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L'En Dehors


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De discrets sylviculteurs
Discrète. Les animateurs du Réseau d'échanges et de pratiques alternatives et solidaires (Repas) nous avaient prévenus : il n'était pas sûr qu'Eurosylva accepte d'être le sujet d'un reportage dans S!lence. Et Chantal Hirschauer, la dynamique gérante d'Eurosylva, qui a finalement accepté de nous rencontrer, commence effectivement l'entretien en nous prévenant qu'il n'est pas dans les usages de l'entreprise de communiquer à l'extérieur. Eurosylva est une entreprise discrète.


Discrète de par son métier, la sylviculture, qui se pratique au coeur des forêts. Là où les bûcherons abattent et débardent, là où le temps qui passe, la météo et les animaux sauvages font leur aeuvre, parfois destructrice, les employés d'Eurosylva se préoccupent de la longévité, de la santé et de la beauté de nos forêts, partout en France. Reboisement, élagage, éclaircissement, entretien de plantations, balivage (1), inventaires, comptages... toutes ces tâches souvent invisibles à l'oeil du simple promeneur sont au coeur, du métier de cette petite entreprise basée en Aveyron. Ces chantiers lui sont confiés par des propriétaires, des experts forestiers ou des groupements forestiers, qui se reposent sur l'expérience trentenaire et de l'exigence de qualité d'Eurosylva. Une expérience qui fait qu'aujourd'hui, le résultat de son mode de gestion sylvicole
est souvent citée en exemple. Cette gestion, qui vise à trouver un équilibre entre le souci de productivité imposé par l'industrie forestière et les contraintes environnementales sur le long terme, repose aussi sur la capacité des collaborateurs d'Eurosylva à faire leurs les soucis des propriétaires forestiers. Côté écologie, cette gestion aboutit à des évidences, comme le refus d'utiliser des traitements chimiques ou comme l'introduction progressive de techniques d'entretien nouvelles comme la taille douce. Mais elle mène également à des positions qui pourraient paraître beaucoup moins évidentes aux yeux d'écologistes tels que les lecteurs de S!lence. Comme par exemple le
fait de n'être pas systématiquement opposés aux chasseurs, qui peuvent avoir un rôle bénéfique pour les écosystèmes forestiers, de régulateur des espèces animales sylvestres. Ou encore comme le fait d'affirmer que les forêts de résineux, qui ont connu un fort développement en France au cours du vingtième siècle, ne sont pas forcément nocives pour l'environnement si elles sont bien conduites. Il
s'agit en effet pour Eurosylva, d'éviter les monocultures appauvrissantes, de réfléchir avec d'autres partenaires aux changements climatiques en cours qui auront un impact certain sur l'ensemble des peuplements forestiers et donc de diversifier les essences.

Née de la mouvance communautaire

Discrète aussi peut-être de par son histoire. Une histoire qui a commencé dans les années soixante-dix avec une communauté clandestine hébergeant dans la forêt aveyronnaise des anti-franquistes et des enfants des Républicains espagnols. Une communauté donc très marquée politiquement par la gauche libertaire et autogestionnaire. Cette communauté, devenue communauté de travail, a un jour rencontré un donneur d'ordre et ce fut le début de l'aventure qui a conduit à ce qu'est Eurosylva aujourd'hui. De cette histoire, les employés d'Eurosylva revendiquent un héritage: l'engagement social, l'autogestion, le travail à temps choisi, l'égalité de salaires et l'esprit communautaire. Car, selon Chantal Hirschauer, « Eurosylva est aujourd'hui encore une communauté de travail ».
Discrète enfin, et c'est la vraie raison avancée par sa gérante, car le plus important à Eurosylva est son fonctionnement interne. « Eurosylva est une entreprise constituée de personnes autonomes et responsables, capables de vivre en collectivité le temps d'un chantier ». C'est une vraie profession de foi et tout le reste en découle. Bien que le statut de Sarl ne reflète pas les fondements autogestionnaires de l'entreprise - un statut de Cuma (2) de services aurait été plus proche de leur fonctionnement interne, mais risquait de décrédibiliser l'entreprise à l'extérieur Eurosylva a su rester cohérente avec ses idéaux. Il n'y a effectivement aucune hiérarchie, pas de chefs d'équipes, ce qui permet une distribution égalitaire des salaires, mais implique aussi une augmentation des responsabilités de chacun. II y a, dans l'entreprise, deux assemblées générales par an auxquelles participent les quatorze salariés. Et « chaque salarié est rémunéré à l'heure et non à la tâche ce qui exclut l'obsession du rendement » .

