Nous sommes au Moyen Age de la politique. Nous sommes encore dans une époque où règne en maître la croyance officielle, de fait sinon de droit, en une vérité révélée qui nie toute critique, autrement dit, de toute remise en question du système dans lequel on vit.
Certes, il règne une forme de
liberté d’expression et l’on a le droit de dire ce que l’on veut… On ne brûle
plus les hérétiques. Les sélections médiatiques ont remplacé l’élimination par
les bûchers. Les médias diffusent la pensée « politiquement
correcte », ils « purifient » le discours comme les bûchers
purifiaient les « déviants » et isolent la « pensée
hérétique », après avoir essayé de la détourner, c’est moins brutal, mais tout
aussi efficace … et ça permet de se prévaloir d’une « ouverture
démocratique ».
Tous les systèmes ont eu recours
à ce stratagème sous une forme ou sous une autre.
SUR LE BIEN FONDE DE
L’EVIDENCE
Ce qui « est »
n’a pas besoin de prouver « ce qu’il est ». L’existence suffit
à fonder le sens.
La « démocratie »
existe enfin. L’ère des guerres entre les pays riches et le temps des
dictatures, dans ces mêmes pays, est fini. La démocratie est garantie par le
respect de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948,
renforcée par tout un tas d’autres déclarations, conventions,… signés des deux
mains et abondamment cités.
La démocratie est solennellement
décrétée… Militairement défendue comme en Irak, « maffieusement »
assuré comme en Russie, « paternalistement » comme en France,… ,… le
débat est clos et, hormis quelques dérapages regrettables, l’essentiel est
garanti.
L’évidence de la démocratie est
fondée comme était fondée l’existence de Dieu au Moyen Age… Ca ne se discute
pas, ça ne se discute plus.
Ce que l’on avait pu faire
apparaître comme des contradictions du système marchand ont été baptisées
« dysfonctionnements »… et comme tout dysfonctionnement, ils ont bien
entendu leurs solutions dans le cadre du système, c'est-à-dire en respectant
ses principes et ses fondements, … Ainsi soit-il, hier,…CQFD.aujourd’hui.
Exemple : le chômage
qui « semble » s’opposer au droit au travail, explicitement
reconnu dans l’article 23 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme,
est implicitement reconnu dans l’article 25 de la même déclaration.
Ainsi, d’une contradiction fondamentale dans les principes mêmes de
fonctionnement du système marchand, on fait un simple épisode regrettable qui
mérite, et peut, d’être corrigé.
De même que le droit à
l’information est un principe reconnu, absolu et imprescriptible, sauf que
ce droit, pour pouvoir s’exercer dans le cadre du système passe par les
conditions financières de la possession de moyens de communication soumis à des
règles économiques qui excluent la plus grande partie des citoyens et les
rendent dépendant de structures médiatiques entre les mains de financiers qui
filtrent, comme bon leur semble, cette information.
Faut-il prendre encore l’exemple
de l’éducation ou de la santé en passe de marchandisation
massive ?
Pourtant tout cela, toutes ces
dérives se sont, avec la meilleure volonté du monde et dans le strict respect
des lois sur la liberté et l’égalité, fondées sur le raisonnement simple et de
« bon sens » : « Vous n’avez pas les moyens ? Mais
vous n’avez qu’à vous les donner ! »… Ben voyons ! … « Ils
n’ont pas de pain ? Qu’ils mangent de la brioche ! »
LE FAUX ALIBI DU « BON SENS POPULAIRE »
Le « bon sens
populaire » dont se gargarisent les politiciens, ça n’existe pas.
Le « bon sens populaire »
n’est qu’un sous produit des frustrations sociales quotidiennes, qui sont
réelles, mais servies à la sauce médiatico-politique des instruments de
propagande et de pensée du système dominant.
Le « bon sens populaire »
est une invention des classes dominantes afin de faire en sorte que l’on n’en
reste qu’à l’aspect superficiel des problèmes de la société tout en donnant
l’impression que l’on traite l’essentiel.
Quand un politicien loue le
« bon sens » de ses électeurs, il sait pertinemment, ou bien c’est un
imbécile, ce qui est d’ailleurs fréquent, qu’il va dans le sens de ce que ses
ouailles, pardon, ses électeurs, souhaitent entendre. Il interprète leurs
demandes, en promesses déconnectée de toute réalité économique et sociale… ce
qui fait qu’elles ne sont, dans l’ensemble, évidemment jamais réalisées.
Ces demandes, si elles
correspondent à des besoins réels sont aussi souvent l’expression de fantasmes
fondé sur l’incrédulité, l’ignorance et le produit de la manipulation.
Ce que l’on appelle le « bon
sens populaire » n’est que la concrétisation d’une crédulité produite par
un matraquage idéologique. Des exemples ? Ils sont légions !
N’était-il pas
« normal » au Moyen Age que les « sorcières » soient
considérées comme des créatures démoniaques ?… le « bon peuple »
avec « bon sens » étant bien entendu tout à fait d’accord pour les
éliminer.
N’est-il pas normal aujourd’hui
que le chômeur soit traité de fainéant ? Car comme chacun sait le « bon sens » nous dit que
« si l’on veut travailler, on trouve toujours du travail » !
Ou que l’ « étranger » quand il se nourrit « mange
notre pain »,…
Ainsi, paradoxalement, sous
l’influence des relations sociales vécues, subies et leur interprétation par
l’idéologie du système dominant, le soit disant « bon sens »
produit exactement sa négation : l’obscurantisme.
Aujourd’hui, il n’est pas besoin
de grands discours pour voir fonctionner ce système pervers. Les grands médias
de l’information ont remplacé l’Eglise, de même que la foi a été
avantageusement remplacée par une pseudo rationalité fondée sur la
marchandise. Tous les ingrédients sont présents pour faire de la masse des
citoyens un troupeau de demeurés qui croient ce qu’on leur raconte et qui vont voter
comme autrefois les gueux allaient à confesse.
Les candidats promettent tout ou
à peu près, comme les prêtres promettaient le Paradis et celles et ceux qui
refusent de jouer le jeu sont culpabilisés, traités de mauvais citoyens comme
étaient traités autrefois les « mauvais chrétiens » ou les « infidèles ».
La conscience est ainsi
verrouillée, limité au strict cadre de ce qui ne gène pas le système.
Le discours politique est
toujours aujourd’hui un discours de mystification. La pseudo modernité de
notre vie sociale est toujours fondée sur un rapport de domination,
d’asservissement du plus grand nombre à des principes de fonctionnement
économiques et sociaux sur lesquels, malgré les apparences, nous n’avons
quasiment aucune influence…. Un exemple ? le sort du NON au
Traité Economique Européen.
L’obscurantisme religieux des
siècles passé a été simplement remplacé par un autre obscurantisme, plus
sophistiqué, plus mystificateur, peint aux couleurs de la science et de la
rationalité.
Les Lumières n’ont éclairé
qu’une partie de la réalité sociale. Il nous faut dès à présent nous saisir des
projecteurs.
Patrick
MIGNARD
Voir aussi :
« VICTOIRE DE LA
POLITIQUE… MORT DU POLITIQUE »
« VISIONS ONIRIQUES ET REALITE HISTORIQUE »
« INERTIE DES CONSCIENCES ET CHANGEMENT SOCIAL »