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Plus
rarement, cette action prend la forme de manifestation. On assiste alors au
spectacle stupéfiant de « policiers manifestants » contrôlés par
d’autres policiers. Le clou du spectacle - et qui ne manque pas de sel - étant
l’estimation du nombre de manifestants par les deux « camps ».
Il
faut noter que les organisations politiques de « gauche » et
d’ « extrême-gauche » sont d’une prudence de Sioux pour
s’exprimer sur ces faits, quand ce n’est pas un silence éloquent qui les
habite.
Au
delà de l’aspect « surréaliste » de ce type de manifestation et des
réactions, ou non réactions qu’elles suscitent, se posent deux questions
essentielles :
Quel sens véritable a ce type de
contestation ?
Doit-on ou non soutenir ces
revendications ?
SUR LE SENS
Le
Policier en tant que fonctionnaire – c'est-à-dire employé de l’Etat – est un
salarié qui a tous les problèmes des fonctionnaires : conditions de travail,
moyens pour l’accomplir, grille indiciaire pour le traitement, avancement,
mutuelle,… A ce titre on peut considérer ses revendications et les moyens –
légaux – qu’il utilise comme « normaux » et légitimes. C’est
d’ailleurs dans ce sens qu’agissent les syndicats de Police, comme tout autre
syndicat de salariés.
Il
est sûr, et ce serait malhonnête d’affirmer le contraire, que les policiers ne
sont pas avantagés – sur le plan matériel - de manière exorbitante par rapport
aux autres fonctionnaires. Ils n’ont rien à voir avec ce que serait un groupe
particulier qui, du moins sur le plan matériel, bénéficieraient de privilèges,
car au service de la classe dominante.
Les
conditions de travail, d’avancement, et là-dessus les syndicats de police ont
raison, sont loin d’être satisfaisantes,… on peut même parler d’économies
faites sur leur dos et même d’exploitation.
La
contestation syndicale a donc un sens au
sens syndical et même salarié du
terme. Et c’est bien cette situation qui est gênante pour celles et ceux qui éprouvent à la fois un sentiment de
répulsion pour la fonction policière répressive et de compassion pour ces
salariés en lutte pour leurs conditions de vie. Il est vrai que, de surcroît,
lorsqu’un conflit les oppose au simple citoyen ils bénéficient d’une longueur
d’avance car quasi systématiquement soutenus par leurs syndicats ( ce qui est
logique), mis aussi et surtout, leur hiérarchie et le Pouvoir en place… et
c’est la Police qui enquête sur… la Police…
UNE CONTESTATION MOLLE
Manifestement
la Police met moins d’ardeur à lutter contre la « politique du chiffre » du Gouvernement qu’à expulser des
travailleurs de leur entreprise qu’ils occupent., ou à rafler les « sans
papiers »…
Cette
« politique du chiffre »
est aux policiers ce que les cadences sont aux travailleurs à la chaîne.
"Jour après jour, les policiers nationaux s'épuisent à
réussir des objectifs inatteignables - la politique du chiffre - loin des
réalités d'une délinquance mobile, violente, dont vous avez ou pouvez être
victime" dit un tract distribué à Paris lors de la
manifestation du 3 décembre 2009. La révision générale des politiques publiques
(RGPP) est dans la ligne de mire, qui "n'a
qu'un but : réduire les dépenses de l'Etat et démanteler les services publics
essentiels".Précise-t-il et ajoute que la Police est la
profession la plus touchée par les suicides.
A
lire de tels propos on ne peut qu’être admiratif devant autant de lucidité,
mais au-delà de cette brillante analyse,… que fait ce corps qui est au cœur de
l’autorité de l’Etat ? Rien,… erreur, il gémit : « Policiers usés, policiers démotivés »
scandaient les manifestants parisiens.
On
a peine à croire que cette force, et qui sait l’utiliser, se laisse asservir
comme de vulgaires salariés rivés à leurs machines. Pourtant c’est bien cela
qui se passe… Rares sont les débordements, rares sont les coups de gueule,
rares – et même inexistantes - sont les occupations de commissariats et autres
actions plus musclées. Ce grand corps si rapide à réprimer celles et ceux qui se
battent est incapable de se battre pour ses propres revendications et appelle à
son secours celles et ceux qu’il n’hésitera pas à réprimer au premier ordre
qu’il recevra.
Le culte de l’obéissance et la
certitude de l’impunité.