Faire perdurer l'esprit alternatif

Discrète donc, mais pas repliée sur elle-même, car malgré. son engagement politique et éthique, Eurosylva doit gérer ses relations externes au quotidien comme n'importe quelle entreprise classique, avec les collectivités locales, avec les administrations, avec le marché et ses contraintes. « C'est difficile, confie Chantal Hirschauer, de garder cet esprit face au marché. La spontanéité ne va pas vers ça ! » Le réseau Repas, auquel Eurosylva est historiquement liée, car Michel Besson (3), un des fondateurs du réseau était aussi à l'origine du « groupe bois » , est d'un grand renfort pour partager sur la difficulté à faire perdurer un esprit alternatif, tout en gérant ses relations avec le système dominant.
La difficulté pour l'avenir d'Eurosylva sera de faire perdurer cet esprit alternatif. Comme l'explique sa gérante, « c'est une entreprise fragile, sans gros patrimoine, mais basée sur des gens avec une histoire ». Or, on ne fait pas carrière au-delà de l'âge de quarante ans dans ce métier physiquement éprouvant qu'est la sylviculture. Il y a donc un moment où il faut passer la main. Au bout de cinq à sept ans de chantier, les sylviculteurs doivent évoluer vers d'autres activités. Eurosylva essaie d'accompagner cette évolution par des investissements dans la formation, comme par exemple cette formation à la taille douce et à l'élagage, qui permettra à une personne de créer une nouvelle activité à la rentrée. Linvestissement dans un atelier de maintenance du matériel a également permis à un des salariés de pérenniser son emploi. De même, l'investissement dans une scie mobile est à l'origine d'une nouvelle activité auprès des forêts paysannes, offrant du même coup à un ancien salarié qui avait connu des problèmes de santé, la possibilité de maintenir son emploi. Chantal Hirschauer ainsi qu'un autre de ses camarades, tous deux anciens sylviculteurs, ont évolué vers des postes administratifs. Mais beaucoup d'anciens ont aussi créé leur propre entreprise après leur passage à Eurosylva, que ce soit dans la sylviculture, l'agriculture ou le débardage à cheval.
Pour la relève, les recrutements se font par cooptation, sur la base d'un important réseau relationnel qui s'est construit au cours des trente années d'existence de cette communauté de travail. Ce sont d'ailleurs souvent les enfants des premiers sylviculteurs qui sont embauchés aujourd'hui. Et les idéaux politiques de l'entreprise sont mis en avant dès le premier entretien de recrutement. Le réseau Repas, avec lequel Eurosylva partage' nombre de valeurs éthiques et politiques, constitue également un vivier de recrutement.
Gageons que cette alternative pourra perdurer, afin que les personnes qui la constituent, la font vivre et écrivent au quotidien son histoire exceptionnelle, puissent continuer à expérimenter d'autres façons de vivre, de travailler et de s'impliquer dans la société. Mais sur l'avenir aussi, Eurosylva sait rester discrète : c'est l'action qui importe. Et Chantal Hirschauer de conclure « ici, on ne parle pas de ce qu'on ne fait pas ».

Alban Labourer et Aymeric Mercier

Eurosylva, ancienne mairie, 12320 Saint-Cyprien-sur-Dourdou, tel : 05 65 69 8O 55,
courriel : eurosylva@wanadoo.fr


(1)Le balivage consiste à sélectionner et à marquer les arbres à épargner lors d'une coupe.
(2) Cuma, Coopératives d'utilisation de matériel agricole, appartient à la famille des coopératives de service qui mettent à disposition de leurs sociétaires les moyens nécessaires à leurs exploitations.
(3)Michel Besson est également un des fondateurs de la coopérative Andines et de l'association de commerce équitable Minga. Lire « Construire des alternatives au commerce équitable », S!lence N°325-326.

S!lence #330 décembre 2005
Ecrit par libertad, à 00:01 dans la rubrique "Projets alternatifs".



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