il devient une construction”.
Ilya Prigogine, La fin des certitudes.
Il n'y a pas de véritables règles de changement que l'on pourrait
appliquer et contrôler. Dans cette période dure et confuse
d'exploitation sans limite, nombreux sont les charlatans qui bradent
sur le marché du désespoir leur solutions miracles. Une rébellion, un
mouvement de révolte, une insurrection peuvent émerger de l'incubation
sociale par expérimentations de jeux sur les règles du jeu, déclenchée
sans aucun respect des conventions. Il s'agit d'inventer l'amorce d'un
changement sans limite, le susciter par agitations, provocations et
rage de vivre, l'activer dans sa propagation pandémique, et la fièvre
peut alors se répandre par plaisir...
"Tout devient possible à ceux que n’arrête pas l’invraisemblable." *
* Stratagèmes du chagement, de l'illusion de l'invraisemblable à
l'invention des possibles, par Lukas Stella aux Éditions Libertaires.