On
est pour le moins hésitant à soutenir une telle profession.
SUR LE SOUTIEN
Il
est, bien évidemment déterminé par la conception de la fonction que l’on a de
la Police.
Si
on la considère, dans son ensemble, Gendarmerie comprise (quoiqu’elle ait un
statut militaire), comme un service
public – ce qui est la version officielle diffusée dans le public, alors il
n’y a pas de différence entre un policier et un autre fonctionnaire…. C’est
l’attitude des principales formations politiques à vocation d’occuper le
pouvoir : conservateurs, centristes et sociaux libéraux,… sans parler de
l’extrême droite.
Si
l’on considère par contre que la Police n’est pas un service public – au sens où on l’entend généralement – mais un
groupe de mercenaires au service d’un système social inégalitaire et
d’exploitation, alors, tout en reconnaissant le bien fondé matériel des
revendications et même la situation de salarié, il est difficile et même
impossible d’être solidaire avec la Police.
Soutenir
les revendications d’une force de répression est en effet difficilement
acceptable, d’autant plus que l’on a affaire à cette même police lorsque l’on
revendique comme elle, les mêmes conditions de travail et de vie.
« Mais la Police n’est pas que la répression » vont
proclamer en chœur les syndicats policiers et leurs soutiens politiques…
Certes, mais c’est essentiellement ça dans un système où règnent les inégalités,
facteurs de délinquance et conflits sociaux…et la tendance actuelle
s’accélère.
A
moins de faire croire, ce que voudraient certains, ou d’être persuadé, que l’on
vit dans une société plus ou moins harmonieuse, simplement perturbée par des
délinquants agissant sans raison, on peut difficilement imaginer que la
« paix publique » et la « sécurité » ne soient pas, surtout
et avant tout, un problème politique et social. Or la police, n’entre pas dans
ce genre de détail et ne pose les problèmes que de manière technique :
matériels, effectifs, rythmes de travail,… et se fait d’ailleurs un
« honneur » d’être neutre… ce qui est une douce illusion, ce qui entraîne
une confusion extrême dans ce qu’elle croit être et ce qu’elle veut faire
croire qu’elle serait.
Situation
d’autant plus complexe, comme on vient de le noter que fonction de
répression et opérations « humanitaires » s’enchevêtrent
au point de ne plus parler des unes au profit exclusif des autres,… ce que tout
Pouvoir s’attache consciencieusement à faire.
Exemple :
« Un CRS c’est quelqu’un qui risque
sa vie sur la plage ou en montagne, mais pas du tout un cogneur de lycéen ou de
d’ouvrier ». « Un policier
est toujours une victime, jamais un agresseur ». Tous les reportages
officiels sur le sujet montrent des policiers bien intentionnés, serviables,
polis, presque des travailleurs sociaux. On comprend difficilement, dans ces
conditions, que les policiers violentent des journalistes et leur confisque les
images d’intervention au nom d’un droit à l’image qui n’existe pas, du moins
dans ce cas.
Devant
une telle malvoyance ou mauvaise fois on ne peut que mettre en parallèle les
revendications des policiers avec leur véritable rôle dans la cité et ce
d’autant plus que l’aspect social et politique est totalement passé sous
silence au profit d’une pratique des plus suspecte (chasse aux « sans
papiers » par exemple)… ce qui ne veut d’ailleurs pas dire efficace.
La
contestation policière, et elle ne le fait pas exprès, présente cependant un
réel intérêt : elle est un signe,
parmi d’autres, de la décadence du système dominant. D’une certaine
manière, les conditions de travail et le mépris affiché par le Pouvoir peuvent
être – tous ne sont pas obtus – à l’origine d’une prise de conscience. Une
faille dans ce corps apparemment monolithique est donc à exploiter, encore
faut-il le faire avec tact et non dans un but bassement électoral.
A
n’en pas douter nous n’entraînerons pas la Police dans une dynamique
d’alternative de rapports sociaux, elle demeurera le dernier garant du système,
mais on peut faire douter certains de ses éléments et fragiliser ainsi le
Pouvoir…
Ce
sera toujours ça de gagné.
Décembre 2007 Patrick
MIGNARD
Voir
aussi :
« POLICE-JEUNES :
L’IMPOSSIBLE DIALOGUE »
« IMAGE
DE LA POLICE / POLICE DE L’IMAGE